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De la mort d'enfants, Israël et Hamas au pied du mur

Pourquoi cette Haine contre le Juif alors que personne n'est descendu dans la rue pour les enlèvements de filles par Boko Haram, que personne n'est descendu dans la rue depuis trois ans pour 170 000 ou 180 000 morts en Syrie ?
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D'autres ont fort bien parlé de l'exploitation politique de la guerre qu'Israël et le Hamas se livrent en ce moment et qui a fait quand ce papier paraitra pas moins de 400 morts dans le camp palestinien pour quelques dizaines d'Israéliens tués sans oublier les trois malheureux garçons dont l'enlèvement et la mort ont suscité l'indignation dans le monde. En ce dimanche où l'on commémore en France le 72e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, on se souvient des cris "Morts aux Juifs !" poussés il y a encore une semaine à Paris et l'encerclement de quelques synagogues par des jeunes d'origine musulmane.

Pourquoi cette haine contre le Juif alors que personne n'est descendu dans la rue pour les enlèvements de filles par Boko Haram, que personne n'est descendu dans la rue depuis trois ans pour 170 000 ou 180 000 morts en Syrie ? Mais une semaine de guerre en Palestine et à Gaza embrase quelques centaines de jeunes qui molestent les Juifs et attaquent les synagogues, ici en France ? Qui peut l'expliquer ?

J'ai recouvré mes racines juives à l'âge adulte et suis donc devenu juif par choix, alors que la grande majorité de mes coreligionnaires l'est par naissance et éducation. Je suis donc juif et sans nul doute aussi sioniste, ayant aussi une fille en Israël ainsi que des amies et amis chers. Sioniste sans doute aussi pour aimer Israël et avoir proposé à deux reprises à mon ami Cyril Aslanov de l'Université Hébraïque de Jérusalem puis une fois à mon ami Denis Charbit, de réaliser deux colloques à Jérusalem, l'un sur Malraux, qui ne put ni sans doute ne voulait y venir malgré son philosémitisme et son admiration pour la création de l'État d'Israël, l'autre sur Élie Wiesel en 2013. Je n'en suis pas moins pour un État palestinien le plus rapidement possible.

C'est pourquoi aujourd'hui je me décide à sortir du silence pour rappeler à ceux qui voudront bien me lire deux ou trois choses qu'il faudrait prendre en considération de part et d'autre.

Nous avons d'un côté, trois pauvres garçons israéliens qui ont été kidnappés et assassinés. D'un autre côté nous avons - l'a-t-on déjà oublié ? - un pauvre garçon palestinien de seize ans, , Mohammad Abou Khdeir, kidnappé par des jeunes israéliens mus par l'esprit de vengeance, qui l'ont abominablement assassiné. Pour ce faire, ils ont eu la bonne idée de le brûler vif après lui avoir fait boire du carburent pour qu'il brûle plus vite de l'intérieur et de l'extérieur ! Abomination, non ? Le ministre palestinien chargé de Jérusalem, Adnane Al-Husseini, a déclaré : "Le meurtre a été marqué par une opération de défiguration de l'enfant. C'est la première fois que j'entends parler d'une telle manière de tuer".

Il y eut en Israël même une manifestation très digne d'Israéliens révoltés par une telle barbarie émanant de leur peuple.

Dimanche 20 juillet 2014, nous avons entendu les derniers chiffres de morts et vu les images de désolation à l'intérieur de Gaza. Plus de 400 morts peut-être cinq cents en une douzaine de jours. On parle moins sans doute des villes israéliennes visées par les tirs de roquettes du Hamas, mais on ne peut que louer l'équipement de Tsahal qui parvient dans la plupart des cas à les stopper avant qu'elles ne tuent ou détruisent. Tel n'est pas le cas à Gaza dont les Israéliens sont en train de faire une région martyre... et le savent.

Nous avons entendu Élie Barnavi, homme de paix et diplomate international fort connu, qui a déclaré récemment sur les antennes françaises que la guerre menée par Israël contre le Hamas est légitime et nous le croyons aussi. Mais comment sortir de cette hécatombe qui ne résoudra rien à la longue si une solution diplomatique n'est pas trouvée, voire imposée ? Mais par qui et dans quelles conditions qui soient acceptables par les hommes et les femmes responsables dans les deux camps ? On peut en effet détruire tous les tunnels, toutes les armes du Hamas qui visent Israël. Qui de sérieux en Israël pense un seul instant que cela finira par apporter la Paix, le Shalom véritable, le Salam, entre les deux peuples ? PAS UN !

