Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Il m'a fallu 7 ans pour comprendre que j'avais bel et bien subi des violences obstétricales

Aujourd'hui je comprends enfin que je n'ai pas mal agi mais qu'au contraire j'ai été «maltraitée».
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Cavan Images via Getty Images

Je porte cette honte d'avoir échoué à mon accouchement depuis près de 7 ans. Sept longues années.

Au terme d'une grossesse juste parfaite, je me rends à la maternité le 14 août 2011 après 3h de contractions très rapprochées. J'arrive sous les coups de 23h.

Nous sommes accueillis très sèchement par une infirmière qui semblait agacée d'être embêtée la nuit.

Elle me demande de m'installer sur la table gynécologique et me fait un toucher vaginal sans aucun tact, aucun mot à part pour me dire "c'est pas ouvert". Elle m'installe dans la salle à côté pour le monitoring et là je me fais engueuler car en fait ma poche est fissurée et que j'aurai dû être à la maternité depuis 24h. Sauf que je n'ai jamais perdu aucun liquide donc je ne pouvais pas deviner. Elle me dit que j'ai mis ma fille en danger en agissant ainsi.

Je me sens gênée et en faute.

Elle me donne le traitement antibiotique. Elle nous installe dans la pièce à côté pour que je fasse des exercices (ballon) mais les contractions étant dans les reins je ne peux utiliser le ballon. A ce stade je suis toujours en civil.

Elle me fait un nouveau toucher vaginal toujours aussi brutal, je constate d'ailleurs en allant aux toilettes que je saigne. Ma culotte est sale et je me sens inquiète, terrifiée par cette femme. Mon compagnon est mon secours à ce moment précis. Les contractions sont très douloureuses et toutes les minutes. J'ai lâché prise donc plus aucune respiration ne m'aide. Je vais la voir pour lui dire que j'ai mal, très mal. Elle me répond "quand on fait un enfant on assume". Je me suis sentie comme une enfant qu'on engueule, mais j'avais 29 ans! Elle me dit d'attendre dans le couloir, elle revient, baisse mon pantalon et me fait une piqûre dans la fesse soit disant pour atténuer la douleur. Je relève mon pantalon, ma fesse saigne à l'endroit de la piqûre. Mes vêtements sont tâchés. Je me sens de plus en plus mal.

De nouveau un toucher vaginal et elle râle en disant que ça ne s'ouvre pas.

Elle me bascule donc dans une chambre et dit à mon compagnon qu'il doit partir. Je me mets à pleurer de peur mais pas le choix. Il me promet de rester dans la voiture sur le parking. Il est 3h du matin.

Je n'arrive pas à dormir à cause de la douleur donc j'erre dans les couloirs et m'accroupis dans le noir à chaque contraction. Je pleure en silence par peur de me faire gronder.

Au bout d'un moment, je prends sur moi et je retourne la voir pour lui dire que je veux que mon compagnon revienne, que je préfère ne pas être en chambre et être avec lui. Elle souffle et l'appelle.

Elle nous installe dans une pièce à côté. Elle me donne enfin une blouse.

Nouveau toucher vaginal et elle dit que je peux avoir la péridurale. Il est 6h du matin.

Je n'ai accouché qu'à 16h20 le 15 août.

J'ai eu de la fièvre, ma tension a chuté à 5. Je ne tenais que la position sur le dos.

Les 3 nuits blanches précédentes ont eu raison de moi donc je n'avais plus aucune force. L'expulsion a été longue et douloureuse aussi bien pour ma fille (qui bloquait dans le bassin), que pour moi qui ne parvenais à rien. Le médecin est descendue et à préféré me laisser "une dernière chance" comme elle dit pour que je pousse correctement. Au bout de 45 minutes, Lou est enfin sortie.

J'ai été recousue par ce même médecin et ça me faisait un mal de chien. Mais bon, je me suis dit que c'était normal.

