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Entre les vœux pieux d'un projet de loi et le pragmatisme de son application sur le terrain, l'illusion du résultat se substitue trop souvent à la réalité.
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Et son odeur itou. En 1976, La Haye au Pays-Bas devenait la première ville à légaliser la consommation du cannabis. En 2018, soit trente-deux ans plus tard, à la suite de nombreuses plaintes de touristes et résidents, il est interdit dorénavant de fumer du pot au centre-ville de La Haye. Pourrait-on dire que l'odeur du pot a probablement fait tousser les politiciens... et se pousser les touristes !

Chez nous, depuis l'annonce du projet de loi sur le cannabis par le gouvernement fédéral, on dirait que l'herbe pousse partout plus vite. À l'évidence, le premier ministre Justin Trudeau voulait, sans doute, pouvoir fumer légalement ce « joint politique », au plus tard en juillet 2018. Pas moins d'une douzaine de compagnies ont poussé comme des champignons. Des serres à légumes sont transformées en usines à pot. Ces compagnies avaient flairé, comme on dit, la bonne affaire. Elles font déjà pousser du cannabis depuis un certain temps afin de répondre à la demande, sachant sans doute que le premier ministre tiendrait parole quant à son projet de loi. Les Canadiens auraient dépensé de cinq à six milliards de dollars pour acheter du cannabis, nous rapporte la revue L'Actualité. Au total, au Canada, toujours en 2015, le marché du pot était évalué à plus de quinze milliards de dollars.

Au total, au Canada, toujours en 2015, le marché du pot était évalué à plus de quinze milliards de dollars.

Aux provinces de s'organiser. Mais entre les vœux pieux d'un projet de loi et le pragmatisme de son application sur le terrain, l'illusion du résultat se substitue trop souvent à la réalité.

Primo. Même si l'objectif premier est de sortir la production et la vente du cannabis des mains criminelles, le risque reste présent que ces nouvelles entreprises fassent en sorte que ces activités retombent dans les mains d'une économie où règne l'évasion fiscale, principalement celles qui profitent de l'engrais financier provenant des paradis fiscaux.

Secundo. Il se dégage une odeur de plus en plus liée aux effets secondaires d'un « chanvre canadien » fort connu et qui perturbe régulièrement les relations fédérales-provinciales : la question des juridictions entre les deux paliers gouvernementaux. Par exemple, dans ce cas-ci, la loi fédérale sur le cannabis permettrait de cultiver chez soi jusqu'à quatre plants de cannabis ne dépassant pas une certaine hauteur. Le Québec et le Manitoba s'y opposent puisqu'il s'agit d'un sujet de juridiction provinciale. Or, dans toutes les provinces canadiennes, tous les sujets autour de cette substance à effet psychotrope ont été considérés : l'âge légal, la vente, l'achat sur internet, la culture à domicile, la consommation dans les lieux publics, etc. Et les réponses d'une province à l'autre ne sont évidemment pas les mêmes. C'est dire le fouillis juridique dans lequel nous entrons.

Tertio. Pour la Société québécoise du cannabis (SQDC) « L'objectif n'est pas de faire de l'argent ». On verra à l'usage! Car les bénéfices (et les effets pervers) pour les fumeurs ne sont pas de même nature que pour les producteurs ou commerçants. En effet, le projet de loi vise moins de dépénaliser l'usage du cannabis que de prendre le contrôle de la production et du réseau de distribution. Dans l'idéal, la légalisation du cannabis permettra sans aucun doute un meilleur contrôle sur la qualité du produit de même que de présenter aux usagers un meilleur encadrement dans l'utilisation du cannabis thérapeutique par opposition au cannabis récréatif.

Cependant, dans les deux cas, la consommation dans les lieux publics pose problème. La loi québécoise prévoit d'appliquer les mêmes règles que pour le tabac. Or, le pot ce n'est pas du tabac. La dépendance à la nicotine ne se compare pas aux effets de la marihuana. Et l'odeur! Déjà les syndicats ont prévenu que la consommation de pot sera interdite sur les chantiers; les propriétaires d'immeubles à louer ajoutent dorénavant dans leur bail un avis clair : « Il est strictement interdit de consommer, cultiver, produire du cannabis... Cette interdiction s'applique aux aires intérieures et extérieures de la propriété, notamment le logement, le terrain, les balcons, les terrasses et les aires communes ». Comme l'alcool au volant, conduire sous l'effet du cannabis présente un sérieux problème de sécurité.

Dans ce contexte, procéder à la hâte n'est certes pas indiqué, le principe de précaution devrait prévaloir au risque de se retrouver avec de nombreux règlements et restrictions, de surcroit variable d'une province à l'autre. À « Cannabis vobiscum », la réponse serait alors « Miserere nobis (Ayez pitié de nous) ».

Ce texte est cosigné par Normand Chatigny, Michel Héroux, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay. Les auteurs sont des retraités habitant Québec et Montréal. Denys Larose et Jean-Noël Tremblay ont été directeurs généraux de collèges. Normand Chatigny fut maire de Cap rouge et Michel Héroux a œuvré en information et en communication.

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