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Vive le peuple grec!

L'Europe paie d'avoir négligé les droits collectifs de ses peuples constitutifs. En montant l'escalier européen, les architectes de l'Europe ont voulu sauter des marches, et aucune marche ne leur pardonne cela.
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Le premier ministre, Aléxis Tsípras, s'exprima ainsi au sujet du peuple grec: «En ces heures cruciales, nous devons tous nous rappeler que l'Europe est la maison commune de ses peuples. Que l'Europe ne se répartit pas entre des "propriétaires" et des "invités".»

Voilà que la source du problème était identifiée. L'euro a été adopté rapidement, au pas de course, pour des raisons politiques. Il s'agissait de s'assurer le plus rapidement possible de lier entre eux encore plus les pays membres de l'Union européenne pour éviter la guerre.

Le nationalisme hégémonique

L'enthousiasme de la France et de l'Allemagne était accru du fait du rôle de leader politique que la France espérait jouer au sein de l'Union et du rôle de leader économique que l'Allemagne se savait être en mesure de jouer au sein de cette même Union.

Il y avait donc encore des visées nationalistes à caractère hégémonique (respectivement politique et économique) à l'œuvre dans cette décision de s'engager rapidement dans une union monétaire.

Mais pour qu'une union monétaire puisse fonctionner adéquatement, il faut que les disparités économiques entre les peuples soient au moins en grande partie résorbées, car la politique monétaire, toujours ajustée à l'économie la plus importante, risque de nuire considérablement à l'économie des peuples les plus pauvres. Cela se produit notamment lorsque, pour résorber l'inflation en Allemagne, les taux d'intérêt sont élevés. Cela nuit aux économies les plus pauvres qui souhaitent de leur côté favoriser la relance de leur économie. Les entreprises, les gouvernements et les particuliers, au sein de ces pays, seront moins enclins à faire des emprunts, ou s'endetteront encore plus, à cause de ces taux d'intérêt élevés.

En outre, la force de l'euro, ajustée à l'économie allemande, risque de nuire aux économies plus pauvres, davantage tournées vers l'exportation ou le tourisme.

Pour ces raisons, il fallait s'assurer de lisser au maximum les différences économiques entre les peuples avant de réaliser l'union monétaire. Cette dernière doit être le point culminant de l'union économique, une fois le lissage accompli. Il eut fallu adopter un principe de différence internationale d'inspiration rawslienne à l'échelle des peuples européens avant de s'engager dans l'Union européenne.

Autrement dit, il eut fallu n'accepter de différences entre les peuples que si ces mêmes différences étaient à l'avantage des peuples les plus démunis. Il eut fallu favoriser au maximum la diversification de l'économie européenne et stimuler au maximum le développement économique au sein des diverses économies nationales. La solidarité entre les peuples ne doit pas être le résultat de l'union monétaire. Elle doit la précéder. Si l'appui à des pays comme la Grèce est refusé, la solidarité est alors déficiente et cela démontre que la solidarité européenne à l'égard de ses peuples constitutifs est un leurre et que la construction européenne répond surtout à des impératifs politiques ou économiques nationalistes, en l'occurrence de type hégémonique.

La nécessaire solidarité des peuples

Bien entendu, certaines mesures furent imposées aux peuples de l'Union comme préalable à la réalisation de l'union monétaire. On imposait un plafond dans les taux d'intérêt admissibles pour chaque monnaie et aussi un plafond sur les déficits autorisés. Et pourtant, les maîtres d'oeuvre de l'union, l'Allemagne et la France, dérogèrent allègrement eux-mêmes à ces règles.

L'Allemagne n'hésita pas à hausser ses taux d'intérêt au-delà du plafond fixé pour financer le projet nationaliste de la réunification des deux Allemagnes et la France dépassa souvent le déficit de 3% du PIB pour se porter à la défense de son économie nationale.

C'est un peu comme si ces deux pays disaient «oui à la construction européenne, en autant que cela s'accorde avec nos intérêts nationaux». Et quand les autres pays d'Europe réagissent de la même façon, la France et, surtout, l'Allemagne, s'empressent de leur faire la leçon, ce qui prouve bien que la solidarité entre les peuples européens n'est pas au rendez-vous.

Les droits collectifs des peuples européens

L'union monétaire s'est faite dans l'indifférence la plus absolue à l'égard des droits collectifs des peuples. Tout cela s'est fait dans l'indifférence à l'égard du droit à l'autodétermination des peuples et de leur droit au développement égal.

Pour intégrer davantage les économies nationales, il fallait s'assurer de reconnaître la valeur de la diversité de ces économies nationales et l'importance de leur développement respectif. La crispation austéritaire (austérité et autoritarisme) de l'Eurogroupe trahit le manque de solidarité entre les peuples et démontre une fois de plus que la construction européenne s'est faite dans la hâte et la précipitation, avec à la base des intérêts particuliers, quitte à heurter gravement au passage des économies nationales telles que la Grèce, l'Italie, le Portugal et l'Espagne.

L'Europe paie d'avoir négligé les droits collectifs de ses peuples constitutifs. En montant l'escalier européen, les architectes de l'Europe ont voulu sauter des marches, et aucune marche ne leur pardonne cela.

Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain

C'est cette même négligence qui, ensuite, favorise le repli identitaire, le nationalisme conservateur et la montée des partis d'extrême droite. Quand les européanistes pointent du doigt ces types de nationalismes, ils ont sans doute raison, mais ils ne voient pas que le nationalisme hégémonique explique en partie la rapidité avec laquelle l'union monétaire a été mise en place.

Et surtout, ils ne voient pas que c'est très précisément leur négligence à l'égard d'une forme acceptable de nationalisme, à savoir le nationalisme affirmant les droits collectifs des peuples, qui provoque ces formes dégénérées de nationalisme qu'ils condamnent.

Pour corriger le tir, les constructeurs de l'Europe doivent se porter à la défense des droits collectifs des peuples et de leurs droits à la préservation et au développement égal de leurs économies nationales. Ils ne doivent donc pas, au nom de l'Union, forcer la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Portugal dans une politique d'austérité qui, comme on l'a déjà constaté, pousse ces économies dans une spirale descendante. On doit respecter la dignité des peuples.

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