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J'ai osé être moi-même et je me sens comme un oiseau hors de sa cage

C'est comme si j'avais respiré un bon coup et que je m'étais mis à réagir de façon posée, sans frustration.
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«Le plus dur, c'est d'avoir peur, peur que les autres découvrent la vérité. [Mais] quand on cesse d'avoir peur, on se sent libéré.» Steven Carrington dans Dynasty vers 1987.

Depuis que j'ai publié The Woman in Me (La Femme en moi, non encore traduit) il y a un peu plus de huit semaines, mon courage et mon assurance ont fait un sacré bond. Assumer ce que je suis, m'accepter complètement est un sentiment extraordinaire. Je me sens libre. Être assez fort pour me montrer tel que je suis au dehors, comme je l'ai toujours fait en privé (sans craindre ni jugement ni représailles) a bouleversé ma vie. Je me sens soulagé et j'appréhende les choses différemment. C'est comme si j'avais respiré un bon coup et que je m'étais mis à réagir de façon posée, sans frustration. Vous n'allez peut-être pas me croire (je n'y arrive moi-même pas toujours!) mais je suis moins exigeant envers moi-même.

J'ai eu un choc quand j'ai constaté que je restais très calme dans une situation où je me serais normalement énervé. J'ai commencé à comprendre qu'en m'acceptant et en me montrant tel que je suis j'arrivais mieux à gérer les aléas de la vie. Je n'étais plus dans cette prison de peur et de honte que je m'étais bâtie. J'avais beau l'avoir décorée et remplie de jolies choses (de l'art, du champagne, des talons hauts ou des bijoux clinquants), ça restait une prison. Il fallait que je m'évade, que je déploie mes ailes pour m'envoler. Je ne pouvais plus rester confiné chez moi.

Il y a peu, je suis allé dans une boutique Gucci sur la 5e Avenue, ce qui m'a fait beaucoup de bien. Je ne sais pas combien d'entre vous ont vu ces escarpins à plateforme rayée marine (ou rouge) et blanc en cuir clouté, dans la collection printemps-été 2016. Depuis que je les ai aperçues dans Harper's Bazaar et Vogue, elles m'obsèdent littéralement. De véritables œuvres d'art, sculpturales, incroyables. Ce jour-là, je voulais les voir en vrai, dans toute leur splendeur tridimensionnelle.

C'est en arrivant en haut des escaliers, au troisième étage de la boutique, que je les ai vues, posées sur une table, dans tous les modèles proposés: brunes, vertes, argentées, noires et rayées (celles que j'évoquais plus haut), avec des clous et une tête de félin sur le devant. Elles m'enjoignaient à les rejoindre pour les regarder et les toucher. Je n'ai jamais été du genre à admirer de loin. Je me suis approché et j'ai dû me retenir de leur sortir un joyeux «Bonjour, mes amours» à la Carrie Bradshaw. Est-ce tromper que d'avoir des cœurs à la place des yeux, d'en aimer déjà une plus que les autres même si on ne s'est pas encore vraiment décidé?

Bref, j'étais planté là et une vendeuse, Sherice, m'a demandé si elle pouvait m'aider. Non content de m'extasier devant ces beautés, je lui ai dit que je voulais les essayer. Elle n'a pas bronché et m'a demandé ma taille.

«Je fais du 41 homme», ai-je répondu.

«Ce qui fait du 43 femme», a-t-elle aussitôt répliqué.

Je lui ai dit que j'étais particulièrement tenté par les plateformes rayées marine et blanc. Elle s'est empressée d'aller me chercher ma taille en réserve.

Malheureusement, ils n'avaient pas ce modèle-là en 43, mais ils avaient le rouge et blanc. On a donc pris l'escarpin qui était exposé et je l'ai enfilé pendant que Sherice partait à la recherche de sa jumelle. Il m'allait à merveille. J'étais Cendrillon... sans son prince (j'avais moi-même passé la chaussure). Je me suis mis à danser dans la boutique en contemplant le reflet de mon pied ainsi paré. C'est là que j'ai remarqué que tous les vendeurs et vendeuses m'admiraient également. Ils ont commencé à me complimenter. Pas le genre de flatteries qu'on sort pour vendre le produit, mais de vrais commentaires, sincères et positifs, dénués de tout jugement.

J'ai discuté avec Ava, une autre vendeuse, le temps que Sherice trouve ma deuxième chaussure. Je lui ai parlé de mon cheminement, de l'article que j'ai déjà évoqué ici et des réactions favorables qu'il avait suscitées. Elle m'a écouté avec attention, puis m'a dit que, si je me décidais à acheter cette paire, je devais absolument la porter en public. Elle a salué le soutien de mes collègues et m'a félicité d'avoir enfin réussi à me montrer tel que j'étais.

