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Les diamants: meilleurs amis des filles... et des rebelles africains

Les diamants peuvent être la source de problèmes graves et certains ont donc acquis un nouveau surnom: celui de «diamants de sang».
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Les diamants sont depuis longtemps symbole de beauté, d'amour et de tendresse. Ce n'est pas pour rien que Marilyn Monroe chantait «Diamonds are a girl's best friend»... Cependant, les diamants peuvent être la source de problèmes graves et certains ont donc acquis un nouveau surnom: celui de «diamants de sang».

Pourquoi diamant «de sang»?

Un diamant de sang est tout diamant ayant été extrait dans des régions contrôlées par des forces opposées au gouvernement légitime d'un pays afin d'être vendu pour financer une révolte militaire («Blood diamond», Britannica, 2016).

Dans les années 1990, certains pays africains ont été marqués par l'insurrection de forces rebelles opposant le gouvernement, qui prenaient violemment le contrôle des zones productrices de diamants afin de financer leur guerre civile (Fishman, 2005). Les diamants étaient soit utilisés pour des achats directs auprès de marchands, soit passés en contrebande dans des pays avoisinants où, mêlés avec des stocks de diamants minés légalement, ils étaient vendus sur le marché libre («Blood diamond», Britannica, 2016).

Les profits des ventes de diamants permettaient aux milices rebelles de se procurer des armes militaires, du carburant et du matériel de guerre tel des mines terrestres, sans compter l'enrichissement personnel des chefs militaires (Orogun, 2004). Ainsi, l'exploitation illégitime de diamants aidait les rebelles à mettre en branle leurs ambitions révolutionnaires et politiques: «les liens complexes et meurtriers entre les ventes d'armes illégales, les diamants de sang et les longues et pernicieuses guerres civiles dans les pays africains ne peuvent être dissociés facilement» (Orogun, 2004). Ce sont surtout l'Angola, la République démocratique du Congo et la Sierra Leone qui ont souffert des conflits armés liés aux diamants, mais les rebelles de ces pays avaient réussi à établir des réseaux commerciaux internationaux couvrant des pays africains voisins, l'Europe de l'est, la Russie, les Balkans, l'Ukraine, la Moldavie et le Moyen-Orient (Orogun, 2004). Somme toute, «les diamants de sang [...] sont devenus la bouée de sauvetage économique indispensable et les meilleurs amis des rebelles sanguinaires et des bandits» (Orogun, 2004).

Plusieurs facteurs facilitaient le commerce illégal des diamants de sang. Premièrement, il y a les caractéristiques des diamants eux-mêmes. Petits, ils étaient très difficiles à détecter lorsque transportés clandestinement (Orogun, 2004). Une fois entrés sur le marché libre, il devenait pratiquement impossible de distinguer un diamant de sang d'un diamant légitime (Fleshman, s.d.). De tout petits morceaux de diamants bruts valaient plusieurs millions de dollars sur le marché global des diamants (Orogun, 2004), un incitatif auquel il est difficile de résister.

Deuxièmement, l'industrie du diamant comportait plusieurs points faibles exploités par ceux participant au commerce illégal de diamants (Orogun, 2004). Puisque cette industrie autorégulée était contrôlée par quelques acteurs importants profitant grandement du trafic de diamants de sang, elle a contourné les sanctions et les embargos mandatés par l'ONU (Orogun, 2004). Cette oligarchie avait à sa tête le cartel sud-africain De Beers, qui à lui seul contrôlait la moitié de la production mondiale annuelle et plus de 80% des ventes mondiales de diamants (Fleshman, s.d.).

Le commerce illégal de diamants de sang était un phénomène économique majeur. En effet, il était estimé que les diamants de sang représentaient 4% à 15% de la production mondiale annuelle de diamants de 6,8 milliards de dollars US: «Ce genre d'argent achète beaucoup de AK-47...» (Orogun, 2014).

Quelles mesures ont été prises ?

