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Vers un retour de l'extrême-droite au parlement fédéral allemand?

L'Alternative pour l'Allemagne est surtout connue aujourd'hui pour son cheval de bataille : l'opposition à l'islam en Allemagne. Le parti voit en cette religion la présence d'un corps étranger dans le pays, d'où son opposition à l'accueil de réfugiés, qui sont musulmans pour la plupart.
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Que ce soit au Brandebourg, à Berlin ou à Hambourg, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) poursuit son ascension fulgurante sur la scène politique allemande. En seulement trois ans d'existence, le parti a récolté les suffrages nécessaires à son entrée dans 10 des 17 parlements régionaux que compte le pays. Cette saillie sans précédent laisse entrevoir une importante redistribution de l'échiquier politique en vue des élections fédérales qui auront lieu en 2017. Or, l'arrivée de ce parti, que l'on associe au populisme de droite (Rechtspopulismus), voire à l'extrême-droite, suscite aussi de vives inquiétudes.

5 septembre 2016. Lendemain de veille électorale en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.Avec 30% des voix, les sociaux-démocrates (SPD) remportent l'élection régionale sans coup férir. Mais ce qui retient l'attention, c'est le score de l'Alternative pour l'Allemagne. Le parti recueille 21% des suffrages, se hissant ainsi devant l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel (19%). Un résultat d'autant plus symbolique que le « Meck-Pomm » est le land de naissance de la chancelière.

Une quinzaine de jours plus tard, l'AfD réédite l'exploit à Berlin. À sa première participation aux élections dans la capitale fédérale, le parti récolte un impressionnant 14% des bulletins de vote. Un score qui étonne dans cette métropole libérale et multiculturelle où l'on n'apprécie guère que des positions anti-immigration puissent y trouver ancrage. La CDU de Merkel récolte, quant à elle, 17% des voix, soit la pire performance du parti à Berlin depuis 1990.

Rarement un parti s'est-il imposé aussi rapidement dans le paysage politique allemand.

Au niveau fédéral, les plus récents sondages créditent l'AfD de 15% des voix, en troisième place derrière la CDU (32%) et le SPD (22%), mais devant les Verts (11%) et la Gauche (8%). De ces cinq partis, seule l'AfD a vu ses appuis augmenter (+10%) depuis deux ans ; les appuis à la CDU de Merkel ont, quant à eux, chuté de 9%.

D'anti-euro à anti-islam

Fondée en 2013, l'AfD est considérée de droite conservatrice, voire d'extrême-droite autant par les observateurs que par ses détracteurs. Toutefois, le parti rejette cette classification et se décrit avant tout comme un parti qui milite contre le pouvoir établi. Mais l'AfD est surtout connue aujourd'hui pour son cheval de bataille : l'opposition à l'islam en Allemagne. Le parti voit en cette religion, la présence d'un corps étranger dans le pays, d'où son opposition à l'accueil de réfugiés, qui sont musulmans pour la plupart.

Pourtant, la vocation originelle du parti n'est pas axée sur le thème identitaire. La première plateforme du parti, élaborée dans le contexte de la crise de la dette publique grecque, est surtout centrée sur l'économie. À ce moment, l'idée phare de l'AfD consiste à dissoudre progressivement la zone euro en de plus petits espaces monétaires, plus homogènes. Or, en 2015, l'investiture de Frauke Petry à la tête du parti change la donne. L'aile libérale de l'AfD se sépare et fonde l'Alliance pour le progrès et le renouveau. Sous la direction de Petry, que l'on juge plus populiste, l'AfD s'intéresse davantage aux questions identitaires et sécuritaires, alors que les questions économiques sont reléguées à l'arrière-plan.

Ce nouveau cadrage s'avère opportun compte tenu de l'évolution de l'actualité européenne. En juillet 2015, un accord est conclu entre la Grèce et les autres membres de la zone euro. La crise de la dette grecque est réglée. Mais dans les semaines qui suivent, l'afflux de migrants vers l'Europe, en particulier l'Allemagne, débute.Dès lors, les questions identitaires et sécuritaires liées à l'arrivée massive de réfugiés animent les débats publics, alors que le dossier grec, éclipsé, se résorbe.

La crise migratoire, source de mécontentement

Rappelons qu'en 2015, 1,3 million de réfugiés s'établissent en Allemagne. Cet afflux est facilité par la politique d'accueil d'Angela Merkel. Bien qu'une majorité d'Allemands l'appuient dans un premier temps, plusieurs se ravisent au fil des mois face à l'ampleur inattendue du déferlement migratoire. Par ailleurs, plusieurs actes répréhensibles commis par des réfugiés lors de la dernière année accélèrent le désenchantement de la population allemande.Pensons notamment aux agressions sexuelles, largement médiatisées, survenues à Cologne lors des fêtes de la Saint-Sylvestre en 2015, ou encore aux attentats perpétrés par des réfugiés au cours des derniers mois. Dans un délai de quatre jours, du 18 au 21 juillet 2016, trois attaques djihadistes sont commises par de jeunes réfugiés en sol allemand. Dans ce climat d'insécurité croissante, la grogne à l'égard de la politique migratoire de la chancelière augmente, si bien qu'aujourd'hui, 8 Allemands sur 10 s'y opposent.

Populaire et populiste

C'est dans ce contexte que l'AfD gagne en popularité. Farouche opposant à l'accueil de réfugiés, le parti étaye sa stratégie politique sur ce mécontentement de la population. Et les dividendes électoraux lui sont d'autant plus grands du fait qu'il est le seul parti à s'opposer catégoriquement à la politique migratoire depuis son application.

Quel que soit le sujet de discorde, l'AfD réussit à fédérer sous sa bannière les citoyens mécontents des politiques gouvernementales. C'est pourquoi l'AfD est souvent qualifiée de populiste. Quant à ses partisans, ils sont issus autant du milieu ouvrier que de la classe en moyenne. Mais, ce qui les distingue, c'est cette crainte de l'aliénation culturelle allemande face à l'étranger (surtout musulman).

Qui plus est, l'AfD mobilise l'électorat. Un sondage réalisé dans la foulée des élections de Berlin montre que 30% électeurs ayant voté pour l'AfD s'étaient abstenus lors des élections précédentes. Par ailleurs,20% des partisans de l'AfD avaient voté auparavant pour des petits partis de droite, voire d'extrême-droite. Selon Thomas Wieder, correspondant pour Le Monde à Berlin, beaucoup d'électeurs délaissent ces partis voués à la marginalisation pour grossir les rangs de l'AfD ; une situation qui s'est vraisemblablement produite lors des dernières élections au Mecklembourg, où le déplacement de ces votes vers l'AfD a contribué à rayer le NPD de la carte, un parti ultranationaliste souvent associé aux néonazis.

Étienne Gamache, étudiant en journalisme à l'Université de Montréal

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