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9 choses à savoir sur Hassan Rouhani, le nouveau président iranien

Il ne faut pas penser que les choses vont changer du jour au lendemain. Cependant, le résultat de l'élection présidentielle iranienne est sans appel et il sera difficile pour les conservateurs de s'opposer à la demande populaire.
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Premièrement, laissons le temps aux Iraniens d'apprécier cette belle victoire au premier tour (50,68% pour une participation de 72,7%). Les commentaires et communiqués de certains pays occidentaux ont été en déconnexion avec la joie du peuple iranien. En effet, seulement quelques heures après la victoire de Rouhani, nombreux sont les gouvernements qui attaquaient directement le sujet du nucléaire dans leurs quelques lignes de communiqué. Les Iraniens sortent d'une élection, Rouhani a gagné: félicitations!

Politique interne

Deuxièmement, c'est par le vote que les Iraniens s'expriment. Le Mouvement Vert né en 2009 a fait preuve d'une patience et d'une intelligence remarquable. C'est la preuve que les Iraniens veulent du changement par une évolution, et non par une révolution. Les cyniques qui disaient il y a encore quelques jours que cela ne servait à rien de voter en Iran ont définitivement tort. La patience a payé, les Iraniens réfléchissent en termes de coût et bénéfices et ne veulent pas de cette idée propre à l'Occident, à savoir un changement brutal de régime. Dans le contexte régional actuel, personne ne serait gagnant tant la déstabilisation et les risques de désintégration de l'État seraient importants.

Troisièmement, comme dans beaucoup de pays de nos jours, l'économie est ce qui compte pour les Iraniens. Cette élection est un nouveau souffle et un nouvel espoir pour des Iraniens qui ont vu leur niveau de vie à la baisse durant la présidence d'Ahmadinejad (qui commence déjà à être poursuivi en justice par le Parlement (Majles) pour sa gestion économique qui sort de la loi iranienne). L'annonce de la victoire de Rouhani a montré des signes positifs. La bourse iranienne est à la hausse, la valeur de la monnaie iranienne a pris 5 à 6 % face au dollar quelques heures après l'annonce de la victoire. Un président modéré va encourager l'investissement, la signature de contrat de gaz et autres, le retour de devises comme le dollar ou l'euro... bref, cela va prendre du temps, mais les perspectives de croissance sont moins sombres pour une population qui a un potentiel énorme.

Quatrièmement, il ne faut pas penser que les choses vont changer du jour au lendemain. L'Iran, comme tout pays, a de la politique. Le Majles est conservateur, il va falloir que les différents projets (économiques, sociaux, sur l'université, le droit des femmes, etc.) soient votés. Cependant, le résultat de l'élection est sans appel et il sera difficile pour les conservateurs de s'opposer à la demande populaire. Son programme repose principalement sur le retour de la confiance et de la sérénité (chose très importante dans l'économie iranienne pour le retour des investissements et des contrats).

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Hassan Rohani remporte la présidentielle en Iran

Cinquièmement, il faut se débarrasser de l'idée que l'Iran est «un régime des Ayatollahs». La République islamique est devenue un pouvoir sécuritaire plus que théocratique. Rouhani s'est d'ailleurs engagé lors de la campagne à «supprimer l'atmosphère sécuritaire» du pays. C'est un grand chantier qui prendra du temps et qui passera par le compromis. Le signe encourageant est que Khamenei, les Gardiens de la Révolution et les autres candidats ont accueilli la victoire de Rouhani.

Politique étrangère

Sixièmement, Ahmadinejad était un cadeau pour les conservateurs qui veulent sans cesse imposer plus de sanctions contre l'Iran. En effet, Ahmadinejad invitait à plus de pression et à plus d'isolement de l'Iran (ses discours supprimaient tout besoin de justifier politiquement plus de sanctions). Ses diatribes ont perturbé la balance de pouvoir dans la région. Elles ont d'une part positionné la question de l'isolement de l'Iran en priorité de l'agenda des États-Unis et de l'Union européenne (au lieu de la question du Pakistan, de l'Afghanistan ou de l'Irak). D'autre part, attirer l'attention de cette manière a permis à Israël d'obtenir plus de moyens militaires et de défense. Cette victoire d'un modéré en Iran est la défaite des conservateurs israéliens désireux de consolider leur position par les tensions. En Israël, le gouvernement conservateur de Netanyahou a déjà annoncé à plusieurs reprises que le vote ne change rien et qu'il faut plus de sanctions. Quiconque s'exprimant ainsi prouve que la résolution de la question du nucléaire n'est pas une priorité et que la volonté de dialoguer n'est pas là. La priorité pour ces conservateurs est de maintenir l'Iran isolé. Le risque pour Netanyahou est un rapprochement entre l'Iran et les États-Unis (et les pays arabes du Golfe, chose annoncée par Rouhani), car cela remettrait en question l'équilibre des pouvoirs dans le Moyen-Orient, et si la question du nucléaire se calme, la question des colonies passera à nouveau au premier plan dans l'agenda de Washington.

Septièmement, les sanctions ne vont pas être levées du jour au lendemain. Les positions resteront identiques et l'Iran ne va pas renoncer à son droit à l'enrichissement. Par contre, la balle est désormais dans le camp des États-Unis (et du P5+1 - les cinq membres permanents de l'ONU (USA, Russie, Chine, France, GB) + l'Allemagne en charge des négociations). Ils auront maintenant à faire à un autre négociateur et un autre ministère des affaires étrangères plus désireux d'engager des négociations dans un esprit de compromis sérieux fondé sur le respect mutuel.

Il faut noter que la campagne électorale a montré un signe de changement notable, à savoir la critique ouverte à la télévision nationale de Velayati (conseillé en affaires étrangères de Khamenei) à l'égard de la conduite des négociations de Saïd Jalili (négociateur nommé par Khamenei lui-même). Jalili s'est retrouvé isolé par tous les candidats conservateurs, ce qui est un bon signe pour la suite des négociations puisqu'il y a un consensus de désaveux de sa ligne de négociation.

Huitièmement, le Guide suprême Ali Khamenei. Oui, c'est bien lui qui prend la décision finale concernant les affaires étrangères et le nucléaire. En revanche, si c'est bien lui qui annonce les grandes lignes, il y a plusieurs moyens de mettre en place les tactiques. Il ne faut pas croire qu'il prend la décision tout seul. Il existe beaucoup de cercles d'influence en Iran (la voix du peuple, du gouvernement, des commerçants - les bazaaris - des lobbys ou des différents organes politiques et de sécurité) et les décisions finales sur les questions internationales et le nucléaire se négocient. Il ne faut pas sous-estimer leur poids sur les décisions et orientations du pays.

Neuvièmement, la Syrie. L'élection de Rouhani a fait bouger les lignes. François Hollande vient de déclarer lors du G8 que le nouveau président iranien était le «bienvenu » pour une conférence de paix sur la Syrie. Ce changement entre la confrontation et l'escalade des tensions d'un côté, à la modération et le dialogue de l'autre est une réelle perspective positive. Il faut là aussi profiter de cette opportunité pour enfin dépolitiser les questions sensibles et trouver des compromis.

Pour conclure, je citerai Ahmad Salamatian: «La communauté internationale pourrait alors aussi se servir de l'Iran pour stabiliser la région du Moyen-Orient, en proie à de vives turbulences, en trouvant une solution qui recevrait le soutien de la majorité du peuple iranien. La classe moyenne iranienne peut être le meilleur allié géopolitique de la communauté internationale...»

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