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Inceste: oublie et tais-toi

À qui oserait parler, on impose le silence afin de préserver l'image familiale. Dire l'inceste, briser ce silence affirmant que cela existe demeure une démarche de haute trahison dans les familles incestueuses.
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Je demande que le tabou sur l'inceste cesse afin que chaque âme meurtrie puisse se libérer et trouver un sens à ce vécu plus grand que la blessure créée.
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Je demande que le tabou sur l'inceste cesse afin que chaque âme meurtrie puisse se libérer et trouver un sens à ce vécu plus grand que la blessure créée.

Si collectivement, nous hésitons de moins en moins à qualifier d'agressions sexuelles tous les gestes à caractère sexuel non désirés, tout ce qui a trait à l'inceste est cruellement mis dans un coffre nommé silence, fermé à double tour.

Pourtant, tout geste à caractère sexuel fait par un membre familial proche ayant un lien affectif avec un mineur (0-18 ans) demeure un inceste. En 2015, un rapport fait par l'INSEE affirmait que 5% des femmes et un peu moins de 1% des hommes de 20 à 69 ans ont été victimes de viol, de tentative de viol ou d'attouchements dans le cadre familial ou de l'entourage proche, au cours de leur vie.

L'inceste demeure non seulement nié, mais la personne qui ose dénoncer ces violences subies est rejetée par sa famille dans 9 cas sur 10.

La société également pose encore trop souvent un regard méprisant sur l'agressé qui dénonce ses parents ou le membre proche de sa famille ayant commis les abus. La personne ayant subi et dénoncé toutes formes d'inceste est bannie et stigmatisée par sa famille et souvent par la société au sens large.

À qui oserait parler, on impose le silence afin de préserver l'image familiale. Dire l'inceste, briser ce silence affirmant que cela existe demeure une démarche de haute trahison dans les familles incestueuses. Dire l'inceste vient perturber l'ordre social établi et ce règne du silence puissant: oublie et tais-toi.

L'inceste est hautement banalisé dans les familles incestueuses, voire parfois quasi normalisé.

Ainsi, celui qui a vécu le traumatisme devient coupable d'avoir parlé. L'enfant trahi par des gens en qui il avait confiance devient honteux d'avoir trahi l'unité familiale. De plus, lorsque cette ultime trahison est commise par le père, s'ajoutent souvent la trahison et le rejet de la mère qui préfère se voiler le visage et protéger le père. La souffrance innommable de l'enfant doit demeurer secrète et disparaître instaurant déni et tabou. Ajoutant une souffrance supplémentaire à l'enfant.

Peut-être manifestons-nous encore du scepticisme devant une telle injure faite aux parents. Comme si chaque enfant devait, encore en 2019, honneur et respect envers ses parents du simple fait qu'ils lui aient donné la vie. Nous avons besoin d'une preuve pour penser l'impensable. Toutes les formes de maltraitance — enfant violenté verbalement, enfant battu, enfant abusé sexuellement — d'un parent envers son enfant sont inimaginables. Nous avons tendance à retarder la reconnaissance de l'existence de ces malheurs. Alors qu'ils existent.

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Une période de ma vie a été marquée par de la violence verbale, parsemée de violence physique. Parce que c'est indéfini et insidieux, même avec violence. Parce que c'est parfois trop vague et nébuleux à identifier. Parce que le poids de la honte et de la culpabilité est lourd. Parce que les mécanismes de survie sont extrêmement puissants, la mémoire oublie, la conscience nie. Cette période de ma vie avait également par des agressions sexuelles incestueuses répétées dont je n'avais aucunement conscience jusqu'à l'âge adulte.

Je trouve choquant que ce mot soit encore tabou dans notre société. Le rejeter ne l'empêche pas d'exister. Le rejeter, c'est taire une partie de la souffrance humaine. Le rejeter, c'est anéantir doucement un être humain ayant subi de la maltraitance par des êtres censés prendre soin de lui.

Que ces gestes soient faits avec violences ou avec douceur, ils peuvent demeurer extrêmement difficiles et complexes à identifier pour l'enfant et douloureux à nommer, peu importe l'âge et le temps après les abus.

À chacun son sens, à chacun sa manière de puiser sa résilience. Pour ma part, l'indignation est un moteur de réactivité puissant. Il est essentiel de libérer la mémoire et de libérer la parole. Il est important d'être entendu. Que l'on parle de viol, d'attouchements, de caresses mal placées, d'insinuations inappropriées, de regards douteux, de climat immoral, l'inceste tétanise, dissocie l'âme et le corps, étouffe, étrangle et détruit dans une solitude profonde la personne l'ayant vécu.

L'inceste ne laisse personne indifférent. L'inceste fait peur et bouleverse. La personne l'ayant vécue fait peur. Son passé effraie. On ne veut pas voir, on ne veut pas savoir, on ne veut pas entendre.

Souffrance trop insupportable. Comme si la personne n'était que résultante de son vécu et de ses blessures. En rejetant l'idée que l'inceste puisse exister, on rejette la personne en la contraignant à son silence, à sa détresse.

Une personne ayant vécu ces horreurs n'est pas condamnée à la souffrance. C'est dans la parole et l'écoute que la personne pourra se libérer. C'est dans chaque petit geste d'attention, d'empathie, d'affection, de sécurité, de confiance que la personne pourra puiser sa résilience et renaître.

Je demande que cessent ce refoulement social et cet aveuglement face à cet indicible.

Je demande que le tabou sur l'inceste cesse afin que chaque âme meurtrie puisse se libérer et trouver un sens à ce vécu plus grand que la blessure créée.

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