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Comment la défaite du PQ s'explique sans remettre en question le projet souverainiste

Le résultat du 7 avril n'est aucunement un résultat «anti-souveraineté», et encore moins «pro-Canada». Il constitue simplement un rejet clair et, espérons-le définitif, de la stratégie indépendantiste depuis plus de 40 ans.
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« Les très grandes questions sont celles sur lesquelles, le premier venu, pas plus qu'un autre, n'a de chance de déraisonner. » - Jean Rostand

Les jérémiades lancées après le 7 avril par de vénérables tribuns, tels que MM. Gilles Vigneault et Gérard Bouchard, selon lesquelles la défaite du Parti Québécois annoncerait l'enterrement de l'idée souverainiste sont navrantes. Les leaders souverainistes et militants radicaux sont déçus des Québécois, qu'ils voient comme des inconscients, sans fierté, ni estime d'eux-mêmes. «Gens du pays, c'est votre tour de vous laisser copieusement insulter!»

Quand l'élite nationaliste renonce à son rôle de guide et de soutien moral, quand ses icônes perdent espoir en l'avenir et détournent la tête plutôt que de chercher à comprendre le sens des événements, que reste-t-il ?... Il reste les premiers venus, dont je suis. Car en tant que souverainiste, je me détache complètement de ces lamentations, de ce portrait réducteur et désespérant qui donne envie à des Louise Beaudoin de « jeter l'éponge » et de ravaler « le goût du pays ». Car le résultat du 7 avril était prévisible et parfaitement compréhensible. Il met plutôt en lumière l'intelligence collective des Québécois et la sagesse des urnes. Il nous révèle aussi les principaux traits de « l'identité québécoise », prétendu sujet de réflexion du sociologue Gérard Bouchard.

Le résultat du 7 avril n'est aucunement un résultat « anti-souveraineté », et encore moins « pro-Canada », mais constitue un rejet clair et, espérons-le définitif, de la stratégie indépendantiste depuis plus de 40 ans, voulant que de porter au pouvoir un parti politique indépendantiste soit objectivement un acte vers l'indépendance, lui permettant de proposer son option par référendum. Cette stratégie, jamais révisée, est une parfaite absurdité.

Il est en effet contradictoire, d'une part, d'exercer le pouvoir sur ses semblables, par une multitude de décisions affectant leur niveau et qualité de vie, en étant exposé à la controverse, à la critique et au mépris, et, d'autre part, de proposer un changement constitutionnel radical, comportant une large part d'incertitude. Comment peut-on espérer obtenir une large adhésion en faveur d'un tel changement politique lorsque le taux de satisfaction envers un gouvernement, dans les sociétés occidentales, oscillent entre 30 et 40%, rarement plus et souvent moins ?

Avant de proposer une solution à cette apparente impasse, revenons à l'élection du 7 avril et à « l'identité québécoise »: Avant de prédire sur Facebook, à 20h08, un gouvernement libéral majoritaire, car « La force des libéraux ce sera toujours l'isoloir! Parce que personne ne se vante d'être libéral... » , j'avais écrit le 25 mars : « Un retour du PLQ au pouvoir serait très compréhensible: les Québécois se méfient des idéologies... idéologie de droite, de gauche, d'objectif politique (l'indépendance), car ils ont l'impression de ne pas contrôler ce qui va leur arriver. C'est demander un acte de foi pour une vision du monde et de la société, qui "devrait être ça" parce que quelques-uns le pensent... Les Québécois, dans leur vaste majorité, sont des modérés. Et le Parti libéral (vu sur le long terme) est un parti modéré, qui va dans le sens du vent. Ça sécurise la population, pas dans le sens droitiste du terme, mais dans le sens où la population a mieux l'impression de contrôler son destin. ».

