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La guerre au sein de l'islam

Face à cette catastrophe sans précédent qui se déroule sous nos yeux, nous devons être lucide et lutter contre le mal.
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L'islam est en guerre avec lui-même. Ce n'est pas qu'une guerre entre les sunnites et les chiites. C'est d'abord une guerre entre les sunnites eux-mêmes.

En Égypte, la destitution de Mohamed Morsi, le président «frère musulman», a évité de justesse des affrontements fratricides d'ampleur apocalyptique dans le plus important des pays arabes. Des violences inouïes, qui ont fait des centaines de morts, opposaient en effet les Frères musulmans aux citoyens égyptiens, les dernières semaines précédant la chute de Morsi. En Syrie, le parti Ba'ath, officine des alaouites et des chrétiens, est soutenu par une importante classe d'affaire sunnite, totalement sécularisée, qui luttent à mort contre les islamistes pourtant eux-mêmes sunnites. L'Algérie, qui n'a ni chrétiens, ni chiites, mais que des sunnites, est un exemple encore plus éloquent. La guerre civile algérienne a duré 10 ans.

Il y a une importante fracture dans le monde sunnite contemporain. L'islam sunnite est en train de vivre un schisme sans précédent, qui divise les nations et les peuples musulmans. On sait déjà où il se joue: en Turquie, en Syrie, en Égypte et en Tunisie. On sait aussi qui il oppose.

Les nombreuses guerres civiles qui ont eu lieu dans le monde arabe ont toutes pour origine la confrontation violente entre les islamistes - ceux qui veulent soumettre l'État au régime d'une lecture non renouvelée et archaïque de la charia -, et les nationalistes - ceux qui refusent de vivre dans un pays où l'État serait islamique, et souhaitent construire des États nationaux et civils. L'incompatibilité essentielle de ces deux projets politiques a poussé leurs partisans à se faire la guerre.

Le monde sunnite contemporain a développé deux branches hostiles l'une à l'autre. Nous faisons face au sunnisme politisé (les salafistes et les Frères musulmans). Leur projet est de construire des États islamiques, selon une lecture aveugle de la charia. Le deuxième mouvement en œuvre dans le sunnisme, c'est la «réforme radicale», lui-même très hétérogène. Ce mouvement est très présent en Syrie, en Tunisie, en Algérie, au Liban et en Égypte. Il prône l'abrogation de la charia dans l'État, au profit de la laïcité. Dans le monde arabe, ce mouvement représente au moins 20 % des sunnites.

La crise qui nous attend est encore plus grave que ce que nous avons déjà vécue.

Au lendemain des indépendances arabes, ces deux branches les plus représentées du sunnisme sont entrées en confrontation armée, donnant lieu à des affrontements civils. Elles ont impliqué dans leur guerre la masse populaire et les minorités religieuses, et provoqué des guerres civiles généralisées selon deux scénarios: le peuple (islamisé pour un peu plus des deux tiers) contre le régime, ou les minorités religieuses et l'État contre les islamistes.

Pourtant, on a retenu qu'il s'agissait surtout d'une guerre de la majorité sunnite contre les minorités religieuses, observant douloureusement les persécutions contre les chrétiens d'Orient, qui sont pourtant un épiphénomène, malgré la très grande attention qu'on doit leurs accorder.

Or, la réalité de ce qui se joue devant nous, c'est en fait une guerre au sein même du sunnisme.

La crise qui nous attend est encore plus grave que ce que nous avons déjà vécue. Les persécutions des minorités religieuses sont proportionnellement meurtrières au petit nombre des membres de ces communautés. Ce qui nous attend et s'est construit depuis la deuxième moitié du XXème siècle, c'est le massacre entre eux, de dizaines de millions de sunnites, dans tout l'Orient. En Turquie, en Tunisie, en Jordanie et en Égypte.

Partout où la fracture est sensible et la société irrémédiablement divisée sur l'essence même du projet politique: nationale ou islamiste.

Cette catastrophe historique est en cours. En Turquie, le coup d'État manqué nous a permis de prendre la mesure de la violence qui secoue la société turque. Les nationalistes et les islamistes en sont venus aux armes. Les kémalistes ont déployés chars et hélicoptères, et les islamistes ont décapité puis jeté au Bosphore les militaires impliqués, et pourchassé les gens de la société civile fermement hostiles à eux. En Tunisie, la violence est dans le discours des deux camps: islamistes et républicains, qui envisagent de plus en plus de se faire la guerre.

L'Occident, et particulièrement l'Europe, a de quoi avoir peur, parce que ce conflit à l'intérieur de l'islam sunnite a lieu aussi dans les communautés d'immigrés et de descendants d'immigrés musulmans.

On observe une fracture à peine moins sensible dans les quartiers majoritairement musulmans d'Occident, où les musulmans «traditionnels» ont d'autant plus de mal à supporter leurs nombreux voisins islamistes qu'ils ont immigré pour échapper à la misère et la violence.

Face à cette catastrophe sans précédent qui se déroule sous nos yeux, nous devons être lucide, et empêcher la confrontation, en luttant contre le mal: les Frères musulmans et les salafistes. Avant qu'ils n'aient acquis les moyens de déclarer vraiment la guerre.

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