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La nation catalane et le droit à l’autodétermination (III)

Aucune clause légale ne peut servir à cautionner un comportement politiquement autoritaire qui fait la sourde oreille aux droits minoritaires!
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Pour justifier le silence des États face au chaos engendré par Madrid, certains se réfugient dans un légalisme étroit de façade qui révèle leur antinationalisme primaire ainsi que leur complicité profonde avec le statu quo constitutionnel.
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Pour justifier le silence des États face au chaos engendré par Madrid, certains se réfugient dans un légalisme étroit de façade qui révèle leur antinationalisme primaire ainsi que leur complicité profonde avec le statu quo constitutionnel.

Une réaction internationale navrante

Que dire cependant actuel du silence des États voisins? On comprend qu'ils ne doivent pas s'immiscer dans le débat portant sur la souveraineté de la Catalogne, mais peuvent-ils rester indifférents face au déni de démocratie du dimanche 1 octobre? Que dire en particulier d'Emmanuel Macron? Il affirmait avec emphase: «Mais, je vous le dis avec beaucoup de force en cet après-midi, nous avons tourné la page d'une forme de construction européenne. Les pères fondateurs ont construit l'Europe à l'abri des peuples, parce qu'ils étaient une avant-garde éclairée, parce qu'on pouvait peut-être le faire, et ils ont avancé prouvant ensuite que cela fonctionnait. Ils jouissaient peut-être d'une confiance dont les gouvernants n'ont plus l'exclusive, c'est ainsi. Ils vivaient dans d'autres temps où les moyens de communication n'étaient pas les mêmes. Cette page s'est fracassée sur le doute démocratique européen, celui que les « non » aux référendums français et néerlandais nous ont fait vivre. Et je pense que nous n'avons pas eu raison de faire avancer l'Europe malgré les peuples. Il y a eu un moment où on a pensé qu'on devait, en quelque sorte, bousculer nos démocraties en faisant avancer l'Europe malgré tout. C'était une erreur».

Puis du même souffle, il appuie Mariano Rajoy sans aucunement faire référence à la violence policière qui avait précisément pour but de nier l'expression démocratique du peuple catalan. En effet, que fait Rajoy sinon défendre les institutions espagnoles sans tenir compte des peuples qui composent ces institutions ? Nous ne sommes pas au même étage que celui de la construction européenne, mais ce sont les mêmes principes, bafoués par Rajoy à l'interne, que Macron défend pour l'Europe entière.

Le nationalisme de plusieurs intellectuels et politiciens français est traditionnel, car ils font la promotion d'une nation unitaire et assimilatrice qui nie la diversité nationale et linguistique qui la compose.

Je suis toujours étonné de constater à quel point la dénonciation par plusieurs intellectuels et politiciens français des «régionalismes», de leur «égoïsme», de leur «caractère réactionnaire», de leur «caractère ringard» et de « leur repli sur soi » est en fait l'expression la plus éclatante qui soit de la défense de l'État-nation unitaire français, et donc non seulement d'un nationalisme traditionnel, mais aussi d'un nationalisme problématique. En effet, le nationalisme de plusieurs intellectuels et politiciens français est traditionnel, car ils font la promotion d'une nation unitaire et assimilatrice qui nie la diversité nationale et linguistique qui la compose. Et leur nationalisme est problématique, parce qu'il ne s'exprime pas à visière levée. Leur nationalisme se cache derrière une dénonciation du nationalisme: celui des autres.

L'inclusion dans l'Union européenne

Je soulève à l'occasion du cas catalan un problème général qui s'applique aux autres régions d'Europe. Si les Européens craignent pour l'Europe, ils pourraient faire une exception concernant les conditions d'entrée des nouveaux États qui seraient des anciennes régions européennes. Sans en faire une norme à suivre, ils pourraient dans les faits proposer un fast track et tordre le bras de Madrid. Bien entendu, à moins que les Catalans aillent de l'avant avec leur Déclaration d'indépendance, demain n'est pas la veille où nous verrons de tels changements survenir au sein de l'Union européenne. Cela permet quand même de montrer que l'UE est l'artisan de ses propres malheurs. C'est parce que l'on menace les «régions» de ne pas les inclure après la sécession que la sécession est une menace pour l'Europe. Ce n'est pas la faute de ces régions qui ne demandent qu'à rester à l'intérieur de l'Union. Il ne faut pas se servir de l'Europe comme d'un argument contre les sécessionnistes, car les sécessionnistes catalans et écossais veulent demeurer dans l'Union européenne. Leur non-inclusion dépend de l'Union et non de ces «régions».

Que faut-il faire maintenant?

En plus de faire face à l'intransigeance de Madrid, à l'indifférence des pays européens ainsi qu'aux menaces venant de l'Union européenne, le peuple catalan ne perçoit pas ses propres impôts et sera bientôt à la merci de Madrid pour cautionner ses emprunts à l'étranger. Il n'est pas en mesure de gagner aisément la bataille du contrôle de ses frontières et n'est pas encore assuré de la loyauté d'une majorité de la population pour effectuer un changement de régime. Dans un tel contexte, même si sa cause est juste et que le Parti popular de Mariano Rajoy est en grande partie responsable de ce qui arrive, les indépendantistes catalans ont raison de suspendre la mise en application de la Déclaration de souveraineté et de tenter un retour à la table de négociation. Plus ils se montreront ouverts à la négociation et que le Parti Popular se révèlera intransigeant aux yeux de l'opinion internationale, plus le mouvement souverainiste catalan gagnera en légitimité.

Conclusion

On a violenté l'État-nation grec pour des raisons financières et on lui a imposé une austérité qui chamboule sa souveraineté politique et son développement économique. Mais face à la dérive monumentale post-franquiste de Mariano Rajoy, les regards se détournent, on ne se mêle pas des affaires internes du pays au nom du respect de la souveraineté politique de l'État espagnol, comme si seule l'économie était mondialisée alors que la démocratie, elle, pouvait être adaptée au goût de chaque État. Pour justifier le silence des États face au chaos engendré par Madrid, certains se réfugient dans un légalisme étroit de façade qui révèle leur antinationalisme primaire ainsi que leur complicité profonde avec le statu quo constitutionnel.

Que les grands pharisiens légalistes, sûrs de leur fait, qui se drapent dans les clauses constitutionnelles abstraites pour protéger le gouvernement autoritaire de Madrid ouvrent donc une fois pour toutes leurs coeurs, leurs yeux et leurs oreilles pour entendre les réclamations légitimes du peuple catalan. Aucune clause légale ne peut servir à cautionner un comportement politiquement autoritaire qui fait la sourde oreille aux droits minoritaires !

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