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J'ai 45 ans, je suis célibataire et sans enfant. Et, non, ça n'est pas «anormal»

L'été pose ses derniers rayons en ce mois d'octobre, avant de céder la place à l'automne. Et puis, une nuit, venu d'on ne sait où, un froid glacial m'envahit, comme un amant que je me suis efforcée d'oublier. Je frissonne. J'ai le cœur gros. Je sais que l'hiver approche et que je serai encore seule.
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L'été pose ses derniers rayons en ce mois d'octobre, avant de céder la place à l'automne. Et puis, une nuit, venu d'on ne sait où, un froid glacial m'envahit, comme un amant que je me suis efforcée d'oublier. Je frissonne. J'ai le cœur gros. Je sais que l'hiver approche et que je serai encore seule.

Ce n'est pas ce que j'avais prévu. J'ai toujours été disponible pour les relations amoureuses. Je me suis accrochée aux espoirs, aux attentes, aux rêves, au chagrin et à des hommes que j'aurais dû quitter bien plus tôt. Il m'est arrivé d'être très amoureuse, sur un petit nuage. Et je me suis essoufflée face aux orages que j'apercevais à l'horizon, à me demander pourquoi je n'arrivais pas à vivre la relation durable et sérieuse que je méritais.

Me voici dans un bar, pour un premier rendez-vous avec Brian, que j'ai rencontré sur internet. Je suis heureuse d'être assise près de lui, bien au chaud, tranquille. A 45 ans, je ne pense plus à mon avenir. Je ne vois plus ma vie comme celle qui, dans un jeune couple, pense à ses futurs enfants. Je vis le moment présent. C'est la vie. C'est ma vie. Et même si elle ne correspond pas à ce que j'en attendais, elle va au-delà de mes attentes. J'ai choisi de profiter de chaque instant, et je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau.

Brian est un bel homme, qui s'est fait tout seul. Et je lis dans ses gestes qu'il est heureux d'être assis dans ce bar, à mes côtés. Il se tourne pour me regarder et sourit. Je lui souris à mon tour. Pour un premier rendez-vous, c'est plutôt bien parti. Mais le ton change rapidement. Brian a décidé qu'il était temps de savoir quel était mon problème. Et après toutes ces années, ces saisons faites d'hommes, d'amours, d'amitiés et d'occasions manquées, je sais parfaitement ce qui va suivre.

Les hommes que je rencontre commencent par me démontrer qu'ils sont capables d'être en couple. Ils parlent de leur mariage, et la manière dont il s'est terminé, ou de la raison pour laquelle une relation de plusieurs années a pris fin (c'est ce qui est arrivé à Brian cette année). "On se disputait si souvent que rester ensemble n'avait plus de sens", avance-t-il. Et maintenant, comme le veut la règle, c'est à moi d'expliquer pourquoi je suis célibataire.

«Tu as déjà été mariée ?», me demande Brian.

«Non.»

«Tu as failli l'être ? Tu as été fiancée, tu as vécu avec quelqu'un ?»

«Eh non.»

Brian serre les lèvres quand il me juge. «De quand date ta dernière vraie relation ?», me demande-t-il, pensant que ma réponse lui permettra de savoir si j'ai envie ou non d'être en couple. Voire -- ce qui est plus important -- si j'en suis même capable.

Je réponds doucement : «Un moment déjà», et j'entends la déception qui transparaît dans ma voix, sans parler de la sienne.

«Tu es belle et intelligente. Je n'arrive pas à comprendre que tu n'aies personne depuis un moment», ajoute-t-il. Je sais qu'il essaie, à travers ce compliment, de découvrir les vraies raisons de mon célibat. «Depuis combien de temps, en fait ? Combien d'années ?», me demande-t-il. Il veut des détails. Il veut avoir la preuve qu'il a raison de penser qu'il y a quelque chose d'anormal chez moi. Peut-être, se dit-il, est-elle incapable de s'engager.

«Je ne sais même plus», dis-je dans un sourire, en haussant des épaules avec nonchalance. Et c'est la vérité. Je ne sais plus. Je ne sais plus avec combien d'hommes je suis sortie, ni combien j'en ai embrassés ou caressés, ou avec combien ça n'a tout simplement pas fonctionné. Je ne compte plus les hommes parce je sais juste qu'ils me rapprochent tous de l'Homme de ma vie.

«C'est pas important», me console Brian. «Il y a des gens qui n'ont pas envie d'une relation sérieuse.»

Je m'aperçois que ses propos m'ont mise sur la défensive, et je nous en veux d'en être arrivée là : «Alors, si j'étais avec quelqu'un uniquement parce que je n'arrive pas à le quitter, ou parce que j'ai trop peur d'être seule, ça voudrait dire que j'ai envie d'une relation sérieuse ? Je n'ai jamais épousé quelqu'un qui ne me convenait pas, ni prétendu que j'étais heureuse si je ne l'étais pas. Et je n'ai pas toujours choisi d'être seule. Je suis tombée amoureuse. Il y a des hommes avec qui j'ai voulu passer le reste de ma vie. Certains m'ont brisé le cœur.»

