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Le nationalisme conservateur: une proie idéale pour l'idéologie néo-libérale

En se réfugiant dans un repli identitaire qui prend la France comme modèle, on ne s'ouvre pas au monde pour s'affirmer. On se referme pour se confiner dans un espace étroit qui rappelle l'errance d'un Québec prémoderne ne jurant que par l'agriculture et les curés de campagne.
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Dans sa chronique hebdomadaire («La diversité ou la tarte à la crème», Le Devoir, vendredi 13 janvier 2017), Christian Rioux compare les politiques de pluralisme culturel à l'offre diversifiée douteuse des étalages de poissons dans les supermarchés nord-américains, ainsi qu'à la multiplication des canaux de télévision. Il ne manquerait plus que la trop grande diversité de l'offre dans les tubes de pâte à dent pour compléter sa «démonstration» contre les politiques de la diversité culturelle.

Sachez qu'en France, ce n'est pas comme partout ailleurs, car les choses ne se passent pas de cette façon! Les étalages de poissons y sont réduits et la république résiste encore aux politiques de pluralisme culturel! Bien entendu, selon Rioux, quand on défend une politique de pluralisme culturel, on néglige aussi la qualité, on pratique un racisme à l'envers et on est pour les quotas dans toutes les sphères de la société. Du haut de sa chaire, le journaliste nous assène son catéchisme en reproduisant les clichés, les caricatures et les préjugés du national-populisme.

Un argument contradictoire

Rioux fait pourtant face à une contradiction évidente. Pour protéger la culture française qu'il aime tant contre les entreprises multinationales acculturées qui aplanissent tout, il faut notamment accepter des principes comme ceux qui sont contenus dans la «Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles». On n'a pas le choix. Il faut valoriser la diversité pour défendre les cultures nationales. On ne peut pas à la fois défendre la culture nationale et s'opposer aux politiques de la diversité.

Bien sûr, Rioux pourrait répondre qu'il souhaite des cultures nationales vivantes, mais fonctionnant en silo et sans diversité interne. Est-il nécessaire de préciser que cette vision des choses est totalement irréaliste? La plupart des 193 pays sont polyethniques, pluriculturels et multinationaux. En France, il y a notamment le peuple corse, la minorité basque, des langues minoritaires et une importante minorité provenant du Maghreb. Au Québec, il y a onze peuples autochtones, une minorité anglophone et une diversité issue de l'immigration ou vivant ici depuis plusieurs générations, mais s'identifiant toujours au pays d'origine et non seulement à la terre d'accueil. Rioux veut-il vraiment laminer ces différences au nom d'un idéal républicain jacobiniste conservateur? Voici alors le nœud contradictoire dans lequel il se trouve. En tant que nationaliste conservateur, Rioux veut sans doute défendre la culture nationale québécoise. Mais pour ce faire, il doit valoriser la diversité profonde au Canada. Et même si son idéal est un Québec souverain, il faut en attendant valoriser la diversité profonde au Canada.

Multiculturalisme ou interculturalisme?

Rioux en veut à la politique de multiculturalisme. Mais il y a plusieurs politiques de pluralisme culturel. Il y a le multiculturalisme qui marche bien pour le Canada anglais, puisque le Canada est un pays avec sa constitution, une langue ayant une grande attractivité socio-économique et une loi de la citoyenneté imposant la maîtrise de l'une des deux langues officielles. Le Québec n'est pas une société bénéficiant de tels traits contextuels. Il n'a pas d'État souverain, pas de constitution et pas de loi de la citoyenneté créant ensemble une force centripète compensant la force centrifuge du multiculturalisme. L'interculturalisme, par contre, est une politique de pluralisme culturel qui vante elle aussi la diversité, mais qui le fait en imposant la reconnaissance réciproque, l'obligation d'intégration linguistique et l'acceptation des règles du vivre ensemble.

Le Canada ne reconnaît que la politique de multiculturalisme? L'interculturalisme serait soumis à l'article 27 de la constitution canadienne? Il faut alors devenir souverain? Peut-être, mais en attendant la souveraineté, il faut commencer par faire approuver par la population québécoise une constitution interne dans laquelle se trouverait notamment une politique d'interculturalisme vantant la diversité interne du Québec. Puis, ensuite, on présenterait cette constitution pour imposer un amendement constitutionnel au Canada afin qu'il reconnaisse sa propre diversité interne, et notamment la Charte de la langue française ainsi que notre politique d'interculturalisme. Cette démarche est bien plus inclusive, généreuse et cohérente qu'un mouvement souverainiste frileux, conservateur et traversé par le repli identitaire.

Une proie facile

En se réfugiant dans un repli identitaire qui prend la France comme modèle, on ne s'ouvre pas au monde pour s'affirmer. On se referme pour se confiner dans un espace étroit qui rappelle l'errance d'un Québec prémoderne ne jurant que par l'agriculture et les curés de campagne.

Certains souverainistes estiment que les intellectuels de gauche qui défendent l'interculturalisme ont intégré totalement la logique néo-libérale. En réalité, c'est le contraire qui est vrai. Le nationalisme conservateur discrédite tellement le mouvement souverainiste qu'il en fait une proie facile pour l'idéologie néo-libérale.

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Mai 2017

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