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L'enjeu de la santé: ensemble on s'occupe des vraies affaires

Depuis des décennies, les gouvernements canadiens ont multiplié les réorganisations des systèmes de santé. La santé, c'est une marche sans fin... La question est multiparamétrique et fort complexe.
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Le célèbre «Vous êtes pas écœurés de mourir bande de caves! C'est assez!» fit scandale lorsqu'il fut inscrit sur la murale du Grand Théâtre de Québec par Jordi Bonet en 1970.

La ligne de pensée, fournie par le Triumvirat et présentée comme arme de pointe sous l'enjeu de la santé au Québec, inscrit pourtant déjà l'épigraphe «Puisque vous n'êtes pas écœurés de mourir bande de caves, votez pour nous!» Voir à ce propos la caricature de Serge Chapleau du 4 mars dans La Presse.

Depuis des décennies, les gouvernements canadiens ont multiplié les réorganisations des systèmes de santé. Ces réorganisations reflètent l'évolution des pratiques et des connaissances médicales, l'émergence de technologies de pointe coûteuses - dont des services informatiques-, le dépistage de nouvelles maladies, le vieillissement de la population, les lacunes en prévention, etc. La santé, c'est une marche sans fin... La question est multiparamétrique et fort complexe.

Au Québec, force est de constater que les réorganisations du MSSS se sont accompagnées d'une lourdeur administrative croissante ( ainsi, à la suite de la mise en place des structures de coordination des soins que devaient être les CSSS, on a ajouté un lien de coordination entre les institutions - CLSC, Centres hospitaliers de courte et de longue durée, etc.- , sans toucher à ce qui prévalait, les agences ou régies de santé et le MSSS) et à un accroissement insoutenable des dépenses de santé. De 18 milliards de dollars en 2002, le budget public passera à 31 milliards de dollars en 2012/2013 (35M$, si on ajoute les montants assumés par les usagers et autres - voir références).

La rémunération des médecins constitue la deuxième plus importante dépense. La masse salariale des médecins était relativement sous contrôle de 1990 à 2006, mais les récents ministres de la Santé du PLQ auront consenti à satisfaire les demandes des lobbys de médecins de sorte que la masse salariale des médecins aura crû de quelque 50% depuis 2007/2008, passant à 6,1 G$ dans un budget de 31,3 G$ alloué à la santé en 2012-2013 ( en plus des hausses de 8,7% jusqu'en 2015). Le nombre de médecins aura aussi augmenté, mais sans résoudre les difficultés d'accès aux services de santé, les médecins ayant à travailler moins pour obtenir le même revenu.

Ainsi un moyen de contrôle traditionnel par lequel le Québec réussissait à contrôler ses dépenses de santé -le contrôle de la masse salariale et le nombre de médecins- aura été mené à mal. L'émergence de nouvelles structures de coordination, nonobstant les bonnes intentions, les CSSS, aura contribué à l'accroissement du nombre de postes de cadre et de coordination (référence), alors même que le cloisonnement des tâches aura enlevé une flexibilité, ce qui aura aussi contribué à augmenter tant le nombre de postes de que syndiqués.

Les revenus de certains médecins spécialistes peuvent surprendre, voire choquer la population. Les radiologistes, médecins québécois les mieux payés, soutirent une rémunération annuelle moyenne de 527 000 $, en plus des honoraires qu'ils facturent en cabinet pour des actes non couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). La rémunération des 613 radiologistes coûte, à l'État québécois, plus de 300 millions de dollars annuellement (voir références). Le président de la Fédération des médecins spécialistes a défendu le droit de ses membres d'être productifs et de recevoir des honoraires élevés, tout en maintenant qu'ils ne sont pas surpayés (Radio Canada, 2012).

Le citoyen se doit de comprendre que le financement des études des médecins québécois aura été fait au sacrifice de l'ensemble des citoyens. Sous le régime social de l'État-providence, on établit qu'un idéal de solidarité sociale doit guider les citoyens. Ce qui est donné en privilège à quelques-uns les oblige à un engagement implicite envers ses concitoyens. Ainsi les étudiants qui auront bénéficié d'une formation coûteuse en médecine auraient l'obligation morale et légale de rendre à la société par des services dispensés à salaires comparables à ceux des autres citoyens. À défaut de respecter leur engagement, les médecins (radiologistes, tout particulièrement) auraient l'obligation de rembourser l'ensemble des coûts réels consentis par la société.

La remise en question de l'idéologie des membres du Triumvirat PLQ

Face à ce qui semble être une impasse en santé (toujours plus de dépenses, sans combler les besoins) le citoyen dont on sollicite les votes a la responsabilité de prendre conscience de la situation, et de demander des comptes aux officiants ou candidats du PLQ au pouvoir politique.

La révision de l'organisation du travail aura été l'une des grandes priorités du Dr Yves Bolduc en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux. À plusieurs occasions, il aura invité les établissements à s'inspirer de la méthode Lean ou Toyota pour améliorer les processus de travail. Cette manière de procéder peut sans doute s'adapter au sein d'une organisation hospitalière, mais plus difficilement si on entend les différentes instances de coordination, et sans doute nullement si on traite de la compassion, de la dignité et du respect des patients.

Tout ce discours fonctionnel aura encouragé une langue de bois, et même des commissaires aux plaintes. Alors patients, souffrez si vous n'entrez pas parfaitement dans le giron du vocabulaire spécieux qualité/productivité...