Mon rendez-vous semble bien trop soulagé de m'avoir entendu dire cela. Mon cœur blessé lui prouve que je me suis déjà battue en amour. Mais ce qui m'intéresse davantage que mes combats désespérés, c'est que je ne me suis jamais laissée abattre et que ça ne m'a pas empêché d'aller de l'avant.

«Bon, mais alors, c'est quoi le problème ?», me demande-t-il. «Je n'arrive pas à croire que tu sois célibataire. Tu dois être très exigeante.»

Nous voilà dans la phase de «l'enquête du premier rendez-vous». Brian va essayer de deviner ce qui ne tourne pas rond chez moi jusqu'à ce qu'il mette le doigt dessus.

«Bien sûr que je suis exigeante», lui dis-je d'une voix assurée. «Je veux être amoureuse de l'homme avec qui je serai, et il mérite d'être aimé. Si être 'exigeante', c'est refuser de vivre avec quelqu'un que je n'aime pas vraiment, alors, oui, je suis exigeante.»

Mon rendez-vous s'empare du pichet que nous partageons et me ressert du vin. Notre conversation dérive vers l'entreprenariat, un sujet qui nous passionne l'un et l'autre. Il commence, et je suis très impressionnée par ce qu'il me raconte. Puis je lui parle de ce que je fais, et de la société que j'ai montée il y a sept ans. C'est alors que je m'aperçois qu'il s'intéresse moins à mon travail qu'aux raisons, liées à mon activité, qui pourraient expliquer mon célibat.

«Il y a des gens qui choisissent de se concentrer sur leur carrière, et d'autres sur leur famille», insiste-t-il, estimant que j'ai dû faire le choix de ne pas fonder une famille.

Je lui réponds d'une voix un peu trop forte que je n'ai pas choisi d'avoir une carrière qui m'empêcherait de tomber amoureuse, me marier et avoir des enfants. Il y a plein de choses que je peux contrôler, mais pas l'homme dont je tombe amoureuse, et pas celui qui sera amoureux de moi. Je n'avais pas prévu d'être célibataire et sans enfants à 45 ans.

«J'ai une amie qui reconnaît qu'elle a passé un peu trop de temps à s'occuper de sa carrière, au lieu de trouver quelqu'un», explique Brian, comme s'il s'agissait d'une évidence propre aux «femmes carriéristes».

J'objecte que les femmes oublient rarement de tomber amoureuses, ou d'avoir des enfants. Bien entendu, le temps passe plus vite qu'on ne le voudrait, mais si une femme a envie d'être en couple, ce que souhaitent la plupart d'entre nous, elle s'arrange pour que ça arrive quand elle croise un homme qui a envie de la même chose. Les femmes arrivent souvent à gérer davantage de choses que les hommes, alors je ne crois pas trop à cette histoire de «trop concentrée sur sa carrière», une étiquette que l'on colle un peu facilement sur les femmes de notre génération, au lieu de dire les choses telles qu'elles sont : on a beau avoir une belle carrière, être indépendantes financièrement, en bonne santé et bien dans sa peau, rien ne dit qu'on trouvera l'homme avec qui on a envie de vivre.

«Tu es peut-être trop indépendante», suggère Brian presqu'en lui-même, tandis qu'il examine les autres raisons susceptibles d'expliquer ma situation.

«Oui, je suis indépendante. Mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas me reposer sur quelqu'un de temps en temps. On n'arrête pas de parler de ces femmes qui doivent se montrer ambitieuses. C'est mon cas, et qu'est-ce que ça m'apporte ? Je n'ai personne pour me soutenir, affectivement ou financièrement. J'aimerais au contraire pouvoir compter sur un homme quand ça va mal...»

Brian est à court d'arguments. Et moi, je perds patience.

Tentant d'orienter la conversation vers autre chose, je lui dis : «Brian, si tu continues à chercher ce qui ne va pas chez moi, tu ne sauras jamais ce qui peut te plaire. Je ne regrette rien. Par plein d'aspects, je vis quelque chose que je n'aurais jamais imaginé. Oui, je voulais me marier et avoir des enfants quand j'avais une vingtaine d'années, mais j'en ai maintenant vingt de plus, et malgré toutes mes déconvenues, je suis toujours là et je refuse de faire une croix sur le grand amour.»

Ceci semble le rassurer, au moins jusqu'à la prochaine fois, et nous parlons d'autre chose. En quittant le bar, Brian me serre dans ses bras. «Tu trembles», dit-il gentiment. «Je vais t'appeler un taxi.» Quand je monte dans le taxi, il me demande si on peut se revoir.

Je lui réponds : «Oui, avec plaisir.» Apparemment, je suis encore ouverte aux relations.

«Je t'appelle demain», me dit-il avec ce sourire qui me fait craquer, en refermant la portière.

Je lui souris aussi, contente d'échapper au froid.

Le deuxième livre de Melanie Notkin, OTHERHOOD: Modern Women Finding a New Kind of Happiness (non traduit en français) vient de sortir chez Seal Press/Penguin Canada.

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