La cruauté des pratiques du RUF généra beaucoup d'attention médiatique et poussa moult activistes à agir au nom des victimes (Haufler, 2010). Les missions onusiennes de maintien de la paix augmentèrent en nombre et en taille. De plus, en 1997, le Conseil de sécurité de l'ONU imposa un embargo sur les armes et le pétrole contre la Sierra Leone (Price, 2003); en 1999, après le refus des rebelles de redonner les territoires qu'ils contrôlaient au gouvernement, l'ONU imposa d'autres sanctions contre les diamants (Haufler, 2010). Parallèlement à cela, Global Witness publia une série de rapports mettant en lumière le rôle de la vente de diamants de sang dans le financement de conflits armés dans des pays tels la Sierra Leone (Wright, 2004). Un autre organisme non-gouvernemental (ONG), Partenariat Afrique-Canada, écrit en 2000 un rapport liant les diamants au carnage en Sierra Leone (Haufler, 2010). Conjointement, les deux organismes menèrent une campagne transnationale visant à sensibiliser le public et les grandes compagnies au problème des diamants de sang (Haufler, 2010).

Le Processus Kimberley, c'est quoi ?

La publicité négative, la sensibilisation croissante du public au problème des diamants de sang et la pression de la part de plusieurs ONG poussèrent le gouvernement sud-africain (pays du géant De Beers) à convoquer tous les gouvernements intéressés, les membres de l'industrie du diamant et les ONG pour discuter de solutions envisageables; cet effort fut nommé le Processus Kimberley en l'honneur de la mine sud-africaine («Kimberley Process», Britannica, 2016).

Soutenu à l'unanimité par les 191 membres de l'Assemblée générale de l'ONU (Fishman, 2005) et par des poids lourds de l'industrie du diamant comme De Beers et le Conseil Mondial des diamants, le Processus gagna rapidement en popularité (Grant & Taylor, 2004). L'ONU mandata les participants du Processus Kimberley d'élaborer des propositions détaillées pour la mise en place d'un système international de certification des diamants bruts (Grant & Taylor, 2004).

Plusieurs rencontres s'ensuivirent en Belgique, en Russie, au Royaume-Uni et en Angola (Grant & Taylor, 2004). En novembre 2002, le Processus Kimberley introduit leur système de certification (le KPCS) visant à adresser le problème des diamants de sang et à protéger le commerce légitime de diamants (Fishman, 2005). Le KPCS n'est pas un traité juridiquement contraignant, mais plutôt une proposition d'une série de standards minimums que chaque État applique avec sa législation nationale sous peine de subir des sanctions politiques (Wright, 2004).

Ça marche ?

Quoique le Processus Kimberley ait ses critiques, il représente un effort novateur et inclusif pour mettre fin à une crise humanitaire, et à date, il s'est avéré être une institution assez forte qui jouit de la possibilité d'évoluer avec le temps (Haufler, 2010). En 2013, 81 pays étaient représentés au Processus Kimberley, sans compter le Conseil Mondial des Diamants, Global Witness et Partenariat Afrique-Canada, qui sont nommés «observateurs officiels» malgré leur implication importante («Participants», Kimberley Process, 2016). Aujourd'hui, les États-membres soumettent annuellement des rapports et font l'objet d'examens de conduite par la KPCS. Ils se rencontrent chaque année et ils ont créé plusieurs comités pour traiter de différents enjeux (Haufler, 2010).

Par ailleurs, alors qu'il était estimé lors du conflit sierra-léonais qu'entre 4% et 15% des diamants sur le marché mondial étaient des diamants de sang, ce chiffre aurait aujourd'hui chuté à moins de 0,02%. L'exportation officielle de diamants en Sierra Leone est passée de 26 millions de dollars US en 2001 à 142 millions en 2006, une augmentation signalant que beaucoup plus de diamants circulaient dans le système légitime (Haufler, 2010).

La force du Processus Kimberley réside dans sa capacité de rallier tous les joueurs majeurs impliqués et ce, sur une base volontaire. Son succès à long terme dépend de l'efficacité de ses mécanismes de surveillance (Orogun, 2004). Le Processus Kimberley «se distingue parmi les efforts existants en tant qu'institution inclusive et relativement forte, en dépit de ses problèmes [potentiels]» et représente une nouvelle tendance de gouvernance à l'échelle mondiale où la collaboration entre les différents acteurs est nécessaire et normale (Haufler, 2010).

Par Clara Champagne, étudiante au Collège Jean-de-Brébeuf

Texte complet, avec ses références sur monde68.ca

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