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On ne pense pas souvent à notre liberté d'expression. Nous en avons trop l'habitude. Le rappel, un an plus tard, des événements du Charlie Hebdo, est un bon moment pour se rappeler que la liberté d'expression est fragile et qu'il faut, de temps à autre, en prendre conscience et y réfléchir.
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En 2005, la publication de caricatures de Mahomet dans le journal danois Politiken déclenchait de vives réactions au sein des associations représentantes des musulmans dans divers pays d'Europe. Puis, l'humour déjanté de Charlie Hebdo sur le même sujet, le prophète Mahomet, fit déborder certains vases.

Les meurtriers du 7 janvier 2015, qui furent eux-mêmes abattus par les forces françaises de l'ordre, ont crié qu'ils avaient «vengé le prophète». Personnellement, je n'ai jamais vraiment apprécié l'humour à la Charlie Hebdo, mais jamais je n'aurais voulu que ce magazine soit réduit au silence par la violence. Je me suis réjoui qu'il continue d'exister, car sa présence illustre que la liberté d'expression fait partie non seulement de nos droits, mais aussi de nos mœurs.

Chez nous, nous sommes tellement habitués à nous exprimer librement qu'on ne pense pas souvent à cette liberté d'expression. Mis à part les journalistes ou les chroniqueurs, la majeure partie des gens ne semble même pas y penser. C'est que pour nous, cette liberté d'expression va de soi et fait partie de notre quotidien. Dans notre société, nous en usons et en abusons, à tous les jours. Nous nous exprimons sur à peu près tous les sujets qui nous intéressent.

On jase librement de politique, de mœurs, de religion, d'éducation, de sexualité, et j'en passe. On fait des blagues ou on est sérieux. Mais il n'y a plus de sujets réellement tabous. Bien sûr, il y a des limites raisonnables à cette liberté: le respect des réputations et le respect des personnes font partie de la liberté d'expression. Les humoristes, au nom de la liberté d'expression, en repoussent parfois dangereusement les limites. En général, nous comprenons aussi que notre liberté s'arrête généralement là où commence celle des autres.

Parce que nous en avons l'habitude, il ne nous viendrait même pas à l'idée qu'un gouvernement, quel qu'il soit, nous interdise de discuter publiquement de tel ou tel sujet au risque d'encourir des peines prévues par la loi. Nous n'accepterions sous aucune condition que des personnes ou des groupes s'en prennent à notre droit de nous exprimer librement ou encore, que ces groupes ou ces personnes s'attaquent avec violence à des médias pour les intimider ou pour carrément les faire taire.

Autrefois, il y a eu l'Index de l'Église catholique qui interdisait à ses fidèles de lire certains livres, et l'Église, quand elle le pouvait, menaçait d'excommunication les auteurs et les lecteurs de ces ouvrages. Cette période est derrière nous, heureusement. Mais lire des livres à l'Index ou aller à l'encontre de la rectitude politique n'étaient pas et ne sont pas des crimes. C'est plutôt vu comme l'amorce d'un bon débat de société. Tout cela fait partie de nos habitudes, comme tout cela faisait partie des habitudes de nos cousins français.

C'est probablement pour cela que l'attentat au Charlie Hebdo a autant secoué. Les meurtres sordides dans la salle de rédaction du magazine se voulaient une attaque directe contre la liberté d'expression. Cet attentat n'était d'ailleurs pas le premier contre un média, loin s'en faut. Tapez «attaques contre des médias» sur Google: vous serez renversés par le nombre et la férocité de ces attaques un peu partout dans le monde.

Le fondamentalisme religieux ne peut accepter la liberté d'expression. Le sort du blogueur saoudien Raïf Badawi est éloquent à cet égard. Il a osé écrire timidement pour une libéralisation morale de l'Arabie saoudite. Il a été condamné au fouet et à la prison. Dans un monde où, parallèlement à la rectitude politique, refont surface divers fanatismes, la liberté d'expression est fragile, plus qu'on ne le pense. Le problème, c'est qu'ici, on n'y pense pas assez.

Au nom de diverses sensibilités sociales, notre liberté d'expression recule lentement. Comme l'écrivait Mathieu Bock-Côté, «Aujourd'hui, les Cyniques, les Bleu Poudre ou RBO ne seraient plus vraiment possibles.» En fait, ils seraient possibles, mais ils devraient revoir ou adoucir certaines de leurs blagues autrefois anodines, aujourd'hui inacceptables pour de larges segments de notre société.

Non. On ne pense pas souvent à notre liberté d'expression. Nous en avons trop l'habitude. Le rappel, un an plus tard, des événements du Charlie Hebdo, est un bon moment pour se rappeler que la liberté d'expression est fragile et qu'il faut, de temps à autre, en prendre conscience et y réfléchir.

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