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Erdogan est son propre ennemi

La manifestation du parc de Gezi n'est que le grain de sable de ce mouvement populaire. Les turcs, aujourd'hui ont pour but de prouver qu'ils sont acteurs de la politique, gardiens de la démocratie et qu'ils ne se feront pas piéger par les dérives antidémocratiques du parti de la Justice et du Développement
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Tear gas surrounds a protestor holding a Turkish flag with a portrait of the founder of modern Turkey Mustafa Kemal Ataturk as he takes part in a demonstration in support of protests in Istanbul and against the Turkish Prime Minister and his ruling Justice and Development Party (AKP), in Ankara, on June 1, 2013. Turkish police on June 1 began pulling out of Istanbul's iconic Taksim Square, after a second day of violent clashes between protesters and police over a controversial development project. Thousands of demonstrators flooded the site as police lifted the barricades around the park and began withdrawing from the square. What started as an outcry against a local development project has snowballed into widespread anger against what critics say is the government's increasingly conservative and authoritarian agenda. AFP PHOTO / ADEM ALTAN (Photo credit should read ADEM ALTAN/AFP/Getty Images)
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Tear gas surrounds a protestor holding a Turkish flag with a portrait of the founder of modern Turkey Mustafa Kemal Ataturk as he takes part in a demonstration in support of protests in Istanbul and against the Turkish Prime Minister and his ruling Justice and Development Party (AKP), in Ankara, on June 1, 2013. Turkish police on June 1 began pulling out of Istanbul's iconic Taksim Square, after a second day of violent clashes between protesters and police over a controversial development project. Thousands of demonstrators flooded the site as police lifted the barricades around the park and began withdrawing from the square. What started as an outcry against a local development project has snowballed into widespread anger against what critics say is the government's increasingly conservative and authoritarian agenda. AFP PHOTO / ADEM ALTAN (Photo credit should read ADEM ALTAN/AFP/Getty Images)

Bien qu'élu de façon démocratique et ayant fait beaucoup de réformes poussant la Turquie au progrès, notamment la tentative de paix avec les Kurdes. Erdogan, notre premier ministre est aujourd'hui victime de lui même. Depuis quelques mois, il additionne les erreurs de communication et manque de respect vis a vis de ses électeurs et concitoyens.

La manifestation du parc de Gezi n'est que le grain de sable de ce mouvement populaire. Les turcs, aujourd'hui ont pour but de prouver qu'ils sont acteurs de la politique, gardiens de la démocratie et qu'ils ne se feront pas piéger par les dérives antidémocratiques du parti de la Justice et du Développement (AKP).

Vendredi et samedi j'étais à Cihangir et à Taksim. Ceux-ci ont été les deux jours les plus violents dans ces quartiers. Non contents de bloquer toutes les ruelles menant à Taksim et Istiklal à partir de Cihangir, les forces de l'ordre ont pris possession du quartier. Certains policiers, cachés dans les recoins des ruelles sinueuses de Cihangir jetaient du gaz lacrymogène sur les passants.

D'autres nous arrosaient avec des tanks d'un liquide rosâtre provoquant piqures, brûlures sur la peau et nous empêchait de respirer. D'autres encore pénétraient les minuscules ruelles avec leurs tanks pour nous faire reculer, sachant que les seuls abris étaient les appartements, nos voisins. Enfin, certains habitants du quartier qui manifestaient depuis le balcon à l'aide de casseroles et de cuillères en bois ont reçu des bombes de gaz lacrymogène dans leur appartement par leurs fenêtres et leurs balcons.

D'habitude calme et plutôt "bobo" Cihangir est devenue un champ de bataille ou la police nous regardait nous débattre et nous étouffer devant elle. Par chance, les commerces et les riverains ont accueilli tous les manifestants leur distribuant de l'eau, du lait et du citron pour calmer les brulures.

