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Le PQ a tellement porté les espoirs de quelques générations de nos concitoyens depuis 1968 qu'il ne faut pas se surprendre que sa situation de déclin déprime beaucoup de monde chez nous.
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Nous vivons, au Québec, une époque étrange. Tout d'abord, nous sommes revenus à l'ère du parti unique, ou presque. Les libéraux québécois, sauf pour le bref interlude péquiste de 2012-2014, sont au pouvoir depuis bientôt 15 ans. Il faut, dans le temps, remonter jusqu'à Maurice Duplessis, premier ministre de 1944 à 1959 et mort au pouvoir, pour trouver une longévité politique aussi prononcée.

Jusque là, rien pour écrire à sa maman au village, comme on dit. Ce qui surprend, cependant, c'est que l'élection du 1er octobre 2018 n'est pas jouée d'avance. En effet et nonobstant les sondages qui favorisent les troupes de François Legault, il est pensable que le PLQ réussisse à conserver le pouvoir, même de façon minoritaire, dans une dizaine de mois. Cela, c'est plus qu'étrange. C'est un peu ahurissant.

Sans vouloir faire de lien solide entre les deux phénomènes, il faut aussi constater que l'excitation et la passion pour la politique en général et la politique québécoise en particulier ne sont plus très à la mode, ne sont plus au rendez-vous pour une bonne partie de la population. Oh, elle ira voter le 1er octobre prochain, dans une proportion entre 60 et 75%. Mais l'enthousiasme semble disparu de l'ambiance générale et cela, quel que soit le parti dont on parle. On note aussi que les centrales syndicales ne se précipitent plus pour appuyer implicitement ou non un parti politique. Ça contribue au défaut d'enthousiasme général. C'est comme si la politique était devenue plus ennuyante qu'autre chose. Voilà qui est inquiétant.

Les extrémismes

Pendant que la majorité des citoyens semble se désintéresser du jeu politique qu'il soit fédéral (allô les selfies) ou provincial, des extrémistes s'expriment, manifestent, agissent, s'affrontent et tentent de faire un maximum de bruit. À droite, il y a La Meute, qui croit que le Québec est menacé par l'islamisme. Toutes les occasions lui sont bonnes pour faire aller son clapet « contre l'Islam radical ». Elle prétend avoir 25 000 membres, si on se fie à un reportage de TVA.

De l'autre côté du spectre politique, depuis quelques années des groupes anarchistes ont vu le jour et passent même aux actes. Des restaurants ou des boutiques situées dans des quartiers populaires sont vandalisés : vitrines fracassées, peinture répandue sur le sol, les murs et le mobilier, voitures incendiées, attaques diverses, cette extrême-gauche lutte contre l'embourgeoisement de toutes les façons possibles. Elle a même pignon sur rue qui, jusqu'ici, n'a pas été vandalisé. Jusqu'ici.

Quand on voulait s'engager dans l'action politique, c'est dans ces partis que ça se faisait.

Pendant des décennies, après la fin des violences du Front de Libération du Québec (FLQ) des les années '60 et au début des années '70, des groupes extrémistes comme La Meute ou les anarchistes, s'ils existaient, ne faisaient pas grand bruit. L'action au Québec, ça se passait vraiment dans les grands partis, le PLQ et le PQ. Quand on voulait s'engager dans l'action politique, c'est dans ces partis que ça se faisait. Il y avait aussi des partis de gauche plus marginaux, plus ou moins inspirés du marxisme ou d'un socialisme plus ou moins radical, mais ces partis n'attiraient pas de vote populaire digne de mention.

Puis, Québec solidaire a fait son apparition à la fin des années 1990. Ce parti de gauche commença à gruger des membres et des militants dans la coalition qu'avait toujours été le Parti québécois, et il a fait élire une couple de députés. Par après, en 2010, le PQ se fragmenta davantage sur un projet de loi interdisant les poursuites judiciaires dans le dossier de l'amphithéâtre du maire Labeaume à Québec. Des députés éminents quittèrent le PQ qui a vu par la suite un parti plus nationaliste ou sécessionniste que lui, Option nationale, lui enlever quelques milliers de membres supplémentaires.

Comme me l'a dit un péquiste découragé, lors de l'élection de 2012, si on avait additionné les votes de Québec solidaire et d'Option nationale à ceux du Parti québécois, ce dernier aurait formé un gouvernement majoritaire. Mais Pauline Marois a été élue minoritaire, et on connaît la suite.

Le PQ a tellement porté les espoirs de quelques générations de nos concitoyens depuis 1968 qu'il ne faut pas se surprendre que sa situation de déclin déprime beaucoup de monde chez nous.

L'effondrement lent, mais régulier du Parti québécois et son destin prévisible peu enviable le 1er octobre prochain font probablement partie des causes de l'espèce de spleen politique que vivent beaucoup de Québécois ces années-ci. Le PQ a tellement porté les espoirs de quelques générations de nos concitoyens depuis 1968 qu'il ne faut pas se surprendre que sa situation de déclin déprime beaucoup de monde chez nous. Cet effondrement explique peut-être aussi en partie l'émergence de groupes plus extrêmes, lassés de la « vieille » politique et désireux de brasser vigoureusement et davantage la cabane sociale et politique du Québec.

Nous vivons, au Québec, une époque étrange, écrivais-je en début de ce texte. Mais notre époque est aussi plutôt inquiétante. Sérieusement.

Avril 2018

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