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Instaurer un mode de scrutin proportionnel au Québec? Non merci!

Le PQ n'a absolument aucun intérêt à vouloir s'ériger en chantre d'un système électoral qui le priverait à toutes fins pratiques de l'exercice exclusif du pouvoir.
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Monsieur Lisée,

Dans votre billet de blogue du 21 juin intitulé « Indépendance: compte à rebours 2022!», vous écrivez: «Je proposerai [...] qu'un gouvernement du Parti québécois élu en 2018 procède à une réforme consensuelle du mode de scrutin pour introduire, dès l'élection de 2022, l'élection proportionnelle mixte (soit environ 75 sièges de circonscription et 50 sièges de liste [...]) .»

Permettez-moi de vous inviter à y réfléchir à deux fois avant d'aller de l'avant avec cette proposition, car elle est susceptible de conduire à la formation de gouvernements minoritaires à répétition. Qui plus est, le PQ n'a absolument AUCUN intérêt, comme je le démontre plus bas, à vouloir s'ériger en chantre d'un système électoral qui le priverait à toutes fins pratiques de l'exercice exclusif du pouvoir.

Ainsi, si des élections à la proportionnelle «intégrale» avaient eu lieu en avril 2014, les résultats auraient été les suivants : «52 sièges au PLQ au lieu de 70, 32 sièges pour le PQ au lieu de 30, 29 à la CAQ plutôt que 22, 9 sièges pour Québec solidaire alors qu'il n'en obtient que 3» (source: Le Devoir).

Comme on le voit immédiatement, pareil mode de scrutin rendrait difficile la formation de gouvernements majoritaires stables. Depuis 1960, il est arrivé à 5 reprises seulement (sur un total de 16 élections générales québécoises) que le PLQ obtienne 50 % des voix et plus. JAMAIS le PQ n'a franchi cette barre, obtenant, au mieux, 49 % des voix en 1981.

Certains, dont Paul Cliche, membre de Québec solidaire et fondateur du Mouvement pour une démocratie nouvelle, sont d'avis qu'un mode de scrutin «mixte compensatoire» semblable à celui en vigueur en Allemagne permettrait de réduire les risques de distorsion électorale. Là encore, cela n'aurait pas suffi à «réduire le déficit démocratique» de façon significative en 2014 : le PLQ aurait obtenu 63 sièges (soit tout juste la majorité absolue); le PQ 31 sièges (soit à peine 1 de plus qu'actuellement), la CAQ 25 (+ 3) et QS 6 (+ 3 également).

Précisons qu'en Allemagne un parti doit avoir obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés pour être représenté tant aux parlements régionaux qu'au parlement fédéral. L'application chez nous de pareils critères priverait notamment Option nationale de siège à l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, un système mixte crée deux types de députés: ceux qui représentent leurs électeurs dans la circonscription où ils ont été élus, comme c'est le cas présentement; et ceux qui sont inscrits sur une liste après avoir été désignés par leur parti respectif. En plus d'obliger les électeurs à voter pour un candidat ET pour un parti (c'est-à-dire à faire 2 croix plutôt qu'une), ce mode de scrutin alambiqué entraîne parfois des erreurs même en Allemagne, et ce en dépit du fait que les Allemands sont par nature des gens beaucoup plus organisés, efficaces et disciplinés que les Italiens, par exemple. Or, en Italie justement, le Parlement a dû procéder l'an dernier à une réforme électorale majeure afin de mettre un terme à l'instabilité politique chronique du pays. En deux mots, l'Italie a décidé de garder un scrutin proportionnel mais à deux tours combiné à une prime de majorité au parti qui obtient 40 % des voix .Vive la démocratie à l'italienne!

Pourquoi pas un système de scrutin uninominal majoritaire à deux tours?

Par conséquent, si vous voulez éviter que le futur pays du Québec devienne ingouvernable, pourquoi ne pas instaurer un système de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, comme c'est le cas en France? Il s'agit là d'un mode de scrutin facile à comprendre et à appliquer, dont même les petits partis peuvent bénéficier en concluant des alliances entre deux tours de scrutin. (C'est précisément là qu'une «convergence» deviendrait possible et même souhaitable!)

Ainsi, si le mode de scrutin uninominal à deux tours avait été en vigueur en 2014, les résultats auraient pu être les suivants, d'après mes calculs basés sur les données fournies par le DGEQ : PLQ 42 sièges, PQ 48 sièges, CAQ 31 sièges, QS 4 sièges.

Oui, vous avez bien lu, le PLQ aurait 28 sièges de moins qu'à l'heure actuelle... et le PQ serait le principal parti du Québec avec 48 sièges! En vertu de quel mystère? En vertu du jeu du report des voix, tout simplement! À condition, bien entendu, que tous les partis d'opposition acceptent de jouer le jeu, un tel mode de scrutin rendrait dès lors possibles, aux élections de 2022, des ententes fructueuses PQ-QS, PQ-CAQ, CAQ-QS ou même PQ-CAQ-QS...

Mais nous sommes encore loin de 2022! Par conséquent, ce petit exercice de politique-fiction a pour seul intérêt de nous ramener à la question suivante: Quelle est l'utilité concrète d'envisager dès à présent la possibilité d'instaurer un mode de scrutin proportionnel au Québec?

Aussi, au lieu de chercher à mobiliser les troupes péquistes sur une question sans rapport direct avec l'objectif principal du PQ et le vôtre (soit faire du Québec un pays!), ne serait-il pas plus opportun, plus efficace et plus urgent de poursuivre vos efforts en vue de battre les libéraux en 2018, tout en mettant l'accent sur la promotion de l'indépendance?

En effet, si l'institut de recherche sur l'indépendance mis sur pied par Pierre Karl Péladeau parvient à démontrer hors de tout doute que l'indépendance permettrait de faire du Québec un pays riche et prospère, je ne suis pas inquiet pour la suite des choses. Quand la majorité des Québécois auront enfin compris que l'indépendance est une nécessité absolue, ils vont tout naturellement vous appuyer majoritairement le moment venu...

Voilà pourquoi il me semble prématuré, à cette étape-ci de notre histoire, de vouloir instaurer dès 2022 un mode de scrutin proportionnel (ou tout autre nouveau mode de scrutin)!

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Mai 2017

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