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Dévaluation du yuan: symbole du mal profond de l'économie chinoise

La Chine connaît aujourd'hui une crise structurelle. Cette dernière est confrontée aujourd'hui à son premier ralentissement économique depuis 25 ans, bien qu'elle représente 11% du commerce mondial et 18% du PIB mondial contre 20% pour les États-Unis.
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La Chine connaît aujourd'hui une crise structurelle. Derrière les États-Unis, la Chine est la deuxième économie mondiale. Cette dernière est confrontée aujourd'hui à son premier ralentissement économique depuis 25 ans, bien qu'elle représente 11 % du commerce mondial et 18 % du PIB mondial contre 20 % pour les États-Unis. La récession mondiale s'est accélérée depuis la crise financière de 2008. La Chine subit les conséquences de la baisse de l'activité économique russe, brésilienne et de celle de pays arabes et africains. Moins d'exportations chinoises signifient moins de devises. Ces devises sont essentielles afin de compenser l'augmentation des importations de matières premières dont le pays a besoin pour consolider et développer sa croissance. Bien que le pétrole, le charbon, le cuivre, le gaz naturel et le minerai de fer connaissent une spirale baissière depuis trois ans, ils sont toujours rétribués en dollar, fortement apprécié face à l'euro. Le pétrole, matière la plus utilisée dans le monde a vu sa valeur baisser de 55 % depuis l'été 2014.

Cette baisse n'est pas seulement conjoncturelle. Elle est aussi liée à l'économie de l'automobile et de l'aéronautique dont les produits consomment moins de carburant, et à une augmentation des énergies renouvelables dans le monde. La Chine achète 50 % du zinc mondial et 40 % du cuivre et du plomb.

Chaque année, plus de 20 millions de Chinois découvrent la société de consommation. Le dénominateur commun de ces nouveaux consommateurs: la consommation automobile. La Chine a importé 1.422.992 véhicules étrangers en 2014. Face au défi de relancer sa consommation intérieure afin d'éviter d'éventuels mouvements sociaux, elle est toujours en quête de stabilité sociale. La dévaluation du yuan va augmenter le prix des importations même si les prix des matières premières ont baissé. La baisse du yuan va permettre aux produits domestiques de devenir compétitifs. De grands groupes comme Foxconn qui est le plus important fabricant mondial de matériel informatique va se délocaliser à Maharashtra à l'ouest de l'Inde pour y fabriquer le nouvel iPhone. Ainsi, les coûts de production indiens deviennent plus compétitifs qu'à Shenzhen. Conséquence de la hausse du coût du travail, les exportations chinoises ont baissé de 8,3 % en juillet par rapport au même mois de l'année 2014. Elles se sont même effondrées à 12 % dans la part d'échanges avec l'Union européenne, premier partenaire commercial de la Chine.

Le renchérissement du dollar face à l'euro pèse également sur la compétitivité des produits chinois puisque la devise asiatique est indexée sur le dollar. Avec l'augmentation du coût du transport et des frais de douane, l'Europe et les États-Unis importent moins de produits chinois.

Une crise financière

En cette période estivale, Pékin doit gérer les conséquences du krach financier du mois de juin et de juillet durant lesquels elle a injecté plus de 900 milliards de yuans. 75 millions de ménages chinois ont été encouragés ces dernières années à acheter à crédit des actions de sociétés privatisées. Comment rembourser des actions dont la valeur n'a cessé de baisser? L'éclatement de la bulle immobilière chinoise risque de coûter cher à la Chine, même si la construction d'immeubles de logements a été une source de croissance et d'emplois durant les années 90 et 2000. Le pays doit faire face à 20 % de logements neufs vacants dans les nouveaux programmes immobiliers. L'État est également intervenu pour racheter des logements et éviter une faillite en cascade aux promoteurs. Le stock de l'immobilier résidentiel mettra plusieurs années avant de se résorber. Le secteur de la construction représente 15 % du PIB chinois contre 3,4 % aux États-Unis en 2014 (4,9 % du PIB au moment de la bulle immobilière en 2007).

La Chine peut compter sur l'épargne des ménages pour se financer. Ses épargnants sont toujours inquiets face à l'avenir d'une protection sociale qui reste aujourd'hui insuffisante. La Chine est également confrontée au problème de sa dette. Elle avoisine les 280 % de son PIB. Ce n'est pas ce pourcentage qui est préoccupant, mais la manière, dont ce ratio a pu augmenter si rapidement. Cette dette reste actuellement gérable, mais interroge. La Chine pourra utiliser une partie des réserves de change de plus de 3600 milliards de dollars. Ses excédents commerciaux vont lui permettre de soutenir le yuan à court et à moyen terme tout en recapitalisant les banques, les collectivités locales ou des entreprises comme le groupe pétrolier Sinopec.

