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Les impacts des réfugiés syriens sur la Turquie

En tant que pays voisin de la Syrie, la Turquie a donc dû absorber un grand nombre des réfugiés syriens qui ont quitté leur pays. Ce nombre avoisine actuellement 3 millions. Cet afflux de réfugiés a évidemment un impact.
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Depuis le début de la guerre civile environ la moitié de la population syrienne s'est déplacée que ce soit à l'interne ou à l'externe. En tant que pays voisin de la Syrie, la Turquie a donc dû absorber un grand nombre des réfugiés syriens qui ont quitté leur pays. Ce nombre avoisine actuellement 3 millions. Cet afflux de réfugiés a évidemment un impact sur le pays ou la région d'accueil. Les impacts observables sont principalement d'ordre économique, politique et social.

Photo du domaine public : Voice of America News: Henry Ridgwell on the Turkish border

Économiquement, les réfugiés syriens ont un impact sur plusieurs niveaux, tout d'abord sur le marché du travail dans les régions où ils sont accueillis. Les réfugiés travaillent presque tous dans les marchés informels, car ils ne possèdent pas de permis de travail et font face à un gouvernement qui ne veut pour l'instant pas les intégrer. Ils prennent donc les postes indésirables pour le reste de la communauté et acceptent des salaires bas, compte tenu de leur situation. Cependant, ils n'entrent pas en compétition avec les travailleurs turcs, mais plutôt avec les autres migrants travaillant dans les marchés informels.

Il y a cependant eu des constatations négatives sur certains indicateurs économiques, principalement l'inflation et le taux de chômage. En ce qui concerne l'inflation, elle a été observée dans les milieux où les réfugiés se sont installés. Cela a pu être causé par une hausse de la demande sur les biens à la consommation, le transport et l'immobilier. Ce point est peut-être le plus négatif, car l'inflation sur le prix des biens et du loyer est néfaste pour la portion fragile (pauvre) de la population turque. Pour le taux de chômage, il est difficile d'affirmer que les réfugiés sont eux seuls à l'origine de son augmentation, car il y a beaucoup d'autres facteurs qui jouent sur le pourcentage. Toutefois, on peut affirmer qu'ils sont une des causes de cette hausse. Finalement, le gouvernement paye pour les camps de réfugiés, mais cette dépense est minime et les réfugiés reçoivent très peu d'argent pour survivre.

Les réfugiés ont aussi eu des effets positifs sur l'économie. Paradoxalement, des études démontrent que les réfugiés influencent positivement la création d'emplois. La présence de réfugiés amène entre autres des organisations humanitaires à s'établir en Turquie, ce qui crée des postes au sein de ces organismes. De plus, d'un point de vue d'ensemble, l'économie turque connaît une croissance au-delà des attentes, et selon plusieurs experts et différentes études, cela est causé par les réfugiés. Tout d'abord, la présence de Syriens en Turquie a amené des investissements de la part d'hommes d'affaires syriens. De plus, l'aide humanitaire pour les réfugiés favorise l'économie turque, car elle a besoin de se procurer de différents produits pour subvenir aux besoins de ces derniers. Finalement, les réfugiés amènent logiquement une augmentation de la consommation, ce qui contribue aussi à stimuler l'économie.

Bien qu'à court terme, les réfugiés semblent dans l'ensemble avoir un impact positif sur l'économie turque, certains économistes ne croient pas que ces effets vont durer à long terme. Il est très probable que la croissance économique soit contrée par la pression à la hausse sur le chômage et l'inflation. De plus, si les réfugiés ne sont pas intégrés, il y a toujours le risque qu'ils retournent dans leur pays natal une fois le conflit terminé, ce qui portera un dur coup à la croissance économique. Finalement, la situation des réfugiés commence à devenir insoutenable. En effet, ils ne peuvent pas accéder au marché du travail, même s'ils en ont besoin, ils n'ont pas de bonnes conditions d'emploi et la baisse des salaires fragilise les communautés les plus pauvres. Avec une résolution du conflit qui semble lointaine, si le gouvernement ne change pas son approche envers les réfugiés, les impacts positifs seront bientôt réduits à néant.

Socialement, les réfugiés ont un grand impact. En effet, les quelques millions de réfugiés ont un impact sur la démographie du pays. La population du sud de la Turquie a en effet connu de grands changements avec une explosion de la population arabe dans ces communautés. Par exemple, la province de Kilis avait une population arabe équivalant à 1 %. Ce pourcentage augmenta à 49 % avec l'arrivée des réfugiés. Cela bien entendu amène une plus grande diversité dans ces milieux, pas seulement en ethnies, mais aussi en confessions religieuses. Cependant, les réfugiés ont généralement été bien reçus par la population, et malgré une certaine augmentation des tensions avec le temps, la situation n'a pas dégénéré. Il est intéressant d'ajouter que la plupart des réfugiés passent par la province d'Hatay, ex-province syrienne. Cette province a un tissu social similaire aux communautés syriennes avec des mélanges ethniques, ce qui évite les tensions entre les réfugiés et la population. Toutefois, une intégration des Syriens reste compliquée. En effet, ils choisissent de s'établir en périphérie des villes dans des habitations souvent illégales, pour le prix du loyer. Cela amène des mauvaises conditions de vies et l'environnement est propice aux activités criminelles.

Ces transformations sociales auront un impact sur la scène politique turque dans les années à venir. Toute personne est éligible à recevoir la citoyenneté turque après avoir vécu cinq ans au pays. Dans le cas des réfugiés, plusieurs auront leur citoyenneté à temps pour pouvoir voter aux élections de 2019. La plupart de ces réfugiés étant reconnaissants envers Erdogan de les avoir accueillis et la plupart étant conservateurs, cela pourrait offrir à l'AKP (Erdogan) la majorité qu'il désire.

Les réfugiés ont besoin de réformes intérieures pour les intégrer. Par exemple, augmenter la capacité des hôpitaux, des institutions scolaires, leur fournir un permis de travail, aider les municipalités financièrement, créer des banlieues, etc. Bref, une série de politiques visant à les intégrer.

Il semble donc que les réfugiés syriens ont le potentiel de participer au développement de la Turquie, seulement, cela passe par un effort d'intégration, car sinon ils deviendraient probablement un fardeau pour le pays.

Arshen Kasper, étudiant en sciences humaines au Collège Jean-de-Brébeuf

Texte avec sa bibliographie sur monde68.ca

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Syrians Flee Into Turkey, June 2015

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