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3 raisons qui poussent Netanyahu à saboter l'accord sur le nucléaire iranien

Après une décennie d'impasse, l'Iran et les puissances mondiales sont enfin parvenus à un accord historique sur le dossier du programme nucléaire de Téhéran. Pourtant, il existe un contraste flagrant entre les sourires des ministres des Affaires étrangères des puissances mondiales et le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu qui qualifie l'accord de Genève d'"erreur historique".
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Après une décennie d'impasse, l'Iran et les puissances mondiales sont enfin parvenus à un accord historique sur le dossier du programme nucléaire de Téhéran. Pourtant, il existe un contraste flagrant entre les sourires des ministres des Affaires étrangères des puissances mondiales et le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu qui qualifie l'accord de Genève d'"erreur historique".

Premièrement, l'accord temporaire signé à Genève est un accord constructif et positif. Il se divise en deux phases, car il était impensable de résoudre tous les différends en un week-end, surtout après 34 ans d'inimitié entre l'Iran et les États-Unis. Chaque ministre des Affaires étrangères s'est félicité de cet accord qui est un grand pas en avant pour s'assurer que l'Iran ne pourra jamais -s'il en prenait la décision- avoir les moyens de produire une bombe nucléaire. C'est donc une première victoire importante pour l'Iran et les pays occidentaux vers un accord définitif.

Deuxièmement, c'est également une victoire pour les Israéliens qui vivent sous la crainte d'un Iran militairement nucléaire. En effet, la deuxième phase de l'accord, prévue dans six mois, mettra un terme aux inquiétudes de chacun, car l'accord final prévoit de mettre en place tous les moyens de vérification et de transparence qui assureront que l'Iran ne se dirige pas vers un programme nucléaire militaire.

Quelles sont donc les raisons de l'hostilité de Netanyahu face à cet accord gagnant-gagnant? Qu'est-ce qui le pousse à s'isoler en comparant l'accord avec celui de Munich en 1938, suggérant ainsi que la diplomatie des puissances occidentales est naïve?

1. La résolution de la crise du nucléaire dirigerait l'attention de la communauté internationale sur Israël

Si les puissances mondiales parviennent à sortir de l'impasse de la crise du nucléaire iranien, le conflit israélo-palestinien reviendra sur le devant de la scène (avec bien sûr la crise syrienne). En effet, Barack Obama avait attaché une importance particulière à la création d'un état palestinien aux côtés d'Israël avec le projet que les deux états vivent "en paix et en sécurité".

Selon le droit international, la colonisation et les constructions de logements dans les territoires occupés sont illégales (voir les multiples résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU - 242, 338, 446, 452, 465, 471, 476, 478 ou encore 497 - la quatrième Convention de Genève, ou les décisions de la Cour Internationale de Justice). Cependant, le processus de paix israélo-palestinien restait jusqu'à récemment en panne, ce qui permettait au gouvernement Netanyahu "d'autoriser" davantage de constructions dans les colonies, perpétuant ainsi la violation du droit international.

Il est donc logique que la coalition du gouvernement de Netanyahu (qui favorise les constructions) trouve un intérêt à maintenir le statu quo dans la région et tente par tous les moyens de remettre en question l'accord signé à Genève afin qu'il ne parvienne pas à sa seconde phase.

Pour rappel, Netanyahu a dû allier son parti, le Likoud (centre-droit), à des partis centristes mais également à des partis souvent qualifiés d'extrême droite. Le ministre du Logement qui est notamment en charge de la question de la colonisation, Uri Ariel, avait déclaré lors de sa prise de fonction: "Il ne peut y avoir qu'un seul État entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée, c'est Israël. Les Palestiniens ne peuvent aspirer qu'à une "autonomie"."

Enfin, il faut noter que la fin de la crise du nucléaire risque de remettre plus sérieusement à l'ordre du jour la question de la conférence de l'ONU qui vise à mettre en place un Moyen-Orient sans arme nucléaire. La question de l'arsenal nucléaire israélien serait alors difficile à esquiver.

2. L'accord de Genève peut bouleverser l'équilibre géopolitique du Moyen-Orient

Le statu quo précédant l'accord de Genève -toujours plus de sanctions paralysantes contre l'Iran - et la menacent de frappes militaires profite à la droite israélienne (et aux conservateurs d'Arabie Saoudite) puisque l'isolement de l'Iran fait d'Israël et de l'Arabie Saoudite les deux puissances qui pèsent sur le Moyen-Orient (en termes de poids géostratégique, d'influence, d'échanges économiques et militaires).

Bien au-delà du programme nucléaire iranien, c'est un potentiel rapprochement entre l'Iran et l'Occident qui serait la réelle menace pour les ultra-conservateurs israéliens. La signature d'un accord sur le nucléaire iranien bouleverserait la balance de pouvoir dans le Moyen-Orient puisque la sortie de l'impasse entre l'Iran et l'Occident signifierait à terme, la levée des sanctions contre Téhéran, et donc la fin de son isolement. L'Iran retrouvera sa place naturelle dans la région et, géopolitiquement, l'Iran est un poids lourd dans le Moyen-Orient.

