Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le pourquoi de la nationalisation des infrastructures numériques

L'État pourrait aussi se contenter de financer ces infrastructures et laisser les entreprises privées en profiter pour continuer de se graisser la patte indûment au détriment de la collectivité, comme ils le font déjà.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Que ce soit au niveau provincial ou national, il serait à mon point de vue judicieux et très rentable pour la société et l'économie, de doter notre territoire d'infrastructures numériques à tout le moins décentes, et idéalement à la fine pointe de ce qui se fait le mieux sur la planète.

L'idée n'est pas saugrenue. Elle a ses mérites.

L'État pourrait aussi se contenter de financer ces infrastructures et laisser les entreprises privées en profiter pour continuer de se graisser la patte indûment au détriment de la collectivité, comme ils le font déjà depuis tant d'années. Plusieurs corollaires à cette idée de nationalisation des infrastructures numériques existent déjà. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à relire mon billet La corrélation entre l'électricité et le numérique pour le développement économique du Québec de demain.

Mais pourquoi le gouvernement devrait-il investir dans de telles infrastructures?

Le raisonnement valorisant les investissements gouvernementaux dans les infrastructures de télécommunications pour le bien public se divise en quatre arguments principaux.

1. Remplir la mission de l'État : Cet argument est déjà utilisé afin de justifier les investissements en R&D (recherche et développement) dans les secteurs des systèmes de communications avancés aux fins de défense, d'aérospatiale et de sécurité nationale. Nous pourrions aussi argumenter que cette mission de l'État (et les bénéfices d'investissements en télécommunications) devrait aussi inclure l'éducation, l'amélioration des opérations gouvernementales locales et toutes les autres activités reliées aux différents services publics de l'État, même si ce n'est pas directement le gouvernement qui en est maître d'œuvre.

2. Équilibrer le sous-investissement privé en R&D : L'innovation et les nouvelles connaissances sont un bien public dispendieux à acquérir, mais généralement peu coûteux à répliquer. Conséquemment, elles génèrent un retour de capital social beaucoup plus élevé que le retour sur investissement («social returns much higher than private returns»). Les individus et les entreprises investiront donc toujours moins en R&D qu'il ne le faut pour obtenir ces rendements sociétaux optimaux. Cet argument justifie donc un financement gouvernemental, fort particulièrement pour les secteurs de la recherche fondamentale, mais aussi pour les technologies dites «préemptives» et les prototypes avancés de réseautique avancée. C'est d'ailleurs la justification qui est déjà derrière les crédits d'impôt à la recherche.

3. Corriger les failles du libre marché : Au-delà du financement en R&D, le libre marché peut faillir à la tâche de remplir la mission d'investissements optimaux en télécommunications pour des raisons telles que:

a. L'économie d'échelle et de gamme qui caractérise les investissements en services publics, que ce soit pour les autoroutes, la distribution de l'électricité ou les infrastructures de communication. La tendance existante de la numérisation des communications (qu'elles soient voix, données ou images) renforce l'économie de gamme. C'est l'un des argumentaires principaux derrière la logique réglementaire des services de télécommunications (lire ici le CRTC).

b. Les externalités de réseaux qui sont plus spécifiques aux télécommunications, puisque la valeur d'un réseau augmente à chaque usager qui s'y abonne.

c. L'incertitude de la demande pour de nouveaux services peut inciter les entreprises de télécommunications et les autres fournisseurs numériques à sous-investir dans de tels services. Cet argument valorise donc l'agrégation de la demande consommateur par le gouvernement, ou encore de financer les coûts qui y sont associés afin de stimuler le marché.

d. Le manque d'information des consommateurs qui les décourage d'utiliser et d'acheter certains services de télécommunications. Cet argument est souvent utilisé afin de justifier les subsides gouvernementaux aux organisations paragouvernementales, aux PME et aux citoyens

e. Et finalement, le coût élevé de transactions aux usagers, qui est souvent relié au manque d'information. Et j'ajouterai ici que ce coût, particulièrement chez nous, est associé au manque flagrant de compétitivité du marché des télécommunications, qui est concentré chez quelques oligarques qui font la pluie et le beau temps à des prix indécents et pour un service minimal, en particulier en région.

4. Assurer un prix et un accès équitable partout sur le territoire : L'un des objectifs fondamentaux de tout gouvernement est de s'assurer que chaque citoyen a un accès juste et équitable pour accéder à une infrastructure essentielle. La numérisation des télécommunications fait apparaître et exacerbe le fossé entre les villes et les campagnes, entre les riches et les pauvres, et entre les centres et les régions.

En 2009, l'Australie investissait 43 milliards dans ses infrastructures numériques. Ici, on préfère investir 1,3 milliard dans Bombardier...

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

38: Canada

Les vitesses de téléchargement par pays

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.