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Jian Ghomeshi et les limites du système judiciaire

Le système judiciaire n'est pas encore instruit et habilité pour tenir compte de la psychologie de comportement des victimes.
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En dépit des nombreux témoignages recueillis contre Jian Ghomeshi, celui-ci a été innocenté des accusations qui étaient portées contre lui.

Le message que cela envoie est clair: mesdames, même lorsque l'individu perd la boule, se comporte comme un sadique, vous violente, le fait sans consentement et le fait systématiquement à de très nombreuses femmes, il vous sera très difficile, malgré de nombreux témoignages qui corroborent le vôtre, de gagner votre cause si l'individu est connu, a de l'argent et se paye un avocat talentueux, surtout si vous avez des oublis, qu'il vous fait accepter des relations sexuelles «hard» avant et qu'il suscite malgré tout votre sympathie après vous avoir humiliée de la sorte. Car il peut s'agir d'un individu qui conserve vos courriels et qui peut s'en servir comme élément de «preuve» contre vous pour semer le doute au sein d'un jury.

Le plus choquant est que ce qui a innocenté Jian Ghomeshi, c'est justement ce qui contribue à prouver qu'il est coupable.

Nous savons tous que l'homme a eu des comportements odieux. Les témoignages des victimes (et non seulement de celles qui ont engagé des poursuites) ne laissent pas de place au doute. Mais les courriels échangés avant et après ne donnent-ils pas les motifs d'un doute raisonnable? Sans doute que oui, mais la question se retourne aussi contre l'accusé : pourquoi a-t-il soigneusement chercher à obtenir un accord préalable écrit et des sympathies ultérieures également écrites? Et pourquoi a-t-il conservé ces très vieux courriels? N'est-ce pas justement parce que lui-même se savait coupable de pratiquer ce qui pourrait être qualifié d'agression sexuelle?

Au sadisme de premier degré, il faut maintenant ajouter un sadisme de deuxième degré, ou «méta-sadisme». Il s'agit d'un sadisme déployé par un être machiavélique qui a trouvé le moyen de prendre en défaut ses proies au cas où, d'aventure, celles-ci oseraient le poursuivre en justice.

Est-ce que les plaignantes ont raté leur coup? Sans doute.

Menti, oublié, comploté? Sans doute.

Est-ce que la poursuite a été bancale? Oui.

Est-ce qu'un psychologue aurait dû être invité à témoigner pour expliquer les patterns de comportement des femmes victimes d'agressions sexuelles? Oui.

Est-ce que si j'avais été un juré dans cette affaire, j'aurais été obligé d'innocenter l'accusé? Sans doute.

Quand on se fâche et que l'on crie à l'injustice, ce n'est pas nécessairement parce que l'on croit que le juge a erré ou que l'on veut lever la présomption d'innocence, ou parce que l'on a des préjugés. C'est parce que JUSTICE N'A PAS ÉTÉ FAITE!

Le système judiciaire n'est pas encore instruit et habilité pour tenir compte de la psychologie de comportement des victimes.

Après tout, les juges ne sont pas des êtres impartiaux qui se seraient par miracle affranchis de tous les préjugés sociaux et qui seraient immunisés contre la culture du viol. Considérez, par exemple, les énoncés suivants :

«Comme on dit, toute règle est faite, comme une femme, pour être violée.» - Juge Denys Dionne.

«Les facteurs atténuants sont le fait que l'accusé n'ait pas eu de relations sexuelles normales et complètes avec la victime, c'est-à-dire des relations sexuelles vaginales, pour être plus précis, de sorte que celle-ci puisse préserver sa virginité, ce qui semble être une valeur très importante dans leurs religions respectives. On peut donc dire que, d'une certaine façon et à cet égard, l'accusé a ménagé la victime.» - Juge Raymonde Verreault, à propos d'un homme jugé coupable d'avoir sodomisé pendant plusieurs années une fillette de moins de 10 ans.

«Why didn't you just sink your bottom down into the basin so he couldn't penetrate you? (...) Why couldn't you just keep your knees together?» - Juge Robin Camp.

«We must fight against the stereotype that all sexual assault complaints are truthful» - Juge William Horkins.

Je ne cesse d'être étonné par le conservatisme qui règne parfois dans les facultés de droit. On ne semble pas comprendre que le droit peut évoluer, s'améliorer, se transformer en fonction d'une meilleure compréhension des réalités tangibles de la société.

Il y a enfin aussi ceci. Imaginez qu'une personne soit vraiment agressée sexuellement. Imaginez vous dans la peau de cette personne. Elle a vu son agresseur. Il l'a bel et bien agressée, mais la personne n'a pas de preuve, autre que son témoignage. Le violeur sera innocenté si aucune preuve n'a pu être fournie de sa culpabilité, surtout si la défense parvient à faire naître un doute raisonnable. Mais est-il coupable?

Dans le scénario considéré, oui, il l'est! Or, les huit femmes qui l'ont ouvertement accusé (combien d'autres se sont tues?) fournissent des témoignages qui se corroborent les uns les autres. Ces témoignages offrent au citoyen une sorte d'accès privilégié, semblable à la situation dans laquelle se trouverait une telle victime.

Alors, permettez-nous de sortir du cadre juridique très étroit dans lequel certains voudraient nous enfermer pour crier à l'injustice!

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Mai 2017

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