Après plusieurs heures de lutte contre les produits jetés par la police, nous nous sommes organisés afin de créer un mouvement de marche calme et respectueux. En effet, il y avait deux ou trois personnes qui essayaient de provoquer les manifestants en les poussant à la violence. Cependant, nous nous sommes tous unis pour garder le calme.

À chaque faux pas, à chaque fois qu'un individu insultait la police, tentait de leur jeter des pavés, nous criions "cok cok cok " (baisse-toi) et tous les manifestants s'arrêtaient et s'agenouillaient au sol, le temps que la vague se calme. C'est ainsi que nous sommes arrivés jusqu'à Istiklal à 16h et que nous avons vu le bloc de police -dressé devant le parc- se retirer lentement. Cet épisode a marqué notre première victoire. Nous- nous regardions, face à face et en silence. Cependant cette victoire fut de courte durée, car une fois tous réunis dans le parc, nous avons été victimes d'une dizaine de bombes lacrymogènes envoyée par les hélicoptères qui rodaient au-dessus de geziparki.

Le billet se poursuit après la galerie

Émeutes au centre d'Istanbul

Il ne s'agit pas d'un printemps turc mais plutôt d'un mai 68 à la turque. Les Turcs ne veulent pas le chaos ou laisser tomber leurs habitudes et leur cosmopolitisme. Leur but est de marcher ensemble vers le progrès, la liberté et plus de démocratie. Les manifestations pacifiques du dimanche 2 juin l'ont prouvé. À Taksim, Cihangir et Gezi Parki l'événement s'est transformé en une réelle explosion de joie collective, une sorte de fête de la République ou jeunes, enfants, femmes voilées, LGBT, communistes, kurdes, nationalistes, kémalistes, musulmans socialistes scandaient ensemble des slogans tels que Fasizme karsi omuz omuza (Tous unis contre le fascisme).

Les musulmans socialistes applaudissaient les slogans de la communauté homosexuelle alors que les kémalistes dansaient avec les Kurdes. Auparavant ennemis et divisés nous étions pour la première fois unis pour la démocratie et l'avenir de notre pays. Dimanche, les turcs ont prouvé que le gouvernement n'avait aucune raison de stopper le mouvement par les forces de l'ordre et leurs dérives violentes.

Dimanche nuit jusqu'à l'aube nous avons gardé la place de Taksim. Nous devions être présents pour deux raisons. Ne pas laisser cette place vide et éviter que le groupe se fasse absorber par les casseurs. En effet, plusieurs hommes, très silencieux pendant la marche ont commencé à renverser des voitures et à donner de mauvaises idées aux manifestants encore éveillés. Le plus bel exemple a été de vouloir pousser une voiture de la mairie (déjà détruite et capturée la veille) dans l'entrée du métro pour éviter que la police nous attaque par cet endroit.

Cependant, le métro était fermé, il y' avait déjà des barrières devant et il était évident que la police ne passerait pas par là. Il ne s'agissait que de vandalisme gratuit, voire de manipulation pour nous discréditer. Mais nous n'avons cédé à aucun acte de destruction et nous avons veillé jusqu'à l'aube autour d'une dizaine de feux tout en chantant de traditionnelles chansons turques et en refaisant le monde.

Aujourd'hui, il n'y a plus de réelle alternative politique en Turquie et c'est pour cette raison que le peuple montre qu'il est là pour surveiller le gouvernement et empêcher toute dérive, toute erreur.

Si au lieu de tomber dans le piège de la violence et de la peur, le gouvernement islamo-conservateur avait pris le temps d'écouter son peuple il aurait compris que nous luttons aujourd'hui contre ce qu'eux aussi avaient subi durant le régime kémaliste.

Aujourd'hui la Turquie a besoin d'équilibre, nous sommes passés par deux étapes : à nous de parfaire notre démocratie sans qu'elle tombe dans les mains d'un extrême ou d'un autre.

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Graffiti sur une plaque "Police"

Quelques images de la Place Taksim

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