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La dérive argumentative n’est pas l’un des principes de Québec solidaire

Québec Solidaire n’a jamais hiérarchisé les luttes et ne le fera jamais, fusion ou non.
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Gabriel Nadeau-Dubois et Sol Zanetti.
THE CANADIAN PRESS
Gabriel Nadeau-Dubois et Sol Zanetti.

La fusion entre Québec solidaire et Option nationale constitue une décision politique majeure dont le principal enjeu est l'adhésion d'un important secteur indépendantiste au parti de gauche. Devant cette question essentielle, certains membres de Québec solidaire opposés à la fusion préfèrent dévier le débat sur des éléments procéduriers, ayant recours à des demi-vérités et des exagérations outrancières, loin de la prudence et du dialogue respectueux qui caractérisent ce parti.

Daniel Raunet, dans un billet récent, s'acharne ainsi à démoniser l'entente de principe dévoilé par les directions des deux partis, envers lesquelles il éprouve une mauvaise foi évidente. Son texte est représentatif d'une aversion envers Option nationale et d'une interprétation étroite du programme et des statuts de Québec solidaire. S'opposer à la fusion est une position légitime qui doit toutefois être avancée sans tordre les faits.

Processus

Il est assez étonnant d'accuser d'antidémocratique le processus menant à la fusion, car il fait présentement l'objet d'un débat dans toutes les assemblées locales et sera entériné par un congrès de 500 délégué.es en décembre. Le mandat de négocier une fusion, et non un pacte électoral ou ponctuel - ça vaut la peine d'insister -, a été donné lors du Congrès de mai 2017, lui-même précédé de débats dans les associations locales et de discussions sur les alliances politiques menées par le chantier du Renouveau politique depuis novembre 2016.

Ne faut-il pas reconnaitre que, au-delà de la direction nationale, des centaines de membres solidaires ont appelé de leurs voeux cette union?

Bien sûr, les membres ne pouvaient présumer de l'issue de négociations et de la forme concrète que prendrait l'union, c'est pourquoi les membres sont appelés maintenant à ratifier le projet. Ne faut-il pas reconnaitre que, au-delà de la direction nationale, des centaines de membres solidaires ont appelé de leurs voeux cette union?

La forme de l'entente

Une fusion implique nécessairement des compromis et des efforts de part et d'autre. Reconnaissons l'effort consenti par Option nationale qui accepterait de s'intégrer à Québec solidaire. En clair, le parti cède ses ressources financières et organisationnelles pour faire conjointement la promotion du programme, des statuts, de la direction et des candidatures électorales de Québec solidaire. C'est une fenêtre d'opportunités incroyable que des indépendantistes se rallient aux causes de la gauche, du féminisme et de l'inclusion, plutôt que de retourner au Parti québécois de Jean-François Lisée.

En retour, ON sera reconnu comme collectif au sein de QS avec des mesures d'intégration avant tout transitoires. Loin d'être antidémocratique, la présence d'un collectif au sein de notre parti devrait être perçue comme une action exemplaire pour dynamiser le débat interne et défendre les minorités politiques. Il s'agit d'un point d'appui pour aller plus loin en ce sens. Or, Raunet extrapole certaines clauses de l'entente à tel point qu'il déforme son sens.

N'oublions pas qu'ON apporte avec lui non seulement des sommes propres, mais de nouveaux membres qui cotiseront au parti unifié.

Dans le but d'apporter de l'expérience et de la connaissance qu'elle a bâties en six ans d'existence, le collectif d'Option nationale pourra obtenir du matériel de promotion de l'indépendance payée par le budget du parti. L'université d'été sur l'indépendance sera quant à elle autofinancée. N'oublions pas qu'ON apporte avec lui non seulement des sommes propres, mais de nouveaux membres qui cotiseront au parti unifié. Pourquoi se priverait-on d'activités militantes?