La violence, cette violence complètement asymétrique par le nombre de victimes, ne fera, ne fait qu'accroître la haine inexpiable des Palestiniens, des Gazaouïtes vis-à-vis d'Israël. Nous savons que nombre de Palestiniens, d'Arabes israéliens sont pour la paix avec leurs amis israéliens, mais cette guerre-ci, toute inévitable qu'elle soit, ne peut rien faire sortir de bon : elle ne peut produire que la Mort et la Désolation et la Haine de part et d'autre.

Dans certaines synagogues dans le monde ce Shabat dernier, samedi 19, certains rabbins ont appelé leurs fidèles à prier pour les soldats de Tsahal. Dans quelles communautés - il y en a de toute évidence, sinon qui serions-nous ? - a-t-on aussi demandé de prier pour les enfants palestiniens tués, gravement blessés, gisant sur leur lit d'hôpital dans un dénuement extrême dans un non-pays ravagé par la corruption certes, mais ravagé tout court et en manque de tout ? S'il y a un Dieu, ce dont notre Humanité n'atteste vraiment pas, voire de moins en moins, surtout ceux qui érigent leur minuscule dieu comme leur prophète en dieu ou en prophète de haine, de mort, de fanatisme, mais si donc par hasard il y avait bien un divin, peut-il recevoir des prières qui ne soient que pour ceux qui portent les armes, qu'ils soient ici juifs, là musulmans, ou plus loin orthodoxes pro-russes ou non, ou encore chrétiens en tel pays d'Afrique ? Et non pour ceux qui tombent sous le feu de ceux pour qui ils prient ? Y a-t-il une autre question dans le domaine de la foi et de la guerre qui vaille d'être posée ?

Ces enfants, ces mères, ces vieillards, ce ne sont pas eux, plus eux, pas encore eux, qui visent Israël, mais voudrait-on qu'ils puissent souhaiter la paix à Israël ? Ils peuvent seulement souhaiter sa destruction, quand ils voient autour d'eux en eux la mort avancer, le néant après eux.

Nombre d'Israéliens jeunes et moins jeunes sont aujourd'hui l'honneur d'Israël, en manifestant, en partant aider dans les hôpitaux de campagne mis en place par Tsahal ou parfois dans les hôpitaux palestiniens. Certes les cinéastes israéliens sont majoritairement de gauche, mais Israël compte aussi nombre de poètes, d'écrivains, de consciences, de blogueurs, qui appellent jour après jour à l'arrêt d'une guerre stérile sauf en morts, sauf en haine, sauf en désolation totale... Lisez les blogues de Bluma Finkelstein, lisez les poètes, qui autour de Tal Nitzán et du peintre Rachi Koraïchi, publièrent voici quelques mois D'Un burin de fer - vingt ans de poésie israélienne engagée (Al Manar, Paris, 2013, Xargol Books, Tel Aviv, 2005).

Voici l'ultime prière, tel un cri qui vient des profondeurs des entrailles, des profondeurs du désespoir, d'un Juif, d'un Israélien, d'un poète, qui a écrit un jour ces vers en hébreu - et que nous faisons nôtre:

Prière à toi Allāh Hashem qui es aux cieux Tout Puissant

nous venons à toi par amour Ô Dieu des ténèbres de la mort,

nous sommes vils, misérables, répugnants, voisins des cendres

nous sommes encore ici et nous avons déjà été

nous marchons vers la secousse finale jusqu'au bout

plus personne ici pour ramasser tous les corps.

(trad. de l'hébreu par Isabelle Dotan, op. cit., p. 62).

Pour quand la paix des braves, le vrai Shalom, le vrai Salam - et non plus ces amoncellements de morts, de blessés, ou encore ces abominables cris de "Morts aux Juifs !" dans les rues de Paris ou de n'importe quelle ville au monde ? Paris ou d'ailleurs ? Avec ou sans le Hamas, mais avec les Palestiniens et les Israéliens qui ne veulent rien, plus rien... si ce n'est la Paix ?

M. de Saint-Cheron est philosophe des religions, dernière publication, Du juste au saint. Ricoeur, Levinas, Rosenzweig (DDB, 2013).

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