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Iran: le président Rouhani n'a pas menacé Israël

La frénésie est de retour, et ce avant même que le nouveau président iranien ne prenne ses fonctions. Vendredi, l'Iran célébrait la journée internationale de Qods (Jérusalem) et les propos mal-traduits de Hassan Rouhani ont aussitôt fait les manchettes des médias occidentaux.
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La frénésie est de retour, et ce avant même que le nouveau président iranien ne prenne ses fonctions. Vendredi, l'Iran célébrait la journée internationale de Qods (Jérusalem) et lorsque le journaliste l'interroge sur cette célébration, voici la réponse du président-élu Hassan Rouhani dans la vidéo qu'il a twittée.

La traduction est la suivante:

«La journée internationale de Qods, qui est l'héritage de l'Imam Khomeiny, est une journée qui démontre l'unité du monde musulman contre l'oppression et l'agression. Et après tout, il y a eu pendant plusieurs années une blessure dans le corps du monde musulman sous l'ombre de l'occupation de la terre sacrée de Palestine et de notre cher Qods (Jérusalem). Et cette journée et un rappel pour que les musulmans n'oublient jamais ce droit historique. Ils continueront de résister face à la tyrannie et l'agression.»

Ces quelques phrases ont été mal traduites par l'agence semi-officielle iranienne ISNA qui a traduit en anglais que cette blessure doit être removed (déracinée/retirée) et l'interview de Rouhani a déjà fait des gros titres pour le moins alarmistes: «Rouhani s'en prend à Israël» (Le Figaro), «Pour Rouhani, Israël est un corps étranger à extirper» (Le Nouvel Observateur) , «Iran: Rouhani et Ahmadinejad menacent Israël» (bfmtv).

Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a réagi très rapidement en déclarant que Rouhani avait «montré son vrai visage».

«Le vrai visage de Rouhani a été dévoilé plus tôt que prévu. Même si les Iraniens s'empressaient maintenant de nier ses propos, c'est ce qu'il pense, et c'est le plan d'action du régime iranien», a déclaré M. Netanyahu.

Le premier ministre israélien avait déjà déclaré dans une interview donnée à la chaine américaine CBS que Rouhani était un loup déguisé en mouton» et que sa stratégie était de construire la bombe en souriant.

Pendant des années, Netanyahu a entretenu un pessimisme en ce qui concerne les négociations sur le programme nucléaire iranien et il a été le plus fervent défenseur de plus de sanctions contre l'Iran, et même de l'option militaire. Pour cela, il n'a pas hésité a aller jusqu'à brandir un cartoon du type Bip-Bip et Coyote à la tribune des Nations Unies pour maintenir la pression et augmenter les tensions.

Augmenter la pression et l'isolement de l'Iran par le zèle n'est pas nouveau. La balance de pouvoir étant importante entre Téhéran et Tel-Aviv, Israël (qui est le seul pays du Moyen-Orient à posséder des armes nucléaires) a intérêt à ce que l'Iran soit isolé. Pour atteindre cet objectif, Israël répète régulièrement depuis le début des années 90 que l'Iran est sur le point de se fournir l'arme nucléaire (malgré des inquiétudes de diversion militaire du programme nucléaire, l'AIEA (et ses deux anciens directeurs) ont déclaré n'avoir aucune preuve d'une telle diversion et qu'il fallait continuer les inspections).

Hossein Mousavian, actuellement à Princeton et qui connait parfaitement le dossier nucléaire puisqu'il était porte-parole du chef négociateur Hassan Rouhani de 2003 à 2005, rappelle qu'en octobre 1992, Shimon Peres alertait la communauté internationale que l'Iran se doterait de l'arme nucléaire d'ici 1999. En juillet 2001, le ministre de la Défense israélien Benyamin Ben-Eliezer confirmait que l'Iran aurait la bombe en 2005. En février 2009, Netanyahu disait à la délégation du Congrès américain que l'Iran était à un an ou deux de la bombe. En septembre 2012, Netanyahu (voir photo) affirmait que l'Iran aurait la bombe mi-2013, et en juillet dernier il disait que l'Iran était à quelques semaines de «la ligne rouge». Mousavian explique que les menaces de Netanyahu sapent un possible accord sur le nucléaire.

Cette stratégie est vue comme un coup de force pour imposer une pression sur les États-Unis et l'Union européenne afin qu'ils n'aient d'autres options que d'imposer des sanctions afin d'éviter une guerre. En d'autres termes, l'impression est qu'il ne reste plus que deux options: la guerre ou la coercition. Présenter l'Iran comme une menace crédible est ce qui permettra à Israël de maintenir la pression sur Téhéran et saboter un accord sur le nucléaire, ainsi qu'un rapprochement entre l'Iran et l'Occident.

Ceci est un faux choix. Le président Rouhani a affirmé vouloir trouver un accord à travers les négociations et son bilan en tant que chef négociateur du président Réformiste Mohammad Khatami est très encourageant et reconnu par les diplomates européens puisque Rouhani avait réussi à obtenir plus de transparence en signant le Protocole additionnel (transparence maximale) du traité sur la non-Prolifération (TNP). De plus, il est dans l'intérêt de tous d'améliorer les relations entre les États-Unis, l'UE et l'Iran pour la stabilité du Moyen-Orient, et même pour les entreprises européennes.

Dès l'annonce de la victoire de Rouhani, le premier ministre israélien a tout fait pour présenter le président modéré comme une menace, et il n'a pas manqué de récupérer politiquement cette erreur de traduction (comme il l'avait fait pour les propos « rayer de la carte » attribués à Mahmoud Ahmadinejad - si les Iraniens le savent, le ministre israélien Dan Meridor a également reconnu en avril 2012 qu'Ahmadinejad n'avait en réalité jamais tenu ces propos). En réalité, la victoire d'un modéré en Iran est la défaite des conservateurs israéliens.

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