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Sir Simon Rattle dans les Symphonies de Beethoven

Après tant d'interprétations de l'œuvre depuis 70 ans, Rattle la renouvelle dans son exultation, dans sa transcendance, dans son extrême modernité... voire dans son dépouillement.
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Sir Simon Rattle affronte fièrement et avec toute son originalité sa deuxième intégrale des neuf Symphonies de Ludwig van Beethoven, mais la première avec le Berliner Philharmoniker qu'il dirige depuis 2002, moins de deux saisons avant de le quitter. Le Berliner Philharmoniker Recordings propose donc un somptueux coffret après ceux de la Matthaüs Passion (Passion selon Saint-Matthieu) de Bach par Sir Simon Rattle, des Symphonies et des Messes de Schubert dans la version si poignante de Claudio Abbado, dont nous avons rendu compte ici même (le 1.3.2015 et le 2.8.2015).

Après 70 ans de musique - depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale -, venant après des géants de la direction comme Furtwängler, Celibidache, Karajan, Abbado..., Rattle restera à n'en pas douter dans les annales du Philharmonique de Berlin, comme l'un des chefs qui l'aura le plus marqué - autant que ceux que nous avons cités. En 2018, il deviendra directeur musical du London Symphony Orchestra (LSO) pour lequel il rêve déjà d'être le chef qui lui bâtira sa nouvelle salle à l'égal de la Philharmonie de Paris, qu'il envie.

Crédit: Sebastian Haenel

Simon Rattle est un grand novateur qui partage avec Harnoucourt la passion pour les instruments d'époque. Sa compréhension de la musique de Beethoven innove avec cette gravure live de 2015. La même année, Rattle et son orchestre redonnaient l'intégrale des Symphonies de Beethoven à la Philharmonie de Paris et les critiques unanimes ont souligné l'exaltation des auditeurs concert après concert. Rémy Louis dans Diapason, nous faisait remarquer combien « Rattle se porte impérieusement au-devant de ses musiciens ». Avec un orchestre aux dimensions plus réduites que sous ses prédécesseurs, Rattle affronte Beethoven un peu comme David affrontant Goliath, mais Beethoven fut David affrontant le destin cruel, abominable, qui fut le sien. Deux symphonies ont laissé un souvenir extraordinaire au cœur et à l'esprit des auditeurs : le 6e et la 7e avec leur caractère quasi surnaturel.

Tel est l'effet aussi produit dans ce coffret, sans parler naturellement de l'interprétation dépouillée et fantastique qu'ils donnent de la 9e. On peut et on a déjà de nombreuses fois tenté de répartir les 9 Symphonies en trois parties, ce qui peut sembler vain. Nous risquerons-nous à voir dans les symphonies 1, 2, 4, celles qui achèvent la période dite classique, où Beethoven est encore l'héritier de Haydn, mais qui est surtout annonciatrice des trois symphonies qui s'inscrivent d'emblée comme héroïques ou épiques que sont la 3e, la 5e et bien sûr la 9e. Les sublimes 6e ou « Pastorale » et la 8e sont constitutives du troisième ensemble résolument romantique. En revanche, la 7e a une position spéciale et inconfortable entre le bloc épique, destinal si l'on veut utiliser le terme, et le bloc romantique. Elle est inclassable bravant tout à la fois l'épique, le romantisme, autant que l'humanisme de la 9e. On sent que l'âme et le cœur de Rattle ont une tendresse toute particulière pour la 6e.

Mais que dire de sa compréhension la plus intime, de l'adagio molto e cantabile de la 9e, qui sait tirer les larmes à plus d'un mélomane entre la beauté sonore la plus pure et l'émotion musicale la plus forte ? Rattle avec les musiciens du Berliner Philharmoniker lui restituent son accent déchirant. Le Finale est somptueusement chanté par le Rundfunkchor Berlin (le Chœur de la radio de Berlin) et l'entrée en scène des instruments après le premier air de basse suivi du premier chœur d'exultation, dans cet « Allegro assai » marqué par l'apparition de triangles, de cymbales, d'une grosse caisse et d'un tambour, donne à ce mouvement toute sa puissance géniale. Rattle montre bien ici le génie révolutionnaire de Beethoven, construisant son chœur final sur des césures de rythmes, de mesures, de contrepoint à neuf reprises (Presto, Allegro assai, Presto, Allegro assai [début de l'Hymne à la joie], Alla marcia, Andante maestoso, Allegro energico - sempre ben marcato, Allegro ma non tanto) pour aboutir à ce Prestissimo (fortissimo) conclusif, qui fait perdre la tête et les jambes, et qui n'est pas pour rien devenu l'hymne européen (qu'ont perdu du coup les Britanniques en votant pour le Brexit !).

Après tant d'interprétations de l'œuvre depuis soixante-dix ans, Rattle la renouvelle dans son exultation, dans sa transcendance, dans son extrême modernité... voire dans son dépouillement.

Regrettons simplement que la Philharmonie de Berlin et ses promoteurs ignorent tout du public francophone de l'orchestre pour ne donner un album qu'en allemand et en anglais. Le Blu-ray audio qui l'accompagne n'est accessible qu'aux personnes équipées d'un lecteur spécifique. Enfin, le livret présent n'est sans doute pas à la hauteur ni de cette intégrale ni de l'interprétation proposée ici.

Simon Rattle , avec son amour pour la Matthaüs Passion de Bach et de La Création de Haynd (qu'il eût aimé créer !!) va donc prendre la tête du LSO. Que de promesses dans ce chef né en 1955 !

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Mai 2017

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