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Recensement et manipulations politiques: une redite qui se construit au su et vu de tous

Je souhaite apporter ici un éclairage particulier sur deux situations puisées dans l'actualité politique récente qui agissent, ou auront agi de manière à stigmatiser le déroulement de l'histoire canadienne. Deux situations qui auraient pu, et pourraient encore mener à un sain déroulement si la population était instruite de son histoire.
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Je souhaite apporter ici un éclairage particulier sur deux situations puisées dans l'actualité politique récente qui agissent, ou auront agi de manière à stigmatiser le déroulement de l'histoire canadienne. Deux situations qui auraient pu, et pourraient encore mener à un sain déroulement si la population était instruite de son histoire et des tenants et aboutissants de facteurs qui scellent à terme le destin de la nation canadienne-française ainsi que le degré de liberté espéré au sein de la démocratie canadienne.

Tergiversations autour la Constitution canadienne de 1982

Dans son livre La bataille de Londres, l'historien Frédéric Bastien témoigne n'avoir reçu que des documents censurés lorsqu'il a tenté d'obtenir les archives du Conseil privé. Cette affaire est importante, car les documents britanniques révèlent que l'ancien patron de ce ministère aurait été secrètement en contact avec le juge en chef de la Cour suprême alors que celle-ci entendait le renvoi sur le rapatriement. L'historien relate, dans une lettre à Stephen Harper publiée dans Le Devoir, qu'en 1980-1981, au moins deux des neuf juges de la Cour suprême ont violé la règle fondamentale de la séparation des pouvoirs.

Il faut comprendre que cette affaire touche le cœur de notre vie démocratique et de nos institutions politiques. La seule réaction du premier ministre aura pourtant été de laisser la Cour suprême être juge et partie, de faire comme s'il était dangereux que les citoyens sachent la vérité.

Ce développement est extrêmement préoccupant, car il met en lumière une potentielle entorse au principe de la séparation des pouvoirs, ce qui entacherait la légitimité du rapatriement de la Constitution. Mais on banalise l'affaire en tentant de la balayer sous le tapis. Aux duperies potentielles des pouvoirs politiques ayant mené au rapatriement de la Constitution de 1982, s'ajouterait un mépris de la démocratie canadienne.

On comprendra que l'accès aux documents est essentiel pour le travail des historiens, que la vérité historique ne peut se contenter de sources secondaires ou d'opinions de chroniqueurs de La Presse.

Laisser passer l'affaire pourrait signifier à terme que le gouvernement encourage des manipulations des faits historiques pour mieux faire valoir une idéologie particulière: l'aventure capitaliste du Grand Tronc, sans les conséquences pour les Premières nations et les Métis; la valorisation de la guerre de 1812-1814, mais la minimisation de la révolte de 1837-1839 pour un gouvernement responsable (partagée tant par les citoyens du bas et du haut Canada); le rapport Durham, etc.. À ce rythme, la violation des droits constitutionnels des Franco-manitobains au XIXe siècle, les lois anti-français dans les Territoire du Nord-Ouest, le combat des Métis et de Louis Riel (qui n'aura jamais été pendu par le gouvernement McDonald !), la nuit des longs couteaux ayant mené au rapatriement unilatéral... à ce rythme, rien n'aura été. Hormis ce que la majorité anglophone aura imposé en tant que version officielle de l'Histoire canadienne...

Voilà bien ce dont nous avertissent Aristote et de Tocqueville lorsqu'ils évoquent les risques de la démocratie de glisser vers une forme de despotisme...

Ainsi, nous redécouvrons toute l'importance qu'il faut attacher à l'enseignement de l'histoire chez les jeunes, une histoire qui s'appuie sur des faits, des archives et des témoignages corroborés...

La décision de limiter le recensement

On s'étonne des écarts et du manque de fiabilité statistique des résultats du recensement de 2011 pour les petites communautés et les questions linguistiques... On trouve maintenant sur le site de Statistique Canada un avis méthodologique détaillé mettant en garde contre certains résultats sur la langue obtenus dans le cadre du recensement de 2011. Des analystes de l'organisme ont multiplié les appels à la prudence dans l'interprétation des données dévoilées à la mi-avril.