Notons que le réchauffement des relations Iran-Occident est déjà engagé (retour d'un chargé d'affaires représentant la Grande-Bretagne en Iran, annonce de l'ouverture d'une chambre de commerce irano-américaine à Téhéran, les compagnies européennes s'apprêtent à reprendre leurs affaires en Iran, etc.). Ce réchauffement est constructif pour apaiser des tensions dans la région, car le gouffre géopolitique actuel entre l'Inde et la Turquie est intenable.

Ceci représente une crainte pour la droite israélienne, car la stratégie politique du Likoud et de sa coalition s'est construite sur une rhétorique agressive et de confrontation qui se mariait parfaitement avec celle du président conservateur iranien Mahmoud Ahmadinejad. Le discours du premier ministre israélien n'est donc pas irrationnel et vise également le maintien de sa coalition pro-colonies.

3. Politique intérieure de Netanyahu: analyse de son discours politique

Le gouvernement Netanyahu a investi un capital énorme sur sa rhétorique anti-iranienne. Premièrement, pour ses besoins de politique intérieure. En Israël, le discours exprimant la crainte d'un Iran possédant l'arme nucléaire et le besoin de sécurité face à l'Iran surpasse de loin le discours sur la nécessité d'un accord de paix avec les Palestiniens.

Deuxièmement, cet investissement se tourne également vers sa politique étrangère puisque son discours qui présente l'Iran comme "menace existentielle" est repris mot à mot par de nombreux lobbies ultra-conservateurs pro-israéliens à Washington (comme AIPAC), puis par de nombreux membres du Congrès: Robert Menendez et Lindsay Graham en chefs de file (il est cependant important de noter qu'il existe des lobbies pro-israéliens qui s'opposent à la vision de Netanyahu, comme J Street).

La victoire du modéré Hassan Rouhani en Iran marque ainsi une défaite des ultra-conservateurs en Israël et à Washington puisque la rhétorique incendiaire de son prédécesseur Ahmadinejad facilitait l'isolement de l'Iran par les sanctions. Elle justifiait en quelque sorte l'aval du Congrès américain pour fournir un soutien militaire inconditionnel à Israël ainsi qu'une aide financière annuelle se chiffrant à plus de trois milliards de dollars, confortant ainsi son avance militaire et économique dans la région.

À ce sujet, l'ancien chef du Mossad, Ephraïm Halevy, expliquait en 2008: "Ahmadinejad est notre plus beau cadeau". Selon lui, "au Mossad, nous n'aurions pas pu effectuer de meilleure opération que de mettre en place un gars comme Ahmadinejad au pouvoir en Iran".

Ahmadinejad étant parti, Netanyahu tente d'effacer le discours de modération et d'ouverture de Rouhani en continuant de rappeler le fameux "rayer de la carte" attribué à Ahmadinejad, et ce alors que le ministre du renseignement du précédent gouvernement Netanyahu, Dan Meridor, a confirmé l'année dernière lors d'une interview sur Al-Jazeera qu'Ahmadinejad n'avait en réalité jamais utilisé ces mots. Certes, l'ancien président iranien tenait des propos condamnables qui apportaient des tensions, mais Netanyahu a su l'exploiter politiquement.

C'est dans cette même logique que Netanyahu s'empressait de dire au monde entier que Rouhani "montrait son vrai visage" lorsque ses propos sur l'occupation des territoires palestiniens avaient à tort été interprétés: "Israël est une blessure qui doit être extirpée".

C'est toujours dans cette même logique que Netanyahu présente Rouhani -pourtant élu avec 51,7% des voix pour son programme de modération et d'engagement avec l'Occident comme "un mouton dans des vêtements de loup", et persiste en martelant que "nous sommes en 1938 et l'Iran est l'Allemagne".

L'accord de Genève marque un nouveau froid entre Obama et Netanyahu. Le président américain a eu le courage politique de s'engager personnellement afin de garantir le succès de la diplomatie et écarter le risque d'une confrontation militaire (notamment par son coup de téléphone historique à Rouhani et son lobbying pour que le Sénat américain n'approuve pas les nouvelles sanctions votées cet été par la Chambre des Représentants qui saboteraient le processus diplomatique).

Obama a assuré à juste titre que l'accord garantit la sécurité du peuple israélien. Il devient cependant politiquement difficile pour Netanyahu de maintenir sa coalition en s'alignant sur la diplomatie prônée par un Obama peu populaire en Israël. La dernière carte que joue Netanyahu est celle que condamne l'ancien premier ministre Ehoud Olmert, à savoir la confrontation avec le gouvernement américain et l'espoir que le Congrès américain, bientôt en campagne pour les législatives de 2014, adopte les nouvelles sanctions qui feraient capoter l'accord de Genève.

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