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De la légalité et de la légitimité de la sécession du Québec

Le Gouvernement fédéral vient d'ouvrir avec Keith Henderson une chicane constitutionnelle sur ces deux fronts, lui qui exhortait sans cesse le Québec de ne pas recommencer les vieilles chicanes. Je traite de la première question cette semaine et je traiterai de l'autre la semaine prochaine.
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La loi 99 adoptée par l'Assemblée nationale du Québec en réponse à la loi sur la clarté de Stéphane Dion affirme (1) que le peuple du Québec est le seul maître de son destin et (2) qu'un référendum se gagne avec 50 % des votes plus une voix. Or, le gouvernement fédéral vient d'ouvrir avec Keith Henderson une chicane constitutionnelle sur ces deux fronts, lui qui exhortait sans cesse le Québec de ne pas recommencer les vieilles chicanes. Je traite de la première question cette semaine et je traiterai de l'autre la semaine prochaine.

Cette idée que le Québec est le seul maître de son destin a d'une certaine façon déjà été entérinée par la Cour suprême dans le renvoi sur la sécession du Québec au mois d'août 1998. La Cour affirme que si le Québec initie un processus de négociation sur la sécession suite à un référendum portant sur une question claire et que le résultat du référendum est une majorité claire, l'État fédéral canadien aura l'obligation de négocier le processus d'accession du Québec à la souveraineté politique. Dès lors que le Québec accepte de négocier, et donc ne déclare pas unilatéralement sa souveraineté, il aurait le droit de poursuivre l'objectif d'accession à l'indépendance. Voilà donc comment la Cour reconnaît que le Québec est maître de son destin à l'intérieur de l'ordre constitutionnel canadien.

Bien sûr, il reste des zones d'ombre. La Cour ne se prononce pas encore sur la formule d'amendement particulière qui devrait être adoptée advenant de telles négociations. Elle pourrait par exemple décider que l'accession du Québec requiert le consentement de toutes les provinces. Elle avance en outre que le processus, pour être légal, devrait aller de pair avec le respect à l'égard de deux majorités : celle de Québec et celle du reste du Canada. Mais elle ne se prononce pas sur les exigences requises pour respecter la démocratie dans le reste du Canada. Ce respect exige-t-il de tenir compte des référendums que certaines provinces ont promis de tenir pour entériner tout changement constitutionnel d'importance ? La Cour ne le dit pas. Quoi qu'il en soit, il demeure parfaitement correct de prétendre que dans l'état actuel des choses, la Cour a décrit un processus légal de sécession amorcé à l'intérieur du Canada.

Il existe toutefois une autre étape cruciale pour assurer la légalité du processus. Il faudrait que la négociation aboutisse à une sécession négociée. Or, la probabilité que les négociations aboutissent plutôt à un échec est très élevée, auquel cas le Québec serait enclin à déclarer unilatéralement sa souveraineté, c'est-à-dire cette fois-ci, sans l'accord de l'autre partie. Le processus serait-il alors illégal ? Pour justifier sa réponse négative, la Cour compare la situation au cas du squatter. Le fait qu'après un certain temps, il soit possible de lui accorder le droit d'occuper des locaux qui ne lui appartiennent pas au départ ne change rien au fait que l'occupation des locaux est au départ illégale.

L'analogie avec le squatter est toutefois quelque peu boiteuse. Car au moment où la déclaration de souveraineté survient, le processus est aussitôt pris en charge par le droit international. Dans le cas d'une déclaration unilatérale de sécession faisant suite à l'échec des négociations, on ne peut donc plus s'en tenir seulement au droit interne canadien pour juger de la légalité du processus.

De l'avis de la Cour elle-même, la réussite du processus de sécession dépendrait alors de l'évaluation faite par la communauté internationale. Ainsi, même si la déclaration de souveraineté peut encore paraître illégale du point de vue du droit interne canadien, elle pourrait être en voie de devenir légale du point de vue du droit international, selon l'évaluation qui serait faite par la communauté internationale. Celle-ci soupèsera la légalité juridique interne du Canada et la légitimité de la démarche sécessionniste québécoise.

Si le Québec exerce dans les faits le contrôle sur son territoire et que la communauté internationale reconnaît le nouveau pays, le droit international constatera la souveraineté du nouvel État et cet État deviendra alors légalement souverain. Ce processus de reconnaissance peut prendre un certain temps, mais il n'en demeure pas moins que le droit international entre en scène tout de suite après la déclaration de souveraineté.

Bien sûr, là encore, il reste des zones d'ombres. Comment le Québec pourra-t-il obtenir la reconnaissance de la communauté internationale ? Il se pourrait que celle-ci soit amenée à souscrire de plus en plus à une conception de la sécession fondée sur la juste cause. Elle pourrait en ce sens être encline à reconnaître un nouveau pays si le peuple sécessionniste est colonisé ou opprimé, ou encore si son droit à l'autodétermination interne est bafoué.

Sur ce dernier point, la Cour suprême adopte dans le Renvoi une définition extraordinairement restrictive de l'autodétermination interne fondée sur la représentation politique au sein des instances gouvernementales. Il suffit que les élus en poste au gouvernement fédéral soient des personnes issues du peuple minoritaire pour être en mesure de dire que le peuple exerce son droit à l'autodétermination interne. Mais nous savons à quel point ces personnes peuvent avoir été élues avec la promesse de «remettre le Québec à sa place ».

La communauté internationale pourrait donc être amenée à juger que le Québec doit, en plus d'être représenté dans les institutions fédérales et d'avoir un gouvernement autonome, être capable de déterminer son statut politique à l'intérieur de la fédération. Or, sur ces derniers points, l'envahissement des compétences québécoises en matière de culture, d'éducation et de santé, l'imposition d'une nouvelle constitution, le refus de corriger le tir avec l'Accord du lac Meech et l'Entente-cadre sur l'union sociale pourraient, à l'encontre de l'opinion exprimée par les juges, inciter la communauté internationale à juger que l'ordre constitutionnel canadien est en fait un véritable «carcan» juridique. Elle pourrait aussi estimer que la formule d'amendement, la loi sur la clarté et l'actuelle contestation de la loi 99 sont des stratagèmes visant à mettre le Québec dans une camisole de force constitutionnelle.

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