Rappelons que lorsqu'on a découvert, au cours de l'été 2010, que les conservateurs abolissaient la participation obligatoire au recensement, au prétexte de protéger la vie privée des Canadiens, les utilisateurs de ces données - chercheurs, élus, groupes de pression, etc. - ont fait valoir tout ce que le Canada y perdrait en matière de renseignements et de qualité des mesures de l'évolution des données démographiques (économiques, linguistiques, etc.).

Au-delà de ces dénonciations, restées sans effets, des groupes et des individus ont porté plainte auprès du Commissaire aux langues officielles (CLO). Rappelons que le questionnaire complet du recensement de 2006 comprenait quatre questions sur les langues officielles. Après les plaintes reçues, le CLO a mené une enquête à la suite de laquelle il se déclara finalement satisfait que trois des quatre questions originelles sur la langue soient inscrites dans le questionnaire sommaire obligatoire! Plus utilement, la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) a présenté l'affaire à la Cour Suprême, laquelle statua que trois des quatre questions sur les langues officielles qui se trouvaient sur le questionnaire complet seraient ajoutées au questionnaire abrégé obligatoire. Dès lors, on savait que les résultats sur les langues officielles seraient moins précis, moins significatifs.

On s'étonne maintenant de ce qui était arrêté dès septembre 2011! La vraie nouvelle devrait être aujourd'hui que le recensement de 2011 pénalise les communautés francophones hors Québec et les langues autochtones en danger de disparition au profit de l'anglais, langue d'usage et langue maternelle de la deuxième génération des nouveaux immigrants. On a ainsi assisté à une falsification de l'évolution de la situation démolinguistique! L'assimilation des Canadiens-français sera statistiquement confirmée par le prochain recensement mené dans des conditions semblables. Il sera trop tard pour une foule de communautés francophones hors Québec, et des journalistes lents déploreront alors la chute dramatique de la proportion de la population francophone canadienne depuis 2001... Pourtant, la tendance de fond prévaut depuis longtemps, les paramètres demeurant globalement les mêmes...

Les communautés francophones des autres provinces canadiennes sont les premières à subir les conséquences de cette situation inédite. La suppression de l'obligation de répondre à toutes les questions sur les langues officielles fait que les minorités linguistiques subiront des effets sur le degré et l'étendue des services en français ou des subventions au nom de la juste place qu'ils occupent. Ce constat se répétera de multiples façons, à mesure que les nouvelles données seront utilisées; et ce en plus de camoufler la régression systémique du poids du français.

Une donne essentielle de l'immigration et du multiculturalisme canadien

Inscrit, au-delà du discours officiel, il existe une dynamique menant à l'hégémonie anglophone sur laquelle est fondée l'imposture du régime canadien.

Inexorablement, une immigration à niveau élevé, dont plus de 90 % des immigrants optent pour un transfert à l'anglais (selon Statistique Canada) marque, sous les conditions actuelles d'anglomanie et d'anglo-conformité, le mouvement irréversible de la décroissance du poids du français au Canada. Elle marque aussi une marginalisation plus prononcée encore des communautés francophones, peu à peu assimilées au statut de communauté parmi d'autres de la mosaïque des communautés culturelles nouvellement arrivées au Canada et dont la langue commune devient l'anglais. Nous assistons à la mise en œuvre délibérée d'un processus, par l'immigration anglotrope, qui gruge l'équilibre de la dualité linguistique et binationale du Canada, processus auquel participe même le ministère québécois de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) en augmentant les niveaux d'immigration sans tout faire pour recruter une immigration francophone ou francophile européenne qualifiée, ni franciser l'ensemble des immigrants allophones!

L'analyse des transferts linguistiques est révélatrice: en 1996, dans la région métropolitaine de recensement de Montréal, seuls 36,6 % (74 886 personnes) des allophones ayant adopté une nouvelle langue d'usage à la maison ont choisi le français, alors que 73,4 % ont choisi l'anglais (129 444 personnes). Dans le reste du Canada, le taux de francisation relative des allophones est de 0,3 %.