Enfin, le porte-parole libéral en matière de santé, Yvec Bolduc (selon Le Devoir 27 février «Sans concessions des médecins, Réjean Hébert évoque une réduction des services de santé») préconise plutôt une croissance des dépenses, cet accroissement servant alors à poursuivre la hausse des rémunérations des médecins ( le 8,7% de plus jusqu'en 2015) prétextant que les médecins québécois étaient les moins bien payés, ce qui entraînerait une pénurie, un argument que nous avons récusé plus haut.

Le Dr Philippe Couillard aura ouvert le bal des hausses de rémunération des médecins, en plus d'avoir mis en œuvre la restructuration menant aux structures de coordination que sont les CSSS. C'est aussi l'ère de désistement du public dans la mise en œuvre de résidences pour soins intermédiaires (RI) et la montée du nombre de projets en PPP ou éventuellement la location de surfaces et de services destinés au public dans les résidences pour soins intermédiaires privées.

Il semble qu'être productif pour le Dr G. Barrette signifierait produire plus «d'actes» de manière à retirer plus de rémunérations. Sa vision, centrée sur le seul besoin des médecins, nourrit une solution partielle inepte à aider la situation des personnes en perte d'autonomie. Par exemple, lorsque nous entendons un radiologiste parler de productivité, craignons le pire, car chez eux, productivité aura égalé plus de clichés radiologiques pour plus de rémunérations. Ses propos donnent à entendre beaucoup de mépris envers les infirmières, les préposés ou les médecins généralistes, et envers les malades en général...

L'obligation de répondre à des questions quant aux legs et aux intentions véritables

On le comprendra alors, l'objectif du développement des soins à domicile ( et éventuellement des résidences pour soins intermédiaires) et la diversification de l'offre dans les groupes de médecine familiale ( accessibilité, respect des aînés) dépend d'éléments clés dont l'entente sur la formation d'infirmières praticiennes spécialisées, filière bloquée comprenons nous par l’attitude des corporations de médecins - l’Ontario aurait une avance d’une dizaine d’années, comptant déjà plus de 2 200 infirmières praticiennes en soins primaires et en soins actifs .

L'amélioration de l'accessibilité aux soins et aux services de santé et le contrôle à long terme des dépenses en santé liées au vieillissement de la population du projet d'assurance autonomie proposé par le bon docteur R. Hébert sont plombés par les distorsions esquissées plus haut. Le succès de ce genre de projet requiert que l'on remédie préalablement à certaines tares héritées d'une manière néo-libérale de ministres récents du PLQ, car tout nouveau programme, nonobstant les bonnes intentions, se heurtera aux restrictions budgétaires, aux hausses des masses salariales, aux lourdeurs administratives, à l’égocentrisme camouflé sous un discours altruiste de corporations….

Le respect des personnes âgées en besoins de soins et de services passe par une révision de pratiques administratives, de la lourdeur de structures organisationnelles, de la division syndicale du travail et de l'imputabilité des gestionnaires et cadres au sein des CSSS. Ces paramètres constituent une condition préalable à l'utilité de nouveaux programmes destinés aux personnes âgées en maintien à domicile ou en ressources intermédiaires.

On comprendra que l'approche «corporatiste», en particulier celui des membres du triumvirat (favoriser les médecins, leur rémunération, etc., la lourdeur administrative des CSSS, la productivité radiologiste, la langue de bois inhérente à l'approche fonctionnelle de la méthode Toyota, le manque d'empathie et d'écoute que requièrent les clients/patients des services de santé), est la mère de bien des maux en social-démocratie...

Et comme nous l'avions conseillé ailleurs, un bon gouvernement représentatif se doit d'avoir une « équipe santé » ( équipe économique, équipe scientifique aussi ...) largement plus diversifiée que celle proposée par le Parti libéral, qui ne compte que des médecins. Donnée la complexité des services et de leur organisation et le degré d'humanité de tels services, il faut mettre à profit toutes les expertises réunies ( infirmières, infirmières spécialisées, préposés, etc. ) en coopération, mue par une bonne dose de valeurs de compassion et de respect de la dignité humaine, tout en évitant le piège du corporatisme professionnel égocentrique....

Que feront les aspirants ministres pour répondre à la nature de la situation de problèmes ?

Voilà bien des questions à adresser quant à la rémunération, quant au respect des aînés, quant à l'accessibilité, quant à des résistances de groupes d'intérêts...

Les électeurs doivent demander des comptes aux ministres ou lobbyistes d'avoir bloqué la filière des super-infirmières, un élément de la résolution de problèmes d'accessibilité, ou d'avoir alourdi la machine administrative. Si les attitudes antérieures sont garantes du futur, craignons le destin sous les néo-libéraux. Car demande-t-on à un loup de garder la bergerie ?

Références

Dépenses totales et par habitant, encourues au Québec, ensemble des clientèles, selon la région socio-sanitaire, selon les éléments de la structure budgétaire, au Québec, 2000-2001 à 2011-2012 (Déc.. 2013) -et autres analyses- François Béland Direction générale de la coordination, du financement, des immobilisations et du budget (DGCFIB), Direction de la gestion intégrée de l'information (DGII)

. Regards sur le système de santé et des services sociaux. Direction des communications, MSSS, 2009 et suivantes.

. Comptes de la santé 2011-2014, MSSS Direction des communications du MSSS. sous

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