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Tous les hommes ne sont pas des violeurs, mais plusieurs sont des salauds inconscients

Je crois que les violents, les violeurs, les meurtriers, les sexistes, les racistes et les homophobes sont avant tout des êtres malades et inconscients. On se doit de toute évidence de protéger et de défendre les victimes. Mais comme société, on se devrait certainement aussi de s'intéresser aux maux du mâle.
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Il existe des synchronicités troublantes dans la vie. Depuis quelques mois, je travaille sur une revue de la littérature « cyberagression sexuelle » pour les CALACS francophones d'Ottawa et depuis deux semaines, c'est le hashtag #AgressionNonDénoncée qui fait la manchette. Je suis aussi aux prises avec des dossiers criminels en cours dont je suis la victime. Quel mois de novembre!

J'ai déjà été un homme. J'étais très viril. Trop même. Je luttais désespérément contre moi-même et j'en faisais trop. Je me souviens de mon adolescence. J'ai en mémoire ces nombreuses blagues machos et misogynes qui venaient avec l'époque, et sans doute ma personnalité. Souvent, on est sexiste, raciste, homophobe, sans se savoir l'être et sans le réaliser. Si jamais quelqu'un nous le faisait remarquer, c'est avec la plus vive fougue qu'on protestera (lisez le dernier Foglia pour vous en convaincre) C'est vrai pour les inconscients. Pour les conscients eux, ils en seront fiers et admettront volontiers être sexiste, raciste ou homophobe.

Je me souviens de Saïd, mon pote marocain avec qui j'ai fait de très nombreux travaux universitaires, que j'avais invité dans ma famille à Noël et qui m'impressionnait par l'imposante mosaïque de citations de philosophe qui garnissait les murs de sa chambre d'étudiant. Un jour je lui dis: «Saïd, t'es vraiment un crisse de bon gars pour un Marocain». Ce n'est que quelques années plus tard, alors que je me trouvais à vivre à Vancouver et qu'un coloc anglophone me dit «You're such a good guy for a Quebecer» que j'ai enfin réalisé le racisme inconscient que j'avais en moi-même. Ça m'a ouvert les yeux... et le cœur. Saïd étant justement une si bonne personne, ne m'en parla jamais. Mais je comprenais maintenant ce qu'était «être l'autre». Ce que ça faisait de se faire dire «parmi toute ta gang, toi je te trouve correct» en sous-entendant inconsciemment que le reste de la gang ne valait pas cher.

Je me souviens aussi de cette blague, que je répétais à qui mieux mieux et que je trouvais très philosophique.

- Si une femme dit non, ça veut dire peut-être, si elle dit peut-être, ça veut dire oui, mais si elle dit oui, méfie-toi en.

Ne dit-on pas d'ailleurs que la vente commence lorsque le client dit non?

Aujourd'hui, avec le recul et ayant traversé le miroir, je ne la trouve vraiment plus drôle. Comme pour mon copain Saïd, je me rends maintenant compte de mon sexisme inconscient. Je me rends aussi compte de mon homophobie inconsciente et de comment moi-même, dans mon insécurité de faux viril, je faisais des blagues de fif.

J'ai aussi été durant des années dans des groupes d'hommes, mouvement initié à l'époque par Guy Corneau. J'en ai entendu des histoires d'hommes. J'en ai vu pleurer des mecs. Des vrais. Mais je sais aussi qu'une fois la porte des meetings traversée, ils redevenaient ces façades de virilité sans émotion.

Je me souviens aussi de mes cours d'anthropologie et de l'importance des rites de passage pour les hommes en particulier. C'était le moment durant lequel un enfant devenait un homme (ou pas et dans certaines cultures, de ne pas devenir un homme et d'être dans le 3e sexe ce n'était vraiment pas un drame). Les femmes elles, au contraire, savent être des femmes dans leur corps même. Elles ont d'abord des menstruations et chaque mois de leur vie, elles auront cette horloge biologique qui leur rappellera inéluctablement qu'elles sont des femmes. Les hommes n'ont rien de ça. Ils ne seront hommes que dans les yeux des autres, au moment d'un rite de passage structuré socialement, ou dans des rites de passage qu'ils s'inventeront (comme les gangs de rues par exemple). Puis ils passeront leur vie à se questionner sur leur propre mâlitude.

Parmi les nombreux rites de passage des sociétés dites primitives, il y a de toute évidence ceux de la vie et de la mort. Les femmes s'occupent de la naissance, et ce sont très généralement les hommes qui s'occupent de la mort.

Ce sont aussi les hommes qui garnissent très majoritairement nos prisons et nos asiles et nos morgues, une fois qu'ils se sont suicidés. Il y a très certainement un profond malaise masculin. Nous avons un ministère de la condition féminine, mais il serait peut-être judicieux d'en avoir maintenant un pour la condition masculine.

Je crois que les violents, les violeurs, les meurtriers, les sexistes, les racistes et les homophobes, sont avant tout des êtres malades et inconscients. Leurs victimes sont extrêmement nombreuses. On se doit de toute évidence de protéger et de défendre les victimes. Mais comme société, on se devrait certainement aussi de s'intéresser aux maux du mâle.

Pour en ajouter une couche, le fascinant article Ce qu'un shaman voit dans un hôpital psychiatrique.

Un des cadeaux qu'un shaman peut apporter au monde occidental est d'aider les gens à redécouvrir les rituels, une chose qui est tristement absente dans l'occident. « L'abandon du rituel peut être dévastateur. Du point de vue spirituel, le rituel est inévitable et nécessaire si l'on veut vivre », le Dr Somé écrit dans son livre Ritual: Power, Healing, and Community (des rituels communautaires de guérison). « C'est un euphémisme de dire que les rituels sont nécessaires dans le monde industrialisé. Nous avons vu chez mon peuple qu'il est probablement impossible de vivre une vie saine sans les rituels ».

(...)

Un autre rituel concerne l'initiation. Dans les cultures autochtones à travers le monde, les jeunes sont initiés à l'âge adulte quand ils atteignent un certain âge. L'absence de cette initiation dans l'Occident fait partie de la crise que les gens traversent ici, dit le Dr Somé. Il encourage aussi les communautés à réunir « les idées créatives des personnes qui ont eu ce genre d'expérience dans le but d'arriver à créer une sorte de rituel alternatif qui permettrait au moins de commencer à faire une brèche dans ce genre de crise ».

Son livre Ritual: Power, Healing and Community

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