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Quel avenir pour la croissance?

La crise économique et financière de 2008-2009 a porté un sérieux coup à l'optimisme des dernières décennies. Les économies du monde alternent entre récession, stagnation et croissance molle, sans possibilité de reprise durable à l'horizon.
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Ce billet a aussi été publié sur Libres Échanges, le blogue des économistes québécois.

La crise économique et financière de 2008-2009 a porté un sérieux coup à l'optimisme des dernières décennies. Les économies du monde alternent entre récession, stagnation et croissance molle, sans possibilité de reprise durable à l'horizon. La Grande récession s'est avérée être le révélateur de crises économique, sociale et environnementale. Les causes profondes de la crise n'ont pas disparu et ne semblent pas en voie d'être résolues de sitôt. A-t-on atteint un mur infranchissable?

Le PIB, un indicateur défaillant

À la source de cette problématique, le PIB dont les limites comme indicateur commencent à être reconnues. Le PIB est considéré incomplet par plusieurs économistes. La croissance n'est pas une fin en-soi, mais un moyen d'accroître le bien-être des populations, lorsque certaines conditions sont atteintes.

Beaucoup d'économistes ont longtemps associé la hausse du PIB par habitant avec le bien-être de la population, ce qui s'est avéré dans bien des cas, particulièrement pour les pays en voie de développement. Cet indicateur mène toutefois à des effets pervers en termes d'incitatifs, notamment lorsque les externalités négatives ne sont pas prises en compte : pollution, surconsommation, inégalités, bien-être, etc.

Des chercheurs de la New Economic Foundation ont interrogé des habitants de la plupart des pays dans le monde sur la perception de leur bien-être dans différents aspects de leur vie quotidienne. Ils ont construit un indice synthétique de bien-être subjectif sur une échelle de 1 à 10. Lorsqu'ils ont mis en relation leurs résultats avec le niveau de PIB par habitant. Ils ont constaté une corrélation significative jusqu'à un niveau de 15 000 $ en 2004 (en parité de pouvoir d'achat, PPA). Au-delà de ce niveau, la relation n'est plus statistiquement significative, comme l'illustre le graphique ci-dessous. La corrélation disparaît également au niveau de l'espérance de vie et de la scolarisation. Toutefois, la relation statistique reste forte au niveau des émissions de CO2 par habitant, par an (2003).

Au final, les sources de croissances ne sont pas équivalentes et il est temps que les indicateurs économiques les considèrent selon leur contribution globale et à long terme. Par exemple, la consommation de masse coûte cher en gaspillage, puisque l'espérance de vie des produits tend à diminuer, de par leur conception et l'effet des modes, marketing oblige. Incohérence de notre époque, l'ère de l'enfouissement a atteint ses limites.

L'utilisation des ressources naturelles n'est pas non plus entièrement prise en compte : leur extraction est comptabilisée comme une source de revenus, alors que c'est un passif non renouvelable. En termes d'équité intergénérationnelle, c'est injuste et insoutenable. Un récent rapport de l'OCDE argumente que :

«La dégradation et l'érosion de notre capital environnemental naturel risquent de se poursuivre jusqu'en 2050, entraînant des changements irréversibles qui pourraient mettre en péril les acquis de deux siècles d'amélioration des niveaux de vie.»

Quelles solutions ?

Si l'humanité veut éviter les désastres annoncés, elle va devoir entreprendre rapidement une conversion écologique de l'économie à moyen terme, en remplaçant progressivement l'utilisation d'énergies fossiles par des énergies propres, en adoptant un mode de vie plus sobre et en réduisant les inégalités de revenus et de richesses, afin de réduire considérablement la consommation de positionnement.

L'économiste britannique Nicholas Stern a proposé, dans un rapport de la banque mondiale (1), rien de moins qu'un New Deal vert, avec de grands investissements publics dans les infrastructures de transport collectif, la production d'énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et diverses mesures de régulation:

«Grâce à un investissement équivalant à seulement 2 % du produit intérieur brut (PIB), nous pourrions nous éviter des coûts pouvant atteindre ultérieurement 25 % du PIB.»

Certains, comme Tim Jackson, commissaire à l'économie au sein de la Commission britannique pour le développement durable, privilégieraient une transition vers une économie durable, avec une prospérité sans croissance: «[Il faut en finir avec] la folie qui hante le cœur d'une économie obsédée par la croissance, intense utilisatrice de ressources et consumériste.»

Les États pourraient également inciter, voir contraindre, les industries de biens à effectuer une transition de la vente à la location de leurs produits. Cette révolution permettrait de renverser les incitatifs de manière à favoriser la soutenabilité de notre économie, coûteuse en externalités négatives. La fiscalité, les politiques industrielles, la recherche pratique et la coopération internationale pourraient et devraient être mises à contribution.

Il serait également souhaitable d'organiser la régulation des secteurs non marchands pour gérer la rareté qui nous reste. La réduction du chômage structurel ou issu des innovations technologiques à venir pourrait passer par un partage à plus grande échelle des heures de travail. Les solutions existent. L'urgence n'attendra pas. Ne manque que la volonté d'agir et la résistance au chantage des bénéficiaires du statu quo, ce qui prendra lucidité, pédagogie et compromis. Notre mode de vie et même notre survie pourraient en dépendre.

1 Nicholas Stern, 2009. The Global Deal: Climate Change and the Creation of a New Era of Progress and Prosperity. London : Public Affairs.

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