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L'industrie forestière en panique face à sa propre incompétence

La semaine dernière, la plus grosse multinationale forestière au pays a perdu trois certificats environnementaux FSC (Forest Stewardship Council). Si ces suspensions des certificats par l'auditeur indépendant du FSC sont un dur coup pour le géant Résolu , elles sont aussi la preuve que le système fonctionne et que les compagnies, aussi grosses soient-elles, doivent ajuster leurs pratiques afin de répondre aux exigences des marchés pour des produits plus respectueux de l'environnement.
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La semaine dernière, la plus grosse multinationale forestière au pays a perdu trois certificats environnementaux FSC (Forest Stewardship Council) couvrants plus de 8 millions d'hectares (160 fois l'île de Montréal), soit la moitié de toutes ses forêts certifiées avec cette norme qui jouit d'une reconnaissance sur les marchés internationaux. Produits forestiers Résolu perd ainsi le logo FSC à partir du 1er janvier 2014 pour tous les produits (pâte, papier et bois) provenant du Lac St-Jean et de la région de Black Spruce-Dog River Matawin en Ontario. Si ces suspensions des certificats par l'auditeur indépendant du FSC sont un dur coup pour le géant Résolu et ses parts de marché, elles sont aussi la preuve que le système fonctionne et que les compagnies, aussi grosses soient-elles, doivent ajuster leurs pratiques afin de répondre aux exigences des marchés pour des produits plus respectueux de l'environnement

Une réaction qui en dit long

Les raisons derrière la perte de certificats FSC de Résolu sont multiples : disparition accélérée des vieilles forêts, destruction d'habitats d'espèces menacées comme le caribou forestier, augmentation dramatique de la fragmentation et des taux de perturbation, non-respect du droit des Premières Nations à un consentement libre et éclairé, etc.. Des violations claires et évidentes des principes mêmes du FSC.

Au Lac St-Jean seulement, ce sont 13 non-conformités majeures à la norme boréale du FSC auquel Résolu fait face. Ainsi les craintes que nous avons communiquées depuis des années à la compagnie, au gouvernement, aux auditeurs et aux marchés se confirment : la forêt du Lac St-Jean n'est pas protégée adéquatement et des compagnies comme Résolu menacent l'intégrité écologique des écosystèmes.

Or la réaction de Résolu en dit long. Plutôt que de reconnaitre ses torts et de revoir ses pratiques afin d'assurer un meilleur avenir pour la forêt et les communautés qui en dépendent, la compagnie se défile. Selon son porte-parole Karl Blackburn, « ce retrait de certification n'a rien à voir avec les pratiques forestières de l'entreprise ». Alors que FSC certifie justement les pratiques des entreprises forestières, Résolu n'a rien à se reprocher, ce serait plutôt la faute des autochtones, ou celle du gouvernement québécois. Comment expliquer la perte de certificat en Ontario couvrant plus de 2,4 millions d'hectares de forêt? C'est probablement la faute à El Niño. Résolu a pourtant eu plusieurs avertissements de la part des auditeurs indépendants et avait amplement le temps de prendre ses responsabilités. Son inaction menace maintenant l'économie des communautés du Lac St-Jean et de Thunder Bay.

Le Conseil de l'industrie forestière panique

La réaction du Conseil de l'industrie forestière face à cette situation est tout simplement ahurissante. Alors que Résolu n'a clairement pas respecté les Premières Nations et fait face à de vives critiques du Grand Conseil des Cris qui n'a pas donné son consentement pour des coupes faites par Résolu, le CIFQ se dit inquiet du pouvoir des Premières Nations. Selon son PDG André Tremblay, « une situation de déséquilibre entre les trois piliers du développement durable, découlant de l'interprétation du droit de veto accordé de facto aux Premières Nations, se pointe à l'horizon ».

Est-ce que le CIFQ parle vraiment d'équilibre des trois piliers du développement durable? Alors qu'à peine 5% des forêts sont protégées en zone commerciale, que près de 90% du territoire au sud de la limite nordique a déjà été coupé ou fragmenté et que les Nations autochtones peinent à faire reconnaître leurs droits fondamentaux sur le territoire, le CIFQ parle d'inquiétude face aux risques de déséquilibre? Il y a des limites à jouer la vierge offensée, M. Tremblay !

La crédibilité du FSC bénéficie à toutes les entreprises forestières qui respectent ses principes fondateurs et sert à les démarquer du peloton. Au dire de M. Tremblay, respecter les exigences gouvernementales de base serait suffisant pour être certifié FSC, mais ce n'est pas le cas et ces suspensions en sont la preuve. Si des entreprises comme Résolu ne sont pas capables d'adapter leur aménagement forestier aux exigences des marchés internationaux qui requièrent de plus en plus des produits respectueux de l'environnement et des droits humains, c'est un choix corporatif qui nuit non seulement à nos forêts publiques et aux gens qui en dépendent, mais qui risque d'autant plus d'affecter la réputation de ces entreprises.

À mon humble avis, le CIFQ aurait tout avantage à encourager les bons joueurs plutôt qu'à défendre ceux qui « traînent de la patte ».

Québec peut sauver les meubles

Les étapes à suivre pour Résolu sont bien décrites dans les rapports de l'auditeur indépendant. Résolu doit revoir sa façon de faire afin de protéger davantage les forêts vierges et les secteurs de vieille forêt, doit limiter la fragmentation dans ses plans d'aménagement, respecter les visées de Premières Nations, etc. C'est la responsabilité de l'entreprise et nul autre.

Or puisque la compagnie semble vouloir tant résister au changement, le gouvernement peut jouer un rôle clé afin d'assurer aux communautés du Lac St-Jean de ne pas être prises en otage par l'irresponsabilité de Résolu. Entre autres, Québec doit protéger davantage nos forêts publiques en créant de nouvelles aires protégées au Lac St-Jean, ce qui permettra aux entreprises de bénéficier de cette protection pour leur certification.

Les Montagnes Blanches, au nord du Lac St-Jean, sont une pouponnière pour le caribou forestier et sa protection permettrait de sauver l'une des dernières grandes forêts vierges du Québec, d'assurer la survie de cette espèce menacée, et donnerait un bon coup de pouce à Résolu pour récupérer ses certificats FSC perdus. Les Montagnes Blanches couvrent environ 1,4% du Québec. Est-ce que le CIFQ, grand défenseur de l'équilibre des trois piliers du développement durable, et Québec finiront enfin par appuyer la création de cette aire protégée revendiquée depuis 2006? Ou faudra-t-il attendre que les contrats se perdent pour Résolu?

Espérons que la période des fêtes offrira à l'industrie la sagesse qui lui serait si bénéfique.

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