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C'est la faute de Pierre Karl, c'est la faute de l'indépendance

Si jamais le Parti québécois perd cette élection, on nous dira encore que c'est à cause du référendum et de l'indépendance. Ne soyons pas dupes. Ce que le PQ propose actuellement, c'est une charte dite « des valeurs », un programme de gouvernement provincial et quelques bribes vaseuses d'un souverainisme transi de complexes et devenu autonomiste.
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L'image était forte: Pierre Karl Péladeau, homme d'affaires archiconnu, symbole de réussite et de puissance économique, annonce sa candidature et lève le poing en affirmant passionnément sa ferveur indépendantiste.

L'émoi général provoqué par cette sortie fut toutefois remarquablement bien jugulé, non pas par les adversaires du Parti québécois, mais bien par le PQ lui-même. En effet, le naturel des élites péquistes, chassé momentanément par Péladeau, fit un retour au galop triomphal en moins de trente-six heures. À travers les appels insistants de Mme Marois à ce qu'on ne discute surtout pas de « l'avenir du Québec » le cours normal des choses se réinstalla et le Parti québécois reprit son aspect habituel, celui d'un parti qui se dit indépendantiste, mais qui redoute plus que tout au monde d'avoir à parler d'indépendance.

La suite de l'histoire consiste en une variation sur un air connu. Alors que les sondages confirmaient une tendance clairement entammée plus d'un mois avant l'épisode Péladeau, celle d'une hausse pour le PLQ et d'une baisse pour le PQ, les commentateurs, y compris ceux d'obédience souverainiste, ont été presque unanimes et le sont encore: si le Parti québécois tire de l'arrière, c'est la faute de l'indépendance et du référendum, qui par l'entremise de Péladeau se sont jetés sur le PQ comme la misère sur le pauvre monde.

Ce n'est pas parce que le PQ, comme d'habitude, a été pris d'épouvante devant ce qui est supposé être sa vocation première, se mettant à cafouiller puis à rétropédaler frénétiquement, donnant un spectacle de mauvais goût tendant à présenter l'indépendance et le référendum comme d'innommables calamités.

Ce n'est pas non plus parce que le PQ, avec un discours souverainiste effaré, équivoque et grossièrement calculateur, ne réussit jamais qu'à faire peur aux électeurs non indépendantistes sans se donner les moyens de rallier ceux qui sont pour l'indépendance, ni sans jamais faire de nouveaux indépendantistes.

Ce n'est pas parce qu'on nous passe de la charte, matin, midi et soir depuis six mois et qu'on se lance en élection générale de façon cynique sans le moindre projet politique distinguant le PQ des autres partis, sauf la volonté de donner un code vestimentaire aux employés de l'état au nom de la laïcité.

Non. Si le PQ connaît des difficultés aujourd'hui, c'est parce que Pierre Karl Péladeau a parlé de « pays » pendant six secondes il y a presque trois semaines.

Voilà où nous en sommes, après des années d'une lancinante dépression politique ayant mené au dévoiement complet du souverainisme, processus présidé par le PQ et aidé à gauche par les postures intermittentes et conditionnelles de Québec solidaire. Aujourd'hui, tout le monde s'entend pour voir comme un accident de parcours le fait qu'un parti indépendantiste parle d'indépendance. Ainsi, Michel David, chroniqueur du Devoir, dit de Pierre Karl Péladeau qu'il a commis une « énorme faute » en affirmant qu'il voulait faire un pays. Oui, au Québec, quand un candidat indépendantiste évoque l'indépendance - une idée généralement sympathique à plus d'électeurs que n'importe quel parti politique -, il s'agit d'une « énorme faute ». D'autres ont parlé de « dérapage ». Pensez-y. On est rendus là.

Pendant ce temps, un Péladeau rigoureusement recadré banalise piteusement son poing en l'air et nous explique que ce geste était également symbolique de son « engagement pour l'économie ». Sérieusement. Une voix pleine d'émotion, un poing brandi et du feu dans les yeux pour... l'économie. C'est ce qui s'appelle se péquiser à la vitesse du son.

Nous avons déjà vécu une période similaire en 2007, après la défaite du PQ d'André Boisclair. Les commentateurs, ainsi que l'élite péquiste, s'étaient empressés de décréter que la défaite n'était pas due au fait que Boisclair connaissait toutes sortes de difficultés graves, qu'il peinait à s'imposer et qu'une victoire péquiste après un seul terme libéral était improbable. Non. C'était la faute du référendum et de l'indépendance, bien entendu. Mieux, on nous disait cela le plus sérieusement du monde, à peine deux ans après le scandale des commandites qui avait vu le OUI entrer en territoire majoritaire dans les sondages.

Ce défaitisme et ce réflexe de contrition compulsive empêchent le mouvement indépendantiste de mener une action politique cohérente et mobilisatrice depuis trop longtemps. Il faudrait s'y faire: rien ne garantit que l'indépendance soit une idée facile à porter en toutes circonstances et rien ne garantit qu'un prochain référendum sera gagnant. Cependant, tout montre que l'attentisme mène à la dispersion et à l'insignifiance. Tout montre, aussi, que la gouvernance provinciale indéfinie dans le but de créer un « contexte favorable », que ce soit sous le signe du bon gouvernement, de l'assainissement des finances publiques, ou du nationalisme, ne mène pas à l'indépendance.

Si jamais le Parti québécois perd cette élection, on nous dira encore que c'est à cause du référendum et de l'indépendance. Ne soyons pas dupes. Ce que le PQ propose actuellement, c'est une charte dite « des valeurs », un programme de gouvernement provincial et quelques bribes vaseuses d'un souverainisme transi de complexes et devenu autonomiste. Si le PQ subit la défaite ou même s'il gagne l'élection -, c'est la pertinence de cette proposition-là qu'il faudra évaluer.

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