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L'heure juste sur le français: doit-on se méfier des organismes de la loi 101?

Dans son premier billet sur leen 2013, mon collègue Maxime Duchesne a proposé de «faire le ménage» au Conseil supérieur de la langue française (CSLF). Selon Duchesne, on trouve parmi ses 7 membres, plusieurs conseillers ayant «des liens avec le Parti libéral». Ils auraient été nommés «pour défendre l'inaction linguistique du gouvernement Charest». Ce serait nommément le cas de Mme Sylvia Martin-Laforge...
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Dans son premier billet sur le HuffPost Québec en 2013, mon collègue Maxime Duchesne a proposé de «faire le ménage» au Conseil supérieur de la langue française (CSLF). Selon Duchesne, on trouve parmi ses 7 membres, plusieurs conseillers ayant «des liens avec le Parti libéral». Ils auraient été nommés «pour défendre l'inaction linguistique du gouvernement Charest». Ce serait nommément le cas de Mme Sylvia Martin-Laforge.

Cette conseillère étant Directrice générale du Quebec Community Groups Network (QCGN), Maxime Duchesne ne peut concevoir qu'elle siège au CSLF en toute liberté. En témoignerait, la similitude de pensée entre le QCGN et sa DG à propos des écoles passerelles, comme du choix de la langue d'enseignement pour tous au cégep.

Puisque les mandats de Mme Martin-Laforge et de la plupart des conseillers nommés en janvier 2008 viennent d'arriver à échéance, la ministre Diane De Courcy pourrait tous les remplacer. Autant profiter de l'occasion pour revenir à la loi 101 originelle (1977, art. 190) en optant pour des mandats à échéances échelonnées. Ainsi, on éviterait de faire table rase à nouveau en 2018.

L'ancien Conseil de la langue française que j'ai connu (1980-2002)

La loi 101 stipule que les membres du Conseil sont nommés «après consultation d'organismes [...] représentatifs des consommateurs, des milieux de l'éducation, des communautés culturelles, des syndicats et du patronat». N'étant pas désignés par ces organismes, les membres ne les représentent pas. Au temps où je travaillais au Conseil de la langue française (CLF), je n'ai jamais senti que les membres parlaient au nom d'une institution ou d'une association quelconque. D'ailleurs, une opinion, même unanime, n'engagerait pas l'organisme au même titre qu'un Conseil d'administration.

À l'époque du Président Jean Martucci (1985-1987), j'ai travaillé avec 3 conseillers au sein d'un comité qui a conduit à l'Avis sur les aspects démolinguistiques de l'évolution de la population du Québec (1986). Jamais je n'ai senti que ces membres parlaient au nom des organismes où ils avaient été recrutés. Par exemple, Mme Lily Tasso, journaliste, ne s'exprimait pas au nom de La Presse.

Je dois à la ténacité de quelques administrateurs, la publication de 3 études, dont 2 contre l'objection d'un conseiller. En 1989, des projections démolinguistiques concernant l'île de Montréal ne m'auraient jamais été commandées sans la volonté du Secrétaire du CLF, Robert L'Heureux. Les écoliers du Canada admissibles à recevoir leur instruction en français ou en anglais a paru en 1991 malgré les tractations d'une conseillère. Enfin, contre les objections d'un membre du «Comité du suivi», le directeur de la recherche à l'Office québécois de la langue française (OQLF) m'a commandé une critique méthodologique substantielle touchant les recensements (2008). Dans tous ces exemples, il s'agissait d'une première.

Qui trop embrasse mal étreint

Quand un petit organisme voit trop grand, au mieux il piétine, au pire il échoue. Voici deux exemples montrant bien qu'il en va beaucoup plus des administrateurs que des conseillers.

Entre décembre 1991 et février 1995, j'ai travaillé avec 3 collègues du CLF au sein du comité «Démographie-Immigration-Langue» (DIL). Comptant au départ 12 membres, dont 6 conseillers, cet ambitieux comité a tourné en rond en tentant de remplir un mandat démentiel dont le premier objectif à lui seul se lisait comme suit :

«étudier les interactions entre les immigrants, les communautés culturelles et les institutions québécoises afin de repérer les facteurs qui sont les plus capables d'assurer le succès de la politique linguistique définie selon des critères, notamment, de diffusion, d'utilisation, de connaissance, d'intégration, d'identification et de loyauté» (ibid., p. 23).

Après avoir écrit plusieurs versions d'un volumineux rapport, le comité l'a remis au Conseil qui l'a adopté avant de le «tabletter». Voilà un bel exemple d'une administration qui a occupé son monde inutilement. Aucun conseiller n'a remis en question, en plus de 4 ans, le mandat, la taille et le modus operandi du comité.

En 1997, le CLF a été chargé de la mise en œuvre d'un «indice de langue d'usage public» (ILUP). Contrairement au comité DIL, ce mandat était au moins accompagné d'importantes ressources, notamment du financement d'une vaste enquête (échantillon de 14 206 personnes). Au fur et à mesure de l'avancement des travaux, des collègues chercheurs et moi-même avons fait part à notre employeur de nos inquiétudes d'ordre conceptuel et méthodologique. En vainc. Rendu public en août 1999, l'ILUP s'est avéré une monumentale catastrophe.

À propos de l'Office québécois de la langue française

Maxime Duchesne rappelle la tempête suscitée au début de 2008 quand l'OQLF, alors présidé par Mme France Boucher, a retardé la publication de plusieurs études. En janvier 2008, l'OQLF avait planifié le lancement de plusieurs études au milieu du mois, dont celles qui m'avaient été commandées par contrats. Mais une décision irréfragable venue de très haut a contraint l'Office à tout reporter.

Jusqu'à la parution de ces ouvrages en mars 2008, on a pesté publiquement contre la PDG de l'Office. Mais une fois ces études rendues publiques, les médias, qui les avaient tant réclamées, en ont fait peu de cas. C'est dans ce contexte que l'Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) a été fondé sous la présidence d'honneur de M. Guy Rocher.

Maxime Duchesne, comme bien d'autres, ont placé tant d'espoirs dans l'IRFA, que toute étude produite par les organismes de la loi 101 est devenue suspecte. Hélas, l'IRFA qui a toujours un site Internet, n'opère plus, faute de fonds. Dommage, car toute émulation incite la communauté scientifique au surpassement.

On ne saurait, à mon avis, présumer que tout ce qui vient des organismes de la loi 101 soit douteux en soi. D'où qu'elle vienne, toute étude doit être jugée à son mérite. Faisons la part des choses : d'une part, apprécions la qualité d'un ouvrage comme celui de Jacques Maurais publié par l'Office en 2008 ; d'autre part, inquiétons-nous avec un groupe d'anciens terminologues du même Office, de la qualité de notre Grand dictionnaire terminologique.

EN IMAGES:

La Loi 101 au Québec

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