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Hanna Arendt, ou la vraie «banalité du mal»

Le filmretrace les quatre années durant lesquelles Hannah a travaillé sur le rapport et le livre sur Eichmann. La confrontation entre la philosophe et le nazi Adolf Eichmann permet de montrer le contraste inouï entre ces deux personnages, et de mieux comprendre les années sombres de l'Europe du 20e siècle.
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En 1961, la philosophe juive allemande Hanna Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d'Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Les articles qu'Hanna publie et sa théorie de «La banalité du mal» déclenchent une controverse sans précédent. Son obstination et l'exigence de sa pensée se heurtent à l'incompréhension de ses proches et vont provoquer son isolement.

Hanna Arendt est admirablement interprétée par Barbara Sukowa. Margarethe Von Trotta dit: «Je n'aurais pas réalisé ce film sans Barbara. J'avais besoin d'une actrice que je pouvais regarder penser, et Barbara était la seule qui pouvait relever ce défi de taille.»

Je ne connaissais pas le personnage public d'Hanna Arendt, mais en tant que cinéphile, sachant que ce film était porté à la fois par Margarethe Von Trotta et par Barbara Sukowa, j'étais en pays de connaissance.

Qui est Hannah Arendt?

Hannah Arendt naît le 14 octobre 1906 à Hanovre, elle grandit dans une famille juive laïque. Elle étudie la philosophie avec Karl Jaspers et Martin Heidegger. Sa rencontre avec ce dernier est un événement majeur de sa vie, tant sur le plan intellectuel que sentimental.

En 1933, après avoir été emprisonnée brièvement par la Gestapo, elle fuit à Paris; en 1937, elle y rencontre Heinrich Blücher, un ancien communiste et philosophe autodidacte; elle se marie avec lui en 1940. Après avoir été internée et s'être échappée de camp de Gurs (Basses Pyrénées), elle émigre aux États-Unis en 1941. Elle obtient la nationalité américaine en 1951 et publie la même année Les Origines du totalitarisme, une étude analytique des régimes nazi et stalinien. Finalement, le livre tiré de ses articles, intitulé Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, lui valut un grand respect; bien que toujours controversé, il est un des livres de référence sur la Shoa et il est considéré comme l'un des plus importants ouvrages d'Hanna Arendt. Elle est morte à New York le 4 décembre 1975.

Le film Hannah Arendt

Il retrace les quatre années durant lesquelles Hannah a travaillé sur le rapport et le livre sur Eichmann, cette période s'étant imposée comme une évidence pour dépeindre au mieux la femme et son œuvre. La confrontation entre Hannah Arendt et Adolf Eichmann permet de montrer le contraste inouï entre ces deux personnages, et de mieux comprendre les années sombres de l'Europe du 20e siècle.

Filmer la pensée est probablement ce qu'il y a de plus difficile au cinéma.

On ne peut montrer la vraie «banalité du mal» qu'en observant le vrai Eichmann, un acteur ne pourrait que déformer l'image. Par le biais des archives, Margarethe a pu utiliser le vrai Eichmann pour tous les moments clés du film: «Il était incapable de penser véritablement à ce qu'il faisait et cela transparaissait dans sa façon de parler.»

Il n'y a qu'une scène avec Barbara Sukowa qui a lieu dans la salle d'audience, et dans ce cas précis, Margarethe a eu recours à un acteur, qu'on ne voit que de dos. Toutes les autres scènes de la salle d'audience sont vues de la salle de presse. Comme Hannah était une grande fumeuse, elle pouvait y suivre le procès simultanément.

Hannah Arendt apparaît dans ce film comme une femme amoureuse et très vivante. Mais Von Trotta a réalisé un étrange thriller psychologique qui s'installe tranquillement dans notre conscience. Au début, entre les amis américains et allemands, j'étais un peu perdue, comme dans un salon où l'on ne connaît personne. Mais bravo pour les sous-titres français, autant pour l'anglais que pour l'allemand, cela force notre attention. Et lorsqu'Hannah Arendt déclare: «Personne n'a le droit d'obéir», refusant catégoriquement de suivre quoi que ce soit d'autre que ses propres convictions, forgées à partir de ses connaissances, elle se trouve évidemment à l'opposé d'Eichmann dont la tâche consistait à respecter son serment d'obéissance aux ordres de ses supérieurs.

Par cette fidélité aveugle, il a abandonné l'une des caractéristiques qui distinguent les êtres humains des autres espèces vivantes: la capacité de penser par soi-même. Le film montre Hannah Arendt comme une théoricienne politique et une philosophe indépendante, face à son opposé absolu, le bureaucrate soumis qui ne pense pas et choisit plutôt d'être un subalterne zélé.

Devoir de mémoire qui s'adapte on ne peut mieux à aujourd'hui, ce film est absolument remarquable. Il sera dans les salles à partir du 14 juin 2013.

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