C'était comme si l'escarpin criait: «Je suis fait pour tes pieds, achète-moi!» Ce jour-là, tous les vendeurs de la boutique m'ont encouragé. Ils étaient aux anges quand je suis passé à la caisse. Je ne m'étais jamais senti si à l'aise auprès de parfaits inconnus.

Le plus intéressant, c'est que j'étais à l'origine attiré par les rayées marine et blanc (plus discrètes) mais que ce sont les rouge et blanc qui ont fait l'unanimité. Je n'avais pas le choix. J'aurais pu commander, mais je savais - comme ceux qui me regardaient marcher, sourire et rire - que c'était les rouges qu'il me fallait.

Ava avait raison: je devais les porter en public. Elles étaient trop magnifiques pour les réserver à mon seul appartement. J'ignorais quand j'aurais le courage de le faire, mais je savais que ce n'était qu'une question de temps. J'avais bien trouvé la force de me montrer avec de l'eyeliner! Je devais le faire. J'en avais envie.

Deux jours plus tard, je débarquais au travail avec mes escarpins.

C'était par un beau dimanche d'hiver, de ceux qui ont un air de printemps. J'ai porté mes petites merveilles pendant les six heures de ma garde. Je m'étais préparé aux regards, aux rires et aux insultes éventuelles que j'aurais à affronter. J'étais remonté, je pensais m'être paré à toute éventualité... mais je trompais.

Je ne m'attendais pas recevoir tous ces encouragements: «Ils sont magnifiques!», «Comment est-ce que tu arrives à marcher avec?», «Ça me remonte le moral de te voir avec ça!»... Ils ont débouché sur des conversations sans aucune connotation négative. Certes, j'avais opté pour un environnement assez sécurisé pour ma première tentative publique avec des chaussures clairement féminines, mais je ne m'attendais pas à ce qu'une bouffée de joie inonde mon cœur. J'ai reçu de chaleureuses accolades, vu la perplexité se changer en sourire. Je ne pourrai jamais dire à mes collègues à quel point je leur suis reconnaissant. J'ai la chance de travailler dans un secteur qui nous accepte tels que nous sommes: des êtres humains. Et d'avoir quelques vrais amis qui me soutiennent quoi qu'il arrive. Je m'en suis délecté.

En traversant le bâtiment, j'ai croisé quelques hommes clairement (pour moi) hétéros. Je les ai entendus s'esclaffer dans mon dos. Je ne sais pas s'ils riaient de voir un homme porter des chaussures à talons pour femme, ou si ça n'avait rien à voir avec moi. Je n'étais pas l'objet de tous les commentaires railleurs, mais j'en avais l'impression. Quoi qu'il en soit, j'ai gardé la tête haute, le dos bien droit et j'ai marché quasiment sans faux pas jusqu'à mon bureau. S'ils se moquaient de moi, c'était à cause de leurs propres incertitudes. Je portais ces escarpins avec aisance, grâce et style.

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Inutile de vous dire à quel point il est important d'être entouré de gens qui vous soutiennent. En revanche, je tiens à vous rappeler qu'il est essentiel d'encourager les autres. Nous sommes tous dans la même galère. Nous pouvons nous entraider, ou bien nous mettre des bâtons dans les roues. «L'union fait la force», dit le proverbe.

Pour le titre de cet article, je me suis en partie inspiré de la chanson Bird Set Free ("Un oiseau hors de sa cage") sur le nouvel album de Sia, This Is Acting. Les chansons de cet album m'emplissent de courage et de force, et me donnent envie de faire preuve d'encore plus de courage. En ce moment, c'est la BO de mon cheminement. Ses chansons rendent mes pas plus légers tandis que je me pavane avec assurance.

J'ai toujours peur mais mes craintes s'estompent. Je me sens plus libre. On m'encourage, j'ose être moi-même, et les résultats sont là. Mes démons ne me terrassent plus. On peut même dire que je leur botte le train. Je m'aime davantage.

Souvenez-vous de cette réplique des Goonies: «Ce qui compte ici-bas, c'est ce que nous allons faire.» Eh bien, pour moi «ici-bas», c'est maintenant. Ce qui compte, c'est ce que je vais faire, ce que nous allons tous faire. Soyez vous-même. Je vous défie de l'être!

Je suis là. Je suis gay, homo, pédé. Je ne me limite pas aux stéréotypes de genre, je suis féminin, masculin, beau et séduisant. Je suis vivant, un oiseau hors de sa cage. Rien ne m'arrêtera. Je suis moi.

Et je n'ai pas fini de suivre mon petit bonhomme de chemin.

Cet article, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Maëlle Gouret pour Fast for Word.

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