Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Aujourd'hui, plus personne ne doit détester son travail

Il devrait être difficile de trouver un emploi dans une entreprise qui vous traite comme une machine, pas le contraire. Jʼen ai assez quʼon me répète que cʼest impossible. On peut y arriver.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Je nʼai pas une très bonne mémoire, mais il y a des instants qui sont restés gravés dans mon esprit: la première fois que jʼai posé les yeux sur ma femme. Le moment où les portes de lʼéglise se sont ouvertes et où elle sʼest avancée vers lʼautel. La naissance de ma fille.

Mais je nʼoublierai pas non plus cette journée de février, semblable à toutes les autres, quand jʼavais 12 ans.

Je passais souvent mes samedis dans le bureau de mon père pendant qu'il rattrapait du travail en retard. Ma sœur et moi nous amusions avec les téléphones, en sʼappelant dʼune pièce à lʼautre comme si on passait des appels très importants. Je mʼinstallais à un bureau pour écrire sur le papier à en-tête, et je contemplais avec des yeux écarquillés, les armoires qui recouvraient des murs entiers. Pour moi, cette agence de crédit de la banlieue de Portland (Oregon) était un royaume dont le directeur - mon père - était le roi.

Tous les soirs, en entendant la porte du garage, je dévalais les escaliers en chaussettes, et je manquais de déraper dans ma hâte de courir à sa rencontre. Je lui demandais comment s'était passée sa journée. Il me parlait de ses rendez-vous, des affaires qu'il avait conclues et des employés qu'il avait engagés.

Le lendemain, il retournait au travail. La fin de la journée arrivait, la porte du garage sʼouvrait, et je descendais en courant à sa rencontre, comme tous les jours.

Ce rituel sʼest répété quotidiennement, pendant des années, jusquʼà la Saint-Valentin de mes 12 ans.

Il est parti au travail. À la fin de la journée, la porte du garage sʼest ouverte, et jʼai accouru à sa rencontre. Mais ce jour-là, il y avait quelque chose de différent. Je lʼai vu à son expression.

Il portait une boîte en carton qui contenait toutes ses affaires. Pas besoin de vous faire un dessin. Mais moi, du haut de mes 12 ans, je ne comprenais pas.

Comment pouvaient-ils le renvoyer? Ils avaient oublié qu'il était élu meilleur employé chaque année? Ils avaient oublié combien dʼargent il leur avait fait gagner? Ou que son agence était toujours la mieux cotée de lʼÉtat? Ils avaient oublié à quel point il travaillait dur, les efforts qu'il fournissait, les objectifs toujours plus ambitieux qu'il se fixait, et que son équipe atteignait?

Ce moment est resté gravé dans mon esprit, parce qu'il nʼavait aucun sens. Malheureusement, jʼai découvert par la suite que ça sʼappelait «le monde des affaires». Pendant les seize années qui ont suivi, jʼai appris que lʼexpression «la dure loi du marché» vous permettait de maltraiter les gens en toute impunité.

«La dure loi du marché», cʼétait la carte «Sortez de prison» qui vous dispensait de penser à la famille, à la santé ou au bonheur dʼun employé.

Le monde du travail mʼa appris que personne n'est irremplaçable, et que la seule chose qui compte, ce sont les bénéfices. Les gens ne sont que des rouages, qu'il faut exploiter au maximum. Jʼai appris que les week-ends étaient faits pour se consacrer à ses passions, mais que le monde du travail était consacré aux passions de quelquʼun dʼautre.

Tout ça semblait tellement anormal. Quʼen était-il de cet émerveillement que j'avais ressenti à lʼévocation du mot «travail»? Est-ce que cʼétait donc ça, le travail et les affaires?

Cʼest alors quʼune chose extraordinaire est arrivée. Jʼai commencé à voir émerger des entreprises dont les actions et le discours étaient radicalement différents. Par exemple:

«Nous encourageons tous nos employés à consacrer le temps nécessaire à leurs vacances, leurs propres passions, leur santé, leurs amis et leur famille.» - Automattic

«Soyez reconnaissants. Faites le choix du bonheur et de la pensée positive. Faites ce qui est juste.» - Buffer

Voici ce en quoi ils croient:

«Cette société, cʼest à vous de la diriger - de lui offrir des opportunités et de lui faire éviter les écueils. Vous avez le droit de donner le feu vert à des projets. Vous avez le droit de faire expédier des produits.» - Valve

