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Enfin une paix durable en Colombie?

Le processus de paix entamé par le gouvernement doit être ratifié par la population lors d'un plébiscite qui se déroulera le 2 octobre prochain.
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Dinosaure de la guerre froide, le conflit interne colombien pourrait bientôt être une chose du passé. Le 24 août dernier fut signé l'accord de paix final entre le gouvernement colombien et les FARC (Forces Armées révolutionnaires de Colombie), guérilla marxiste-léniniste fondée en 1964. Des manifestations de joie éclatèrent partout en Colombie, la population exsangue par plus de cinquante ans de combats ayant fait plus de deux cent soixante mille morts et chassé plus d'un Colombien sur dix de son foyer. Malgré la signature de cet accord historique, le sentier vers une paix réelle et durable est semé de multiples obstacles et dangers.

Un plébiscite encore incertain

Tout d'abord, le processus de paix entamé par le gouvernement doit être ratifié par la population lors d'un plébiscite qui se déroulera le 2 octobre prochain. Regroupés autour du belliqueux ex-président Álvaro Uribe, qui écrasa militairement les rebelles lors de sa présidence (2002-2010), les partisans du «non» refusent toute négociation avec les rebelles, universellement détestés pour leurs nombreuses exactions. L'issue du référendum est donc loin d'être certaine, les données des divers sondages étant floues et contradictoires.

Toutefois, le gouvernement a affirmé qu'il respectera la décision de la population. Une victoire du «non» anéantirait le processus de paix et ramènerait les négociations à la case départ.

La tentation criminelle

Contrairement aux autres guérillas marxistes d'Amérique Latine, les FARC ne reçurent jamais un fort soutien de l'étranger, tel qu'obtinrent divers groupes communistes d'Amérique centrale. Les rebelles se tournèrent donc vers le crime pour financer leur machine de guerre. Kidnapping, extorsion, et trafic de drogue remplirent les coffres des rebelles avec plus de six cents millions de dollars par année, faisant des FARC le troisième groupe armé le plus riche du monde, après l'État islamique et le Hamas palestinien. L'autofinancement de la guérilla la rendait également difficile à détruire militairement, les FARC pouvant toujours se réapprovisionner en armes et provisions pour continuer la lutte.

Ces mêmes activités criminelles forment une alléchante tentation pour de nombreux guérilleros démobilisés, particulièrement pour les combattants illettrés issus des campagnes avec peu de possibilités d'emploi en temps de paix. Une précédente démobilisation dans l'histoire récente est pleine d'avertissements pour celle d'aujourd'hui.

Cinquante ans de guerre ont marqué les âmes et les corps, laissant un héritage de haine et de rancœur bouillant dans les cœurs de tous.

La démobilisation de l'AUC (Autodéfenses unies de Colombie), groupe paramilitaire d'extrême droite, est l'exemple typique d'une démobilisation qui tourna en cauchemar. Coalition de milices des grands propriétaires terriens et de mercenaires au service des barons de la drogue, l'AUC fut fondée en 1997 afin de faire face aux déprédations des guérilleros. Le groupe déchaîna une sanglante vague de terreur envers tous ceux suspectés de sympathie envers les rebelles marxistes, bénéficiant souvent du support non écrit des forces gouvernementales.

L'AUC remit officiellement ses armes en 2006 lors d'un accord avec le gouvernement, mais beaucoup de ses membres continuèrent simplement leurs activités criminelles sous la bannière du profit. Ces bandes de paramilitaires criminalisées s'entre-déchirèrent pour la possession des corridors de trafic de drogue. Il est à noter que ces groupes criminels sont fondamentalement apolitiques. Ils ne voient aucun problème à s'allier à leurs anciens ennemis si cela est dans leur intérêt, fournissant armes et matériel aux FARC contre de précieuses cargaisons de narcotiques. Exemple frappant, la direction des Urabeños, groupe criminel le plus puissant de Colombie, est composée d'anciens guérilleros appartenant à l'Armée populaire de Libération, une petite guérilla maoïste dotée de près de quatre mille membres qui se démobilisa en 1991. Les FARC pourraient très bien devenir l'organisation criminelle la plus puissante du pays, déclenchant une guerre ouverte contre ses rivaux, bain de sang qui replongerait la Colombie dans le chaos.

Le spectre de la violence politique

Bien que le gouvernement colombien ait décidé de créer une brigade spécialisée dans la protection des anciens guérilleros, il n'est pas interdit que ses membres soient à nouveau cibles d'assassinats. L'histoire est également pleine d'avertissements à ce sujet.

En 1984, alors qu'ils négociaient avec le gouvernement un accord de paix, les FARC fondèrent un parti politique nommé l'Union Patriotique. Celui-ci gagna rapidement de l'élan, obtenant plusieurs mairies à travers le pays ainsi que de nombreux sièges au congrès. Affolés par la montée météoritique de ce nouveau parti, ses adversaires réagirent sauvagement. Près de trois mille membres de l'UP furent assassinés en six sanglantes années.Se disant floués par la voie politique, les FARC retournèrent dans les jungles et les montagnes continuer le combat, ayant également profité de ces quelques années de paix pour se réapprovisionner en armes et recruter davantage de troupes.

Le sentier vers une paix durable est tortueux. Cinquante ans de guerre ont marqué les âmes et les corps, laissant un héritage de haine et de rancœur bouillant dans les cœurs de tous. Or, comme l'histoire nous l'enseigne, tout conflit a une fin. La Colombie est-elle enfin au bout de ce sombre tunnel? Cela, seul le temps nous le dira.

Xavier Boyer, étudiant en relations internationales à l'Université de Montréal

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