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Autisme comme insulte: M. Labeaume, vous allez devoir réparer cela

Vous pouvez transformer une mauvaise blague en une formidable opportunité pour changer les mentalités, favoriser l’inclusion et faire en sorte qu’enfin, plus personne n’utilise le terme d’autiste comme une insulte.
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M. le maire Labeaume, je voudrais vous proposer un deal. Que diriez-vous de vous intéresser réellement aux enfants et adolescents autistes de la capitale nationale, et de leurs besoins?
Canadian Press / Mario Beauregard
M. le maire Labeaume, je voudrais vous proposer un deal. Que diriez-vous de vous intéresser réellement aux enfants et adolescents autistes de la capitale nationale, et de leurs besoins?

Monsieur Labeaume,

J'ai lu que, dans le cadre d'un débat politique, vous avez jugé pertinent de qualifier vos opposants d'«autistes». Je cite: «autiste». Probablement pour justifier le fait que vous les soupçonnez de ne pas vous entendre ou de ne pas suffisamment vous écouter.

Vous avez l'air de considérer au fond de vous-même qu'un trouble neurobiologique, qui touche 1 enfant sur 60 en âge d'être scolarisé au Québec, est un sujet susceptible de se prêter à la blague. J'entends, monsieur, dans ce que vous dites, qu'un diagnostic 10 fois plus fréquent qu'il y a 15 ans ne mérite pas une blague de la part d'un homme de votre rang, dont visiblement l'humour laisse à désirer.

Or il se trouve, cher monsieur, que 70% des personnes autistes ont une intelligence normale, voire supérieure à la moyenne pour la moitié d'entre eux. Il se trouve également que la plupart des gens autistes n'ont aucun problème neurologique ni d'audition. Ils comprennent et entendent donc très bien ce qu'on leur dit. Ils sont aussi, la plupart du temps, doués d'empathie et de précision: deux qualités dont votre sortie manque cruellement. Savez-vous enfin que dans le monde du travail, il y a énormément de gens autistes parfaitement intégrés et qui ont fait des efforts surhumains pour devenir jardiniers, ingénieurs ou avocats?

Comment pensez-vous monsieur Labeaume, que toutes ces personnes neuroatypiques, devant fournir tant d'efforts pour s'intégrer dans une société faite par et pour les personnes neurotypiques, ont pris votre blague, ou votre insulte pour être plus précis?

Car, enfin, c'est de cela qu'il est question... au-delà de ce fait divers. Quand un état neurobiologique, contre lequel les gens autistes ne peuvent rien, devient une insulte tolérée socialement au point même d'être colportée par des responsables publics de votre rang, je considère qu'il y a là un problème de fond que nous allons devoir affronter ensemble.

Tout ceci me rappelle avec une certaine tristesse les blagues sur certaines races et religions, ou encore concernant l'orientation sexuelle, qui ont mis tant d'années à disparaitre de notre langage courant.

M. Labeaume tout ce que je retiens, c'est que vous ignorez probablement tout de ces luttes, mais est-ce que je peux vraiment vous le reprocher? Car s'il y a autant de travail accompli par les associations de patients autistes ou des parents d'enfants TSA (Trouble du Spectre Autistique), c'est bien parce qu'il s'agit d'un trouble encore méconnu.

Et pourtant, le TSA touche à ce jour entre 1 et 2% de la population au Canada, ce qui est majeur. Les gens autistes sont en général des gens de bon cœur, travaillants et attentifs, mais particulièrement vulnérables en raison de leur sentiment d'inadaptation à notre monde.

Je vais vous dire ce que demandent les gens autistes! Ils demandent juste qu'on les connaisse mieux, et qu'on les respecte plus. C'est le premier pas du vivre ensemble.

Cela se passe dès l'école et dès les programmes scolaires. Et ce projet, M. Labeaume, a un nom: l'inclusion. L'expérience d'autres pays et d'autres sociétés le prouve: une éducation inclusive, qui permet à toutes les personnalités de s'épanouir et de se développer, permet de tirer de chacun la quintessence. Ça nous rend plus riches et meilleurs.

Si on souhaite une école inclusive au Québec, cela passe obligatoirement par une meilleure sensibilisation et une meilleure éducation des gens. Or, M. Labeaume vu votre statut d'homme politique majeur au pays, je pense que vous êtes quelqu'un de parfaitement intelligent et éduqué. Cela me laisse songeur et pour tout dire, attristé quant au chemin qu'il reste à parcourir au sujet de l'autisme.

Alors évidemment, vous vous êtes bien rendu compte que vous avez fait une boulette, et vous vous êtes excusé dès le lendemain. Parfait, faute avouée à moitié pardonnée.

Malheureusement, M. Labeaume, j'ai bien peur que cela ne suffise pas... je pense même que vous allez devoir réparer cela.

Et ça tombe bien, en tant qu'homme politique de premier plan, en tant que maire de la capitale nationale, vous avez les cartes en main pour réparer et améliorer les choses.

M. Labeaume, c'est ici que vous pouvez intervenir

Savez-vous que le Québec occupe une place extraordinaire dans le monde de par la connaissance et la compétence des intervenants en santé pour les personnes autistes? Les travailleurs sociaux, orthopédagogues, ergothérapeutes, neuropsychologues, pédopsychiatres, etc. sont parmi les plus compétents et les plus impliqués au monde.

Malheureusement, ils manquent de moyens et de structure. Vous l'aurez compris, c'est là que vous pouvez intervenir.

Il y a, à Québec, votre ville, des sommités reconnues internationalement sur le sujet. Connaissez-vous Mme Brigitte Harrison, pour ne citer qu'elle, une neuropsychologue fondatrice de la clinique SACCADE?

Il y a des plans gouvernementaux en place (Plan d'action sur le trouble du spectre de l'autisme 2017-2022) qui impliquent les Commissions scolaires et les structures locales, à l'échelle de votre ville. Ces gens ont évidemment besoin du soutien total de la municipalité et de budgets spécifiques à l'emploi d'intervenants et au développement de structures scolaires et parascolaires adaptées et inclusives. Et ça M. le maire, il me semble que c'est de votre ressort.

Il y a, à Québec, votre ville, des sommités reconnues internationalement sur le sujet. Connaissez-vous Mme Brigitte Harrison, pour ne citer qu'elle, une neuropsychologue fondatrice de la clinique SACCADE? Elle a créé un langage révolutionnaire pour améliorer l'éducation des enfants, une sorte de «braille» pour autistes, et qui doit certainement avoir besoin de subventions et de soutien clérical pour améliorer encore l'accès aux ressources.

Alors voilà, M. le maire Labeaume, je m'arrête là, mais je voudrais vous proposer un deal. Que diriez-vous de vous intéresser réellement aux enfants et adolescents autistes de la capitale nationale, et de leurs besoins?

Que diriez-vous de vous appuyer sur les intervenants et les Commissions scolaires de votre ville pour devenir le maire qui aura commencé à changer les choses à la grandeur du Québec?

Que diriez-vous enfin de vous rapprocher des familles touchées par ce trouble et finalement de nous revenir là-dessus, disons dans un an? Pour en jaser avec nous?

Vous auriez alors transformé une mauvaise blague en une formidable opportunité pour changer les mentalités, favoriser l'inclusion et faire en sorte qu'enfin, plus personne n'utilise le terme d'autiste comme une insulte.

Allez monsieur Labeaume, sans rancune. De toute façon, la rancune, les autistes n'en ont pas en général.

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