Le billet se poursuit après la galerie

Chinois (non spécifié)

Les 25 langues les plus parlées à la maison par les immigrants au Canada (2013)

Sous l'action d'une telle dynamique, il n'est pas étonnant que la proportion de la population de langue française décroît, que les minorités francophones s'amenuisent. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la manœuvre relative aux questions sur la langue du recensement de 2011...

Conséquences pour un honnête politicien !

Ce sujet ne connaîtra sa conclusion que lorsqu'il sera trop tard pour prendre conscience et entreprendre des actions déterminantes, faute d'une classe politique trop peu lucide, d'un peuple trop débonnaire, conditionné ou acculturé.

Savoir, c'est pouvoir. Mais qui s'aveugle ne verra rien et mènera la société sur le chemin de son destin, en marge de l'Histoire. De leaders lucides, on s'attendrait qu'ils soient honnêtes, certes, mais aussi dotés d'une conscience nationale salutaire.

Si navrant le Parti libéral du Québec, qu'une remise en question devrait pourtant tourmenter ! Et que penser de Philippe Couillard qui, sur un ton à la fois ambivalent et ambigu, dit vouloir signer la Constitution, pour clore la chose! Le déni obstiné, pour des raisons électoralistes et partisanes, de la chute de la vitalité et du poids de la langue française, notamment à la suite de la période 2003 à 2012, fait craindre le retour au pouvoir d'une forme apaisante de sophisme qui entretiendrait encore une forme d'aveuglement volontaire du peuple mou...

Je ne comprends pas ces gens qui désirent tant le pouvoir, quitte à présider à la décroissance de l'identité d'un peuple... et même trahir ce qui demeurait de valeureux à une formule ambiguë de la forme: «Qu'importe ce qu'on dira, ce qu'on fera, le Québec est, et demeurera une société distincte...»

En définitive

«... Je peux lire les signes du passé, découvrir ce qui a été oublié, et (alors) comprendre les signes du présent. Je ne lis pas le futur, je le devine. Car le futur appartient à Dieu, et Lui seul le révèle, et seulement dans les occasions extraordinaires. Comment est-ce que j'arrive à deviner le futur? Grâce aux signes du présent. C'est dans le présent que réside le secret ; si tu fais attention au présent, tu peux le rendre meilleur. Et si tu améliores le présent, ce qui viendra ensuite sera également meilleur...» - Paulo Coelho, L'Alchimiste

Transposé sur le plan de la question linguistique, le futur se révèle par la tendance lourde de la décroissance du poids et de la vitalité de la langue que confirment les analyses répétées... Ce futur se présente alors clairement de manière à pouvoir être changé par des actions politiques honnêtes, probantes et éclairées. Nier, adopter une attitude de déni, ou s'aveugler, est alors provoquer l'avènement du destin... C'est se réserver l'enfer... Sans traduire en justice les déviants qui auront mené à une situation pire...

Si le peuple doit être bien guidé, il doit aussi être éduqué!

Le peuple doit apprendre à reconnaître les formes d'un électoralisme malavisé à la manière jadis d'un Laurier, Sir Wilfrid, profilant un double discours, l'un visant à promettre à l'électorat anglophone de mâter les francophones, l'autre créant l'illusion aux francophones de droits retrouvés et d'un brillant avenir... Un politicien honnête ne peut prétendre que sa réflexion l'inciterait à signer la Constitution de 1982, ni un politicien lucide de dire on verra, alors que ne rien faire scelle une dynamique néfaste au sein d'une Constitution qui, par nature, oblige à des combats constants...

Fondamentalement alors, le vocable la gouvernance souverainiste traduit une façon significative d'entretenir dans ses rapports politiques au sein du système fédéral et avec le Canada-anglais une volonté avérée de la conscience nationale normale et salutaire que le «qu'importe ce qu'on dira, qu'importe ce qu'on dira, le Québec est...» dont devrait déjà s'inspirer le Parti libéral pour s'extirper de sa boue et de ses dénis...

Mohil novi... sub soli... les grandes nations entretiennent l'amour de la Patrie

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