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Présidentielle française: un choix entre le national populisme et l'oligarchie postnationale

Les establishments français et allemand sont responsables de la montée des extrêmes droites, du national-populisme et du repli identitaire que l'on constate partout en Europe.
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L'establishment est bien en place en France. Même si Jean-Luc Mélenchon s'était allié à Benoît Hamon, on se serait retrouvé avec un duel Emmanuel Macron-Jean-Luc Mélenchon, avec le résultat que l'on sait. Mélenchon est un véritable adversaire d'un establishment qui se satisfait de l'Euro actuel et de l'Europe actuelle. S'il ne s'est pas immédiatement rangé du côté de Macron, cela s'explique certes tout d'abord par la procédure de consultation démocratique qu'il s'est imposée, procédure qu'il défend d'une manière générale et qu'il proposait de s'imposer aussi une fois élu face au peuple de France tout entier. Il faut reconnaître toutefois que cela s'explique aussi à cause de son opposition farouche et profonde à l'establishment européen que Macron endosse en souriant et que Fillon approuve sans sourciller. Selon le point de vue des partisans de cet establishment, la crise grecque a été causée surtout par les Grecs eux-mêmes et non par la crise financière internationale, puis par la volonté de la Troïka de transférer la dette bancaire en une dette souveraine, ainsi que par l'absence de solidarité de l'État allemand qui a maintenu les salaires bas pour attirer vers lui les entreprises européennes, approfondissant ainsi l'écart entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud. Comme chacun «sait», les retards grec, portugais et italien s'expliquent d'abord et avant tout par la corruption qui caractérise ces sociétés, par leur caractère dépensier et par leur indifférence face aux enjeux de la productivité. Telle est l'explication facile que les élites européennes ont choisi de se donner.

Deux pouvoirs hégémoniques

L'establishment français est prêt à accepter l'hégémonie économique allemande pourvu que cela lui permette de se donner une certaine hégémonie politique partout sur le territoire européen. Il y a plein de politiciens, d'intellectuels et même de journalistes français (comme Jean Quatremer) prêts à jouer les Robespierre et à couper des têtes s'il le faut (étrangler l'économie grecque, priver des générations entières de jeunes Espagnols et Portugais d'un accès à l'emploi, sacrifier l'Europe sociale) pour préserver le rêve d'une Union européenne. Mélenchon est un pro européen (rien à voir avec le Front national) qui ne veut pas de cette Europe-là. Il est influencé par la philosophe Chantal Mouffe et promeut un «populisme de gauche», pourvu que le terme «populisme» implique ici seulement une opposition à l'establishment et qu'on le distingue de la posture démagogique qui est traditionnellement associée à cette expression.

L'establishment français est prêt à accepter l'hégémonie économique allemande pourvu que cela lui permette de se donner une certaine hégémonie politique partout sur le territoire européen.

Le populisme de gauche en Europe défend l'idée d'une Europe des peuples, au sens de Frédéric Lordon. Telle n'est pas la position de l'establishment actuel qui a préféré une gouverne oligarchique et technocratique de l'Europe, c'est-à-dire un gouvernement par l'élite qui fait fi de la démocratie des peuples au point de faire passer en catimini avec le Traité de Lisbonne le traité constitutionnel qui avait été quelques années plus tôt refusées en France par référendum. Contrairement aux populistes de droite qui carburent au national-populisme, au repli identitaire et à la peur des immigrants, les populistes de gauche auraient été favorables à une Europe sociale qui aurait affirmé la solidarité des personnes et des peuples par de véritables mesures visant à réduire les écarts entre les citoyens européens et entre les peuples européens.

Pourquoi faut-il que la gouvernance européenne soit technocratique?

On se plaint de l'Europe technocratique, mais il y a des raisons qui expliquent pourquoi l'UE a pris cette direction-là. Le nationalisme est à blâmer pour toutes les guerres européennes, d'où la nécessité de pouvoir s'en affranchir. Les deux peuples à l'origine de l'Europe (français et allemand) sont donc dirigés par des establishments qui se croient engagés dans une expérience postnationale, alors qu'ils ne sont en fait engagés que dans des expériences hégémoniques, respectivement politique et économique. Les establishments français et allemand font fi de la démocratie des peuples, de la solidarité entre les peuples et du pouvoir constituant des peuples, pourvu que cela leur permette d'asseoir leurs hégémonies respectives. Ils ont voulu passer par-dessus la tête des peuples en se donnant pour prétexte le dépassement des nationalismes. Ce faisant, ils n'ont pas aperçu le nationalisme qui est au fondement de leurs ambitions hégémoniques.

Des enjeux qui perdurent

Les establishments français et allemand sont responsables de la montée des extrêmes droites, du national-populisme et du repli identitaire que l'on constate partout en Europe. Les élites de l'establishment européen ont été tellement éblouies par l'Europe des Lumières, qu'ils se sont de plus en plus coupés des peuples européens desquels ils tiraient pourtant toute leur légitimité. La gauche européenne ne doit pas laisser à l'extrême droite le monopole de la question nationale, des préoccupations identitaires et de l'Europe des peuples. Pour croire à l'Europe et être généreux face à l'immigration et aux réfugiés, les citoyens européens doivent avoir la certitude que l'Europe qui se construit est celle de la liberté des peuples, de la fraternité des peuples et de la solidarité entre les peuples.

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