Le collectif délèguera deux personnes sur le Comité de coordination nationale comptant 14 responsables solidaires. Cette représentation ultra minoritaire sur la plus haute instance du parti ne durera qu'une période de transition de deux ans. Stricto sensu, cela constitue la seule et unique dérogation aux statuts de Québec solidaire.

Il est erroné, voire mensonger, d'affirmer que l'entente "garantit" une circonscription au chef actuel d'ON, Sol Zanetti. L'article 6 prévoit en fait que les porte-parole de QS appuient trois candidatures à "l'investiture", elles devront donc être validées par la base. Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois ne vont pas "parachuter" ou imposer arbitrairement ces candidatures; il est entendu que cette mesure sera appliquée de "manière collégiale" par un "comité de médiation" constitué entre autres d'associations locales. Dans les partis traditionnels, on voit les parachutistes lancés de plus haute altitude!

Quant à Zanetti, on appuiera sa course dans une circonscription favorable et on le mettra de l'avant lors des communications publiques. L'article 18 parle "d'activités" et de "conférences" sur l'indépendance, et nullement d'un rôle de "porte-parole" tel qu'avancé par Raunet. C'est une pratique qui se fait déjà avec d'autres figures de proue du parti. Il est vrai que Zanetti jouira d'une visibilité médiatique privilégiée, mais cela m'apparait une marque de respect rudimentaire envers les membres onistes qui l'ont élu chef.

Programme

Finalement, abordons les objections politiques et programmatiques, c'est là l'enjeu réel du vote du congrès de décembre. L'ancien journaliste à Radio-Canada se fait écho de plusieurs critiques pour qui l'entente serait la capitulation du "programme entier" de QS sur l'indépendance. Encore une fois, l'enflure verbale passe outre le fait que le programme d'ON a évolué depuis 2011 pour adopter la stratégie de l'Assemblée constituante préconisée par QS. Se déchirer sur le la couleur de la Constituante passe à côté de son potentiel mobilisateur de cette stratégie. De plus, un partie importante des membres solidaires partagent la même interprétation que les onistes et, comme 45% des congressistes de mai 2016, souhaitent que l'Assemblée constituante soit dotée d'un mandat déterminé. Ce n'est donc pas l'abandon du programme entier de QS sur l'indépendance, mais l'idée qu'une partie des membres se font de ce programme.

Raunet fait grand cas du concept de gouvernance souverainiste qui, dans le fond, ne fait que rendre explicite le défi lancé par le programme de QS. La mise en oeuvre ne serait-ce qu'une fraction de la plateforme électorale solidaire ébranlerait la fédération canadienne, et cela ne serait-ce que pour négocier la "participation d'Ottawa" pour utiliser l'euphémisme consacré. Imaginons aussi qu'un gouvernement solidaire mette au défi les lois migratoires canadiennes pour assurer le refuge décent aux demandeurs d'asile, est-ce qu'on s'en offusquera?

Dernier argument, et non le moindre, on invoque que la fusion mettrait en priorité l'indépendance au détriment des autres principes de Québec solidaire. Pourtant, l'entente édicte que l'indépendance sera visible "au même titre que les autres principes", et le "régime colonial canadien" au même titre que le néolibéralisme. Faut-il rappeler que la souveraineté était un déjà thème prioritaire de la dernière campagne électorale? Faire un scandale sur cette question ignore cette réalité.

C'est comme si l'indépendance était taboue et qu'on devait lui substituer les mots démocratie, féminisme, justice sociale ou écologie. Or l'indépendance, comme le disait Frantz Fanon, « n'est pas un mot à exorciser, mais une condition indispensable à l'existence des hommes et des femmes vraiment libérés, c'est-à-dire maîtres de tous les moyens matériels qui rendent possible la transformation radicale de la société. » En ce sens, QS n'a jamais hiérarchisé les luttes et ne le fera jamais, fusion ou non. Toutes les luttes se renforcent mutuellement sans se dissoudre dans les autres.

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