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Les conséquences de la crise syrienne sur le dilemme de sécurité israélien

Si le dilemme de sécurité est omniprésent en Israël, et ce, depuis 1948, la menace existentielle des guerres israélo-arabes n'est plus le fardeau qu'il fut autrefois; le danger est nouveau, moderne. Israël entame donc le XXIe siècle en tant que pionnier dans la lutte antiterroriste, et, à juste titre ou à tort, anti-iranienne.
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Depuis la fondation d'Israël en 1948, le dilemme de sécurité a été un facteur crucial aux politiques du pays, et de surcroit, à la survie de celui-ci. Mais la chute du nassérisme pan-arabique égyptien et la paix conclue avec l'État hébreu en 1979 redéfinissent drastiquement le dilemme de sécurité du dernier; la menace vient désormais de l'Est, incarnée par l'Iran et la Syrie.

Ainsi, à l'aube du 6 septembre 2007, dix appareils de l'aviation israélienne bombardaient le réacteur nucléaire d'Al Kibar, dans la région syrienne de Deir ez-Zor, guidés par les forces spéciales de Tsahal sur le terrain. Bien que dans les années qui suivirent l'Opération Orchard, la nature militaire du programme de Bashar Al Assad fut prouvée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ce raid mit pourtant fin à la fragile trêve qui perdurait entre les deux États depuis la première guerre du Liban, en 1982. Si la Syrie reste silencieuse sur le sujet, n'ayant aucun intérêt à mettre la Communauté internationale au courant de sa coopération atomique avec la Corée du Nord, l'escalade n'est prévenue que grâce à la crise syrienne qui éclate en 2011, peu de temps après les publications officielles de l'AIEA sur l'incident.

Israel, en vert, et la Syrie, en orange

La vague de révoltes engendrée par le Printemps arabe en Afrique du Nord se propage rapidement dans l'ensemble du Maghreb et jusqu'au Moyen-Orient; dans une ambiance de chaos d'ordre régional, la colère du peuple syrien précipite l'engrenage de violences en 2012, atteignant alors un point de non-retour.

Si au premier abord, l'État hébreu reste serein face à l'escalade, l'ingérence du Hezbollah, voisin et allié de longue date du régime Al Assad, met en alerte l'armée israélienne. Ce développement dans le conflit a une double conséquence pour le voisin sémite: d'un coté le proxy libanais s'apprête à bénéficier d'une coopération militaire totale avec le régime syrien, et de l'autre, la branche paramilitaire du Hezbollah pourrait faire pencher la balance stratégique en faveur de Damas, remettant en question la politique israélienne du «diviser pour mieux régner».

L'année 2013 marque donc le début de représailles, car en franchissant la frontière libano-syrienne, les forces de Nasrallah s'exposent aux chasseurs de Tsahal, qui, maîtres des airs, font primer le concept de frontières stratégiques (difficilement délimitables) à celui de la réalité politique. Car l'étroitesse du territoire israélien oblige une approche militaire défensive / préventive, n'ayant pas la capacité d'absorber des troupes ennemies en son sein. Bien que l'existence d'Israël ne soit jamais vraiment menacée par l'intervention libanaise et que l'argumentaire contraire devienne d'ailleurs plus probable, étant donné que la participation libanaise au conflit engendre de surcroît une diminution des capacités militaires du Hezbollah, Israël entame une série de frappes en territoire syrien. Le commandement hébreu voit dans l'intrusion en Syrie du «Parti de Dieu» une opportunité d'affaiblir celui-ci, tout en renforçant sa sécurité par une contribution tactique au prolongement du conflit voisin. Alors que les convois d'armes à destination du Hezbollah sont visés par l'aviation israélienne ainsi que certaines infrastructures stratégiques de Damas, les troupes d'occupation du Golan (1re Brigade Golani) répondent aux balles perdues par de puissants tirs d'obus au-delà de la frontière, et ce, indistinctement.

Jusqu'à aujourd'hui, cette situation de guerre extrajudiciaire persiste, malgré les vaines tentatives de l'ONU visant à promouvoir la désescalade, le Hezbollah comme les diverses factions rebelles n'étant pas ouvertes à un dialogue officiel avec l'État d'Israël. Pourtant, ce dernier maintient son double jeu dans la toile complexe d'alliances et d'ententes du Proche-Orient, facilitant tantôt l'armement ou les soins d'opposants au régime syrien, tantôt la normalisation de ses relations avec ses voisins arabes, à l'instar de l'Arabie Saoudite, pourtant créancière d'organisations militaires sunnites virulemment opposées à Israël. Cet aspect politique du dilemme de sécurité constitue d'ailleurs un nouvel apport, bénéfique au pays, de la crise syrienne: il semble en effet que la menace terroriste issue de l'État islamique permette une plus vaste coopération avec le régime d'Al-Sissi dans la région du Sinaï. Pareillement, le soutien accru de l'Iran à Damas, chiffré à plus de dix milliards de dollars annuellement, a permis le rapprochement Jérusalem-Riyad, faisant place à la diplomatie inamissible de l'ennemi de mon ennemi est mon ami.

On tire de cette brève analyse, un portrait mitigé de la situation au Moyen-Orient, celle-ci étant des plus complexes, notamment à cause des profondes divisions ethniques et religieuses qui minent la région depuis des siècles. Le dilemme de sécurité israélien tend pourtant à perdre de son ambiguïté lorsqu'on l'appose à certains faits accomplis, tous résultats d'une «erreur» géographique onusienne: la profondeur stratégique du pays (ou distance entre la frontière et les zones habitées) est quasi nulle. Un chasseur adverse pouvant traverser le pays en moins de deux minutes, les incursions aériennes d'Israël en territoires souverains pour prévenir ces attaques sont prévisibles. Ainsi, en 2014, un avion syrien de type Soukhoï Su-24 était abattu par Tsahal à sa frontière. Si les récents développements laissent entrevoir une issue à ce conflit, il ne faut pas oublier que les altercations sont fréquentes, blessant patrouilleurs israéliens comme observateurs onusiens, et que les puissances de la région ne sont pas prêtes à limiter leurs ambitions ni à se garder de défendre leurs intérêts. Dans ce chahut géopolitique, une chose est pourtant sure, l'État d'Israël est plus fort que jamais: entre autres, l'achèvement de la barrière de sécurité, longue de plusieurs centaines de kilomètres, prévient quotidiennement les infiltrations djihadistes depuis la Syrie. Le pays fait donc certes face à plusieurs enjeux émergents de la crise syrienne, mais il en sort, dans l'ensemble, vainqueur.

Si le dilemme de sécurité est omniprésent en Israël, et ce, depuis 1948, la menace existentielle des guerres israélo-arabes n'est plus le fardeau qu'il fut autrefois; le danger est nouveau, moderne. Israël entame donc le XXIe siècle en tant que pionnier dans la lutte antiterroriste, et, à juste titre ou à tort, anti-iranienne.

Jacob Assaraf, finissant en sciences humaines, Collège Jean-de-Brébeuf

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