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De quelle souveraineté parlez-vous?

Pendant des années, nos élites n'ont pas arrêté de marteler que la mondialisation et le libre-échange seraient source d'emplois et de prospérité. Vérification faite, c'est un mensonge.
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Je ne comprends pas l'engouement des Québécois pour l'indépendance puisque nous avons déjà cédé notre souveraineté aux multinationales. De quelle liberté parle-t-on quand une entreprise privée peut contester nos lois devant les tribunaux, selon les ententes de libre-échange négociées en secret: l'ALENA, l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (l'AÉCG) et le Partenariat Transpacifique?

Poussés par le patronat et les transnationales, nos gouvernements troquent de plus en plus notre liberté contre une poignée de sociétés privées, dont les pouvoirs surpassent ceux de l'État.

Ces ententes accordent aux sociétés des pays membres le droit de contester toutes les lois et les règles sur la protection de l'eau, de l'environnement, de nos services publics, de nos pensions, notre santé, nos aqueducs, routes et ponts, qu'ils considèrent une entrave à leur capacité de faire des profits. Donc une transnationale peut poursuivre nos gouvernements pour pertes de profits, dans des tribunaux secrets, à huis clos, sans qu'il ne soit possible de recourir à l'appel. Ces accords internationaux ne portent nullement ni sur l'intérêt public, ni sur l'environnement.

Selon le Centre canadien de politiques alternatives, le Canada a déboursé 171 millions de dollars en compensation aux transnationales pour des poursuites sous le chapitre 11 de l'ALENA depuis sa rentrée en vigueur en 1994.

En 1997, l'entreprise américaine Ethel Corp. a exigé 251 millions du gouvernement canadien parce qu'il venait d'interdire son additif pour l'essence MMT, un produit neurotoxique, nocif pour la santé et l'environnement. Une entente à l'avantage de l'entreprise lui a permis de continuer de vendre son additif et, de plus, le gouvernement canadien a été obligé de se rétracter publiquement, puis verser une somme de 1,3 million de dollars US en guise de compensation.

De même, en 2002, la firme américaine S. D. Myers a obtenu 6 milliards de dollars du Canada pour avoir osé interdire l'exportation d'un produit toxique, le BPC.

De plus, notre système de soins de santé publique est convoité comme une source de profits par les sociétés privées. Un investisseur américain de Phoenix (Arizona) a menacé de porter plainte, dans le cadre de l'ALENA, contre notre système de santé publique, parce qu'il était frustré dans son projet de construire et gérer un hôpital privé à Vancouver.

Ainsi, en 2005, le géant américain UPS a porté plainte devant le tribunal de l'ALENA, supposément pour des avantages indus accordés à une société nationale, Postes Canada.

Pire encore, la transnationale Dow Chemical a poursuivi le Québec devant le tribunal de l'ALENA pour avoir interdit l'utilisation d'un pesticide, nocif pour la santé, dans la province.

La papetière Abitibi Bowater, incorporée aux États-Unis dans l'État du Delaware, a poursuivi le gouvernement canadien sous l'égide de l'ALENA, simplement parce que le gouvernement de Terre-Neuve a osé enlever l'usage gratuit de centrales hydroélectriques, à la suite de la fermeture sauvage de ses usines. La compagnie a obtenu la somme de 130 millions de dollars en dédommagement.

En 2010, une pétrolière américaine, Lone Pine Resources, a poursuivi le gouvernement du Québec en réclamant 250 millions de dollars à cause d'un moratoire sur l'exploration du pétrole et du gaz dans le fleuve Saint-Laurent.

Après l'interdiction par la Colombie Britannique des exportations en vrac de l'eau, la société Sun Belt Corporation de la Californie, a contesté cette prohibition, en vertu du Chapitre 11 de l'ALENA, exigeant 10 milliards de dollars en dommages.

En vertu de l'ALENA, le Canada exporte maintenant 70% de nos réserves du pétrole et 61% du gaz naturel que nous produisons vers les États-Unis. Même si nous connaissons une pénurie de pétrole, nous n'avons pas le droit de diminuer nos exportations vers les États-Unis. Ce qui nous oblige à importer une grande quantité de pétrole de l'étranger pour subvenir à nos propres besoins. Or, nous n'avons pas le droit de réduire notre extraction de pétrole pour sauver notre planète des GES.

Un autre exemple de graves conséquences qui lie les mains de nos gouvernements est le fait que notre banque centrale publique canadienne, la seule au monde, crée en 1935 avec le but de dépanner nos gouvernements par l'entremise de prêts abordables et sans intérêts, doit s'incliner devant les décisions des banques privées centrales européennes et américaines.

Pendant des années, nos élites n'ont pas arrêté de marteler que la mondialisation et le libre-échange seraient source d'emplois et de prospérité. Vérification faite, c'est un mensonge. Le Québec a perdu des milliers d'emplois, bien rémunérés, dans le secteur manufacturier. Les salaires stagnent et la sous-traitance se propage partout, avec la précarisation des emplois à temps partiel, ce dont les femmes sont particulièrement touchées, et les inégalités augmentent. Beaucoup de chômeurs ont été exclus de la couverture des prestations de l'État.

Les accords de libre-échange constituent une Charte de droits pour les grandes sociétés et empêchent les gouvernements de légiférer pour le bien commun.

Dans ce contexte, nos gouvernements sont devenus des marionnettes dans les mains des grandes sociétés, et au diable la souveraineté de l'État. Avant d'envisager la souveraineté, il faudrait d'abord la réclamer aux sociétés privées, dont elles se sont accaparées. Nous ne sommes plus maîtres chez nous et alors, la souveraineté...?

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