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La guerre sans merci du président Duterte contre le crime organisé aux Philippines

Plus de 3 500 personnes auraient été tuées depuis l'arrivée de Duterte en mai. Outre les individus tués lors des opérations policières (souvent dans des circonstances opaques), de nombreuses personnes furent assassinées par des «individus non identifiés».
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Fidèle à sa parole, le nouveau président philippin Rodrigo Duterte réalise peu à peu sa promesse électorale de mener une guerre sans merci contre le crime organisé qui sévit dans ce grand archipel d'Asie du Sud-Est. Plus de 3 500 personnes auraient été tuées depuis l'arrivée de Duterte en mai. Outre les individus tués lors des opérations policières (souvent dans des circonstances opaques), de nombreuses personnes furent assassinées par des «individus non identifiés». Loin de s'en inquiéter, le président Duterte s'en réjouit, affirmant qu'il supporte entièrement cette justice autoconstituée.

Ceci n'est pas une chose nouvelle pour le sanguin politicien qui menaça de se retirer de l'ONU, vexé par les critiques acerbes de la communauté internationale quant à sa guerre contre le crime. Maire de la ville de Davao au sud du pays depuis une trentaine d'années, la politique anti-crime de Duterte fut douteuse sur le plan légal et moral, fermant les yeux face aux escadrons de la mort qui rodaient dans les quartiers les plus défavorisés, en chasse perpétuelle aux «indésirables». Inutile de dire que cela va à l'encontre de toutes les normes internationales, balayées d'un revers de la main par Duterte, affirmant avec sa brutalité habituelle «je me fiche des droits de l'homme, croyez-moi.» Non seulement celui-ci fermait-il les yeux aux exactions de ces gangs de tueurs, mais leur offrait également des cibles sur un plateau d'argent, lisant les noms de présumés criminels devant les caméras de télévision, laissant ensuite les sicaires opérer leur triste besogne.

Les escadrons de la mort: phénomène mondial

Les escadrons de la mort sont composés d'individus aux motifs divers, passant de simples tueurs à gages agissant par attrait du lucre (tel est le cas aux Philippines) à des groupes paramilitaires fortement idéologisés, comme le furent les membres des Autodéfenses Unies de Colombie, groupe d'extrême droite viscéralement anticommuniste qui mena une lutte à mort aux guérillas marxistes présentes au pays (dont les FARC sont les représentants les plus connus). Les cibles peuvent également varier. Si les tueurs philippins frappent ceux qu'ils qualifient de criminels, les tristement célèbres escadrons de la mort salvadoriens massacraient les opposants politiques au régime militaire alors en place.

Si la raison de tuer varie d'un groupe à l'autre, une chose commune à tout type d'escadron de la mort est le lien très proche avec les autorités étatiques. Le cas le plus frappant de ce phénomène est sans doute le Brésil où les policiers eux-mêmes sont membres de milices illégales alors qu'ils sont hors service, utilisant leur savoir-faire afin de contrôler les quartiers défavorisés, remplaçant alors les groupes criminels qu'ils s'étaient juré d'anéantir. Ces milices contrôleraient plus de 45% des bidonvilles de Rio selon des chiffres datant de 2013, déclassant les puissantes bandes criminelles qui se partagent quelque 37%, le 18% restant étant aux mains de la police.

Ce système bénéficie également de soutien en haut lieu, le président Duterte allant jusqu'à affirmer «je suis l'escadron de la mort».

Aux Philippines, ce sont des policiers qui sont à la tête des escadrons, se chargeant de la planification des assassinats, recueillant de l'information sur de potentielles cibles avant de donner le feu vert aux tueurs. La vie d'un trafiquant de drogue vaudrait autour de vingt mille pesos philippins, ce qui équivaudrait à quatre cent trente dollars américains, une fortune pour de pauvres chômeurs. Comme affirmé auparavant, ce système bénéficie également de soutien en haut lieu, le président Duterte allant jusqu'à affirmer «je suis l'escadron de la mort».

Bien que la pratique des escadrons de la mort soit condamnée par toutes les lois et normes internationales, il ne reste pas moins que ces meurtriers et leurs brutales méthodes sont très populaires au sein des masses philippines, lasses de la mainmise criminelle sur leurs quartiers ainsi que de l'épidémie sans cesse croissante de shabu, une puissante forme de méthamphétamine. Ainsi, près de 84% des Philippins auraient une très bonne confiance en leur président, pourcentage particulièrement élevé chez les classes supérieures et scolarisées, chose pour le moins surprenante. À titre comparatif, le premier ministre Trudeau fait bien piètre figure avec quelque 58% de la population canadienne lui accordant sa confiance.

Une défaite pour la bonne gouvernance

En passant outre des institutions, Duterte fuit le véritable problème: l'impuissance et la corruption qui minent les gouvernements philippins depuis l'indépendance du pays. Un gouvernement digne de ce nom ne peut affirmer que «la fin justifie les moyens». Le monopole de la violence se doit d'être aux mains des agents du gouvernement respectueux des normes légales, non pas pris en otage par des aventuriers peu scrupuleux. Loin d'être un pas vers l'avant, la politique anti-crime de Duterte représente plutôt un recul monumental pour les institutions démocratiques du pays, véritables garantes de tout progrès social et économique.

Par Xavier Boyer, diplômé en sciences humaines du Collège Jean-de-Brébeuf

Pour l'article avec ses références et sa bibliographie: Monde68.ca

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