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Être en reportage dans une zone de conflit implique de faire un choix: celui d'être indépendant, d'aller où on veut, mais avec tous les risques d'un pays dangereux ou bien d'être "intégré" au sein des forces armées. J'ai choisi la seconde option. Depuis le 12 décembre, j'accompagne les Forces canadiennes dans le cadre de l'Opération Attention, en Afghanistan.
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Nicolas Laffont

Être en reportage dans une zone de conflit implique de faire un choix: celui d'être indépendant, d'aller où on veut, mais avec tous les risques d'un pays dangereux ou bien d'être "intégré" au sein des forces armées.

J'ai pris le second choix.

Depuis le 12 décembre dernier, je suis ainsi intégré avec les Forces canadiennes dans le cadre de l'Opération Attention, en Afghanistan. Et être intégré veut dire respecter certaines règles simples, mais pas si évidentes que cela.

La première chose qui frappe dans un théâtre d'opérations, c'est bien sûr tous les "secrets" qui se cachent derrière.

Ainsi, même si je ne peux pas théoriquement connaître mon itinéraire durant mon mois d'intégration, j'ai quand même un aperçu puisque je suis le premier concerné.

Impossible de parler avec ma famille ou mes amis où je vais aller dans les prochains jours ou où je suis actuellement pour des raisons de "sécurité opérationnelle".

Imaginons que je publie sur Facebook que je me trouve maintenant dans le Camp Mike Spann, à Mazar-e-Sharif, et que je pars demain pour me rendre au Camp Eggers, à Kaboul. Des gens mal intentionnés qui surveillent la moindre faille de sécurité (et ils le font) pourraient se servir de cette information pour attaquer mon convoi. Je mettrai non seulement ma vie en danger, mais également celles de mon escorte militaire.

En mars 2010, un militaire israélien avait publié sur Facebook les détails d'une mission future. "Mercredi, nous faisons le ménage à Katana, et jeudi, si Dieu le veut, nous retournerons à la maison", avait-il écrit sur son profil. Inutile de dire que lorsque sa hiérarchie s'en est rendu compte, l'opération a été annulée et le militaire jugé sur le champ.

Autre problème: en étant intégré, je vois et j'entends souvent des informations dites "sensibles". Impossible d'en parler bien sûr! La collaboration entre le journaliste et les autorités militaires est primordiale.

Prenons l'exemple de l'article que vous lisez en ce moment. Afin de m'assurer de ne pas divulguer d'informations sensibles, je me suis assuré de le faire relire par les experts de la sécurité opérationnelle.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Il ne s'agit pas de censure. Je garde le contrôle sur toutes les bonnes et les mauvaises choses que j'écris. Je me dois de respecter les impératifs de sécurité qui sont là pour protéger les militaires canadiens, leurs familles, mais aussi... votre humble serviteur.

Mais être intégré veut aussi dire avoir un accès privilégié avec des responsables militaires de haut rang, visiter des camps de l'OTAN, voir les interactions entre les militaires canadiens et afghans.

Si un journaliste se présentait devant les portes d'un camp, qu'il vienne du New York Times, de la Gazeta en Pologne, qu'il soit indépendant ou de CNN, les portes resteraient fermées. La procédure d'accréditation (et d'enquête) doit être suivie précisément.

La confiance entre le journaliste et la chaîne de commandement doit être forte lors d'une intégration, surtout si elle dure plusieurs semaines. Le journaliste doit faire confiance aux militaires que si un accident se produit, on le lui dira, rien ne sera caché. Le journaliste doit avoir confiance qu'on lui présentera des Afghans qui peuvent dire du bien ou du mal de la présence de la Coalition ou des Canadiens qui pensent que c'est une erreur de rester en Afghanistan.

Les militaires doivent avoir confiance que le journaliste ne publiera pas d'informations "sensibles" ou secrètes. Ils doivent avoir confiance que ce qu'il voit, ce qu'il apprend sert pour l'intérêt du public canadien.

La confiance ne peut être brisée, car si elle l'était, le journaliste perdrait immédiatement tous ses contacts militaires et repartirait sans nul doute sur le champ. Les Forces canadiennes perdraient toute crédibilité si des choses sont cachées. Le public y perdrait, car il n'aurait pas l'information.

Être avec des militaires dans une zone de guerre peut être challengeant pour tout le monde. La ligne entre la confiance, la trahison, ce qui est sensible ou ce qui ne l'est pas est mince. Mais in fine, ce qui doit ressortir est simple: si tout va mal, il faut le dire. Si tout va bien, il faut le dire.

La vérité, rien que la vérité!

L'hiver des militaires québécois en Afghanistan

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