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Qui aime bien châtie bien: ma pire nuit en tant que parent

C'est la première fois que j'évoque des choses liées à la toxicomanie de mon fils. Cet article a été difficile à écrire, et encore plus difficile à lire pour lui. Mais il m'a autorisé à le publier.
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Préface: C'est la première fois que j'évoque des choses liées à la toxicomanie de mon fils. Cet article a été difficile à écrire, et encore plus difficile à lire pour lui. Mais il m'a autorisé à le publier.

Je crois que j'ai vu mon fils une douzaine de fois dans les quatre derniers mois qui ont précédé son 18e anniversaire. Il partait tôt le matin et rentrait tard le soir. Quand nous nous croisions, il avait le regard vitreux, tout son corps me criait d'aller me faire foutre, il s'enfermait dans sa chambre et montait le son. Je savais qu'il se droguait, et j'étais totalement désemparée. Ce que je redoutais par dessus tout, c'était d'aller lui parler. Il me mentait, il me frappait, il m'engueulait, il me racontait d'autres bobards, il s'excusait, et puis il me couvrait de reproches. Les toxicomanes sont les rois du mensonge. Où était passé mon fils? Comment avait-il pu tomber là-dedans? J'avais aidé des milliers de jeunes à s'en sortir en les éduquant et en les conseillant. Alors pourquoi étais-je incapable de secourir mon propre fils?

Je vivais dans la peur de recevoir un coup de fil. Celui que redoutent tous les parents d'un enfant toxico, celui qui leur annonce qu'il est mort, ou en prison. Et je l'ai reçu. Il s'était fait arrêter. Les flics l'avaient trouvé dans sa voiture, inconscient, à un feu rouge et ils n'avaient pas réussi à le réveiller. Ils avaient dû briser la vitre pour le faire sortir du véhicule. Je sentais l'angoisse et la crainte m'envahir. Heureusement, il n'était pas blessé, mais il était complètement défoncé! Ils l'avaient arrêté sur-le-champ et incarcéré. Ma seule réaction après ce coup de fil, c'était le soulagement de me dire qu'il n'avait tué personne.

Mais ce n'était pas la pire des nuits.

Quand ils l'ont remis en liberté provisoire, son comportement et son addiction ont empiré. Une nuit, je suis allée dans sa chambre. Il était là, totalement inerte, la lumière allumée et la musique à fond. Mon cœur s'est emballé, je n'arrivais pas à respirer, je me suis précipitée vers son lit. Je n'arrivais pas à le réveiller. J'ai crié, je l'ai poussé, je l'ai secoué, sans m'arrêter de hurler son prénom. Il respirait, mais à peine. Juste au moment où je m'apprêtais à courir appeler les urgences, il a ouvert les yeux. J'ai hurlé: "Qu'est-ce que tu as pris? Dis-moi ce qui t'a mis dans cet état!" Et il me l'a dit.

Mais ce n'était pas la pire des nuits.

Quelques jours plus tard, il a eu 18 ans. Depuis quatre mois, j'allais voir des spécialistes de l'addiction, des amis qui avaient vécu la même chose, des gens en cure de désintoxication, des conseillers, et à peu près tous ceux qui voulaient bien m'écouter. On me répétait souvent: "Rien ne changera tant qu'il n'aura pas touché le fond." J'étais vraiment reconnaissante pour tous les conseils qu'on me prodiguait et pour le soutien qu'on me témoignait, mais j'étais encore dans tous mes états, j'avais toujours le ventre noué, folle d'angoisse, insomniaque, et perdue.

Et puis quelque chose m'est arrivé, une épiphanie qui m'a laissée bouche bée. JE NE PEUX PLUS VIVRE COMME ÇA. À cet instant-là, toutes les émotions que je retenais se sont métamorphosées en un torrent de colère dirigée contre mon fils. FAIS-TOI DU MAL SI TU VEUX, MAIS JE REFUSE DE SOUFFRIR DAVANTAGE! Fais-toi soigner, ou vas-t-en! Fini, les négociations, les mensonges, les menaces en l'air, les accords, fini d'attendre qu'il meure chez moi! Je lui ai posé un ultimatum: une cure de désintox, ou bien tu prends tes affaires et tu t'en vas!

Il s'est tout de suite rendu compte que j'étais sérieuse. Pas seulement au son de ma voix, mais dans la fermeté qui transparaissait de chaque cellule de mon corps. Mes yeux jetaient des éclairs. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça l'a scié. J'ai vu qu'il était mort de trouille. Mais il était accro, et sa peur s'est muée en colère. Il a pris un sac à dos, sans une thune et il est parti en criant: "Tu n'arrêtes pas de m'embrouiller!" Je l'ai suppliée de changer d'avis mais il ne s'est pas retourné.

Mais ce n'était pas la pire des nuits.

Il était parti. Un jour, quatre jours, une semaine. Je ne savais pas où il pouvait être, s'il reviendrait pour se faire soigner. Je ne savais pas s'il était toujours en vie. Je n'arrivais plus à manger, à dormir, ou à parler aux gens. Je suis partie à sa recherche, mais sans succès. Ca me prenait tout mon temps, et plus ça durait, plus ça me rendait malade. Le dixième soir, vers minuit, on a frappé à ma porte.

La pire des nuits, c'est celle-là.

"Maman, laisse-moi entrer. Maman, ouvre la porte." J'étais morte de peur, mon cœur battait si fort que j'avais l'impression que ma poitrine tremblait. J'ai entrouvert la porte. Devant moi se tenait mon fils. Crasseux, squelettique, très pâle, avec de larges cernes. "Maman, je sais pas où dormir. J'ai froid et j'ai faim. S'il te plaît. " Mon cœur s'est brisé quand je lui ai répondu: "Tu n'habites plus ici. Tu as fait ton choix il y a dix jours. Maintenant, vas-t-en." Je refusais de laisser entrer mon fils dans notre propre maison! Comment une mère peut-elle faire ça? Comment une mère peut-elle chasser son fils débraillé et apeuré?

Tout ce que je sais, c'est que je l'ai fait. Vous pouvez penser ce que vous voulez, mais je savais que je devais être horrible si je voulais sauver mon fils. Ça allait à l'encontre de mon instinct maternel. Et s'il repartait? Le risque était intenable. Plus il restait là, immobile, dans un silence atroce, plus j'avais peur. Et puis il a murmuré: " Je vais me faire soigner." Avant de m'effondrer, j'ai ouvert la porte et il est entré dans le reste de sa superbe vie.

Quelqu'un m'a dit un jour que les enfants sont très attachés à leur chez eux. Ils finissent par rentrer, mais vous passerez peut-être un sale moment à les attendre.

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