Le taux de chômage devrait se maintenir autour de 4 % et l'inflation ne devrait pas dépasser 1,5 %. Pékin a décidé que la relance de la compétitivité industrielle chinoise passerait par la dévaluation du yuan. Enfin, une question et non des moindres, se pose: Comment pouvons-nous traiter les données disponibles si les indicateurs économiques chinois manquent de fiabilité?

La dévaluation du yuan

Le taux de change réel du yuan s'est apprécié de 14 % les douze derniers mois face au Dollar. La Banque de Chine autorise une hausse de sa monnaie d'un maximum de 4 % par an.

Contrairement à la Fed ou à la zone euro qui laissent le niveau des changes se fixer librement, la Banque populaire de Chine (PboC) administre tous les matins un cours pivot qui ne peut pas fluctuer à plus ou moins 2 %. Depuis le 12 août 2015, les cours d'ouverture prennent en compte le cours de clôture de la veille et des cotations réalisées par 30 banques (20 sont chinoises et 10 sont des filiales chinoises). Ce nouveau système de change donne un poids plus important au marché dans la fixation du yuan, mais c'est la Banque populaire de Chine qui détient le dernier mot.

La Chine a abaissé le yuan face au Dollar de 3 % dans la semaine du 10 août 2015. C'est la première dépréciation significative depuis que la Chine a dévalué sa devise de plus de 40 % en 1994. La devise chinoise a ainsi atteint son plus bas niveau depuis 4 ans pour atteindre 6,39 yuans pour un dollar le 14 août contre 6,11 yuans pour un dollar le 11 août. C'est la plus importante dévaluation de la monnaie depuis 2005. Si la dévaluation se poursuivait, il y aurait un risque de fuite des capitaux beaucoup plus important que ce qu'a connu la Chine jusqu'à présent. Les capitaux sortiraient d'autant plus que les rentabilités des investissements deviendraient insatisfaisantes, voire incertaines en cas de nouvelles dévaluations.

Par ailleurs, un risque de contagion pourrait se produire dans le périmètre géographique de la Chine. De nombreux pays voisins comme la Malaisie, la Corée du Sud et Taiwan risquent de suivre le chemin de la dévaluation afin de maintenir leurs exportations compétitives. Ces derniers ne veulent pas que la dévaluation du yuan leur porte préjudice. Aucun pays ne souhaite une guerre des changes sans fin et sans vainqueur. Un effet domino risque de se produire dans les pays où la monnaie est liée au dollar (système de peg). Les devises émergentes risquent de connaître une baisse par rapport au billet vert. La baisse des devises émergentes contribue à la guerre des changes entre les différentes économies. La sortie des capitaux des pays émergents va se placer sur les marchés actions et obligations de grandes villes développées telles que New York ou Londres.

En outre, la dévaluation du yuan n'est pas une bonne nouvelle pour l'économie américaine. Si le Dollar continue de s'apprécier par rapport au yuan, la Fed pourrait décider de décaler la hausse de son taux directeur. En souhaitant internationaliser la devise chinoise, le yuan risque de connaître de fortes périodes de volatilité dans les prochaines semaines. Dans cet environnement incertain quelle sera la stratégie chinoise?

La stratégie chinoise

La stratégie chinoise est d'améliorer la compétitivité de la devise. Le yuan est toujours une monnaie contrôlée par les autorités politiques. La Chine souhaite améliorer sa transparence monétaire vis-à-vis des acteurs économiques étrangers. Elle envisage d'ouvrir son marché des changes afin d'attirer davantage d'investisseurs étrangers. Elle veut réformer son marché financier avec une dimension beaucoup plus libérale.

En novembre, le FMI doit décider si le yuan chinois peut intégrer le panier du droit de tirage spécial « DTS ». Aujourd'hui, quatre devises composent ce panier dans lequel nous retrouvons l'euro, le dollar, la livre sterling et le yen. Ce n'est pas à court terme que le yuan deviendra la devise de référence du commerce mondial, mais le FMI souhaite la libre convertibilité de la monnaie chinoise afin de l'intégrer dans son panier de devises de référence. Quels que soient les mécanismes retenus par le gouvernement chinois, sa volonté est de redonner rapidement de l'oxygène à ses exportations. Si les exportations chinoises ne s'améliorent pas, nous devrons nous attendre à d'autres dévaluations du yuan.

La Chine doit également composer avec la politique monétaire très souple des banques centrales depuis la crise financière de 2008. En effet, avec la mise en place du quantitative asing et de l'accroissement de la masse monétaire, les banques centrales ont fait monter le prix des marchés actions. Ce n'est que dans les prochaines semaines que nous saurons si l'utilisation de leur taux de change aura permis de relancer l'activité économique chinoise. N'oublions pas que la Banque centrale chinoise finance le déficit budgétaire américain. L'Amérique a besoin de son partenaire commercial et financier pour les importations/exportations et pour financer ses déficits budgétaires. La Chine demeure toujours le premier prêteur des États-Unis et ce dernier ne peut actuellement s'en passer.

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