«Nous voulons prendre soin de votre santé physique et mentale. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, demandez-le et nous nous assurerons que vous soyez pris en charge. Nous voulons vous voir réussir et vous épanouir.» - Simple

«Nous croyons en lʼimportance dʼune vie personnelle riche.» - MeetEdgar

«Nous sommes conscients que nous pouvons encore faire des progrès, et nous faisons beaucoup dʼefforts pour offrir de meilleures opportunités à ceux qui risquent dʼêtre écrasés. Notre priorité, ce sont les gens. Vous pouvez constater par vous-même que la confiance, lʼhonnêteté et lʼempathie sont nos valeurs fondamentales.» - Braintree

Ce nʼétait pas une histoire «dʼavantages», comme des repas gratuits ou de la flexibilité au niveau des vacances. Ça, ce sont des choses que seules les grandes entreprises dotées de fonds importants peuvent se permettre de faire. Non. Ce qui distinguait ces sociétés-là, cʼétait leur manière de considérer les gens.

Les gens sont des êtres humains, pas des rouages. Et il existe enfin des entreprises pour défendre ces valeurs-là. Des entreprises pour qui la santé, lʼépanouissement et le bonheur des employés comptent plus que les bénéfices.

La première chose que jʼentends remonter des centaines dʼutilisateurs de ma plateforme Sumry, cʼest qu'il est vraiment, vraiment dur de trouver un emploi dans une entreprise qui vous considère en tant qu'individu.

Cʼest déplorable. Il devrait en être autrement. Il devrait être difficile de trouver un emploi dans une entreprise qui vous traite comme une machine, pas le contraire. Jʼen ai assez quʼon me répète que cʼest impossible.

On peut y arriver.

Pour ça, il ne faut pas se contenter du statu quo. Ça implique que les créateurs d'entreprise et les patrons décident que leurs employés sont leur plus grande force, et qu'ils ont tout à gagner à les traiter convenablement, afin d'assurer la croissance de leur entreprise.

Il faut que chacun refuse de postuler dans des sociétés qui traitent les gens comme des machines. La situation n'est pas désespérée. Trouver une entreprise qui vous considère comme une personne à part entière, cʼest possible. Mon équipe est en train de mettre au point des outils pour vous aider à les trouver plus facilement.

Je veux que «la loi du marché» devienne une expression quʼon utilise pour expliquer comment une entreprise a permis à un père de venir assister aux premiers entraînements de son fils. Qu'elle s'applique aux entreprises qui accordent une grande importance au repos de leurs employés, au niveau physique comme mental.

«La loi du marché», ça ne devrait pas être une excuse pour maltraiter les gens. Ça devrait être un cri de ralliement, pour une nouvelle manière de penser le travail, qui traite les gens humainement. En reconnaissant lʼimportance de la famille, et dont le but soit de mener une vie saine. En encourageant lʼépanouissement et les progrès autant professionnels que personnels.

Ce sont seulement les affaires.

Une manière enthousiasmante de faire des affaires. Un travail qui a du sens.

Le soir où jʼai vu rentrer mon père est gravé à jamais dans ma mémoire.

Je refuse que ma fille me voie un jour passer la porte avec une boîte pleine de rêves et d'espoirs déçus. Je refuse dʼaccorder ma confiance à une entreprise qui nʼa aucune considération pour moi.

Ce soir de février, quand jʼavais 12 ans, a changé ma vie. Par la suite, mon père a créé sa propre entreprise, prouvant qu'il était vraiment un roi, comme je lʼavais toujours pensé. Il paie ses employés davantage que la plupart des dirigeants de son secteur. Quand lʼun dʼeux a eu besoin dʼune voiture, il lui a prêté lʼune des siennes.

Cette journée a complètement changé ma vision du travail. Mon père et moi nous sommes révoltés contre le statu quo.

Vous entendez? Cʼest la porte du garage qui sʼouvre.

La loi du marché. De quel côté allez-vous faire pencher la balance?

Nate Hanson est le fondateur de WorkDifferent.com, un mouvement consacré aux entreprises qui accordent de l'importance à la santé, lʼépanouissement et le bonheur de leurs employés.

Le but du travail, ce nʼest pas de faire de lʼargent mais de faire aimer la vie aux travailleurs. Ricardo Semler.

Cet article, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Ils sont ouverts à la critique

Les secrets des employés productifs

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.