Une fois en chambre, une infirmière est venue et a regardé mon entrejambe, elle grimaçait et disait "ce n'est pas beau". Je n'ai jamais eu le courage de voir, de regarder. J'étais terrifiée rien qu'en voyant leur tête. Et à ma voisine de chambre, elle disait "oh vous c'est beau".

Ensuite j'ai eu des problèmes avec ma fille car elle ne dormait pas la nuit donc je zonais dans les couloirs avec mon bébé dans les bras.

Aucune infirmière n'est jamais venue me voir.

Le matin, l'une d'elle arrive dans ma chambre et m'engueule et disant que je nourris trop ma fille.

Le lendemain, une autre me dit "Mais vous ne la nourrissez pas assez! C'est pour ça qu'elle pleure!"

Je me suis mise à pleurer. Je ne savais plus quoi faire.

Je me suis dit que j'étais vraiment une mère déplorable.

La dernière nuit, mon compagnon s'est inquiété de me savoir encore debout à marcher dans les couloirs car j'enchaînais ma 6e nuit sans dormir. Il a appelé l'hôpital et a demandé à ce qu'on me vienne en aide (je ne l'ai su qu'après).

Dans la nuit, je m'étais réfugiée avec mon bébé en pleurs dans la salle de "traite" et là trois infirmières sont arrivées, m'ont bloquée et ont pris mon bébé. J'ai vécu ça comme une agression, un vol et un véritable échec.

On me prenait mon bébé parce que je ne savais pas quoi faire.

Elles m'ont dit de retourner dans la chambre et qu'elles me ramèneraient mon bébé au petit matin. Lou était là à mon réveil mais je me sentais honteuse et tellement nulle. Le jour de mon départ une psychologue a demandé à me voir et s'est assurée que je n'étais pas seule chez moi. Je l'ai pris comme une nouvelle preuve du danger que je représentais.

Je n'ai pas pu m'occuper de ma fille pendant 1 mois. La peur de faire mal, d'être encore jugée. Ce séjour à la maternité m'a détruite moralement. Mais également physiquement.

Il m'a fallu un mois pour me remettre de mon épisiotomie. Elle me faisait souffrir et je ne pouvais quasi plus marcher et encore moins m'asseoir.

La sage-femme qui est venue chez moi m'a dit que ça avait été recousu trop serré et elle a même coupé un fil (qui devait tomber tout seul) pour me soulager.

Aujourd'hui, 7 ans après, j'ai mal lors de chaque rapport sexuel. Sans aucune exception.

Je suis allée voir ma gynécologue pour lui en parler. D'ailleurs le speculum me fait mal aussi car sur la cicatrice. Et je n'ai eu comme unique réponse : il faut faire un deuxième enfant et à ce moment-là ils referont une épisio. Je lui ai expliqué que je ne voulais pas d'autre enfant. Ce à quoi elle a répondu, il faut pratiquer. Plus vous pratiquerez, plus ça va se détendre. Je lui ai dit que c'était très douloureux et que ça ne motivait pas du tout, ni même mon compagnon qui est désolé de me faire mal. Elle m'a prescrit un lubrifiant et une crème anesthésiante mais ce n'est pas une solution!

Enfin bref.

Voilà 7 ans que je pleure à chaque fois que je repense à cet accouchement et aux mois qui ont suivi.

7 ans que je culpabilise de ne pas avoir réussi à accoucher dignement, de ne pas avoir réussi à accueillir ma fille comme il se doit. J'ai été en thérapie à cause de ça. Ma fille a eu des répercussions car elle était persuadée du haut de ses 2 ans à l'époque que c'était de sa faute (c'est dire l'image que je projetais lorsque je parlais de ce moment).

Et l'actualité m'a permis de me rendre compte que non je ne suis pas coupable, non je n'ai pas échoué. J'ai été maltraitée...

Ce témoignage me sert de thérapie aujourd'hui.

Pouvoir écrire tout ça sans pleurer, en étant juste en colère, me délivre de 7 années de culpabilité.

Merci à toutes ces femmes qui ont dénoncé.

(Le nom de l'auteur a été modifié à sa demande)

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.