Il faut comprendre que les Québécois ont rejeté un Parti québécois qui ne proposait aucun projet rassembleur. La « charte » était un facteur de désunion et de tension sociale qui ne fut d'aucun secours au PQ. Nous avons eu droit à dix-huit mois de recul et de radicalisme aveugle. Sans compter que l'avilissement du débat parlementaire, initié par Mme Marois contre M. Charest, s'est reflété en campagne en une suite de provocations et de grossièretés. La seule chose qui me faisait craindre pour M Couilllard était son calme et sa résilience, mais c'était oublier que la boxe, comme la politique, ne n'est pas seulement de cogner, mais aussi d'encaisser...

Soyons bref : les Québécois n'obéissent pas au « Qui m'aime me suive ! » Tout est dit. Et les exemples de René Lévesque, Lucien Bouchard, Gilles Duceppe, Félix Leclerc et autres auraient dû en instruire la classe politique depuis longtemps déjà. Les Québécois veulent des démonstrations claires, qu'on fasse appel à leur intelligence, d'où leur allergie aux idéologies portées par une clique d'intellectuels flottant à des lieux du monde ordinaire et des « vraies affaires », et dont M. Jean-François Lisée, notamment en est l'archétype parfait.

Le péché originel des indépendantistes est d'avoir sous-estimé l'intelligence des Québécois. Jamais, dans aucun autre pays, n'a-t-on cru qu'il suffisait d'embrigader les chanteurs populaires, les artistes et les poètes pour gagner l'émancipation politique ! Les meneurs du mouvement souverainiste ont échoué, parce qu'ils n'ont jamais essayé, à « renverser le fardeau de la preuve » sur le dos des fédéralistes : il fallait se demander « pourquoi devrions-nous rester ? » et non pas « pourquoi devrions-nous partir ? »

Ce à quoi doivent se résigner les souverainistes, ce n'est pas que les Québécois soient réfractaires, par nature, par une sorte de malédiction génétique, à l'idée d'indépendance, mais à reprendre le processus depuis le début, avec une méthode différente. Les Québécois ne veulent même pas entendre parler de référendum sur la souveraineté du Québec parce qu'ils savent que la même méthode donnera le même résultat. La solution qui s'impose est donc d'évacuer l'argumentation en faveur de la souveraineté du débat politique partisan, afin de pouvoir faire la promotion continuelle de l'option souverainiste en dehors de l'Assemblée nationale : il faut un mouvement souverainiste bicéphale.

Premièrement, une voix militante créée par l'action concertée de tous les organismes en faveur de la souveraineté, qui agissent actuellement de façon isolée et sans aucune concordance. Ce militantisme devrait cependant s'étendre au-delà des arguments axés sur la protection du français et de la culture québécoise, qui a dégénéré, ces dernières années, en xénophobie non avouée. Il faut inclure parmi les arguments en faveur de la souveraineté tout un volet d'instruction populaire sur les origines et la justification initiale du fédéralisme canadien, et démontrer comment les amendements constitutionnels ayant confié au fédéral les compétences en matière d'assurance-chômage (en 1940) et de pensions de vieillesse (en 1963) l'on profondément perverti, au point que ces deux mesures sociales, par essence de compétence provinciale, ont servi d'arguments lors des deux référendums de 1980 et 1995. Il tient du surréalisme et de l'hallucination qu'après deux échecs référendaires, causés en bonne partie par de vicieuses campagnes visant les personnes âgées et les travailleurs à statut précaire, aucun gouvernement péquiste n'a entamé, ni même invoqué le transfert au Québec de ces responsabilités « d'une nature purement locale ou privée dans la province. » (par.16, art. 92, l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique de 1867) Évidemment, il n'est pas question ici d'un amendement constitutionnel, mais d'une entente administrative incluant le transfert des cotisations afférentes à ces programmes.

Deuxièmement, alors seulement, un parti politique souverainiste justifierait son existence, recueillant les fruits d'un travail de promotion continuelle, planifiée et constamment présente, et de démocratisation de la connaissance. Si la constitution canadienne n'a pas le caractère édifiant de la constitution américaine (que l'on fait réciter aux enfants d'écoles), il ne faut pas présumer que le fonctionnement et les possibilités de réforme structurelles du Canada soient inintéressants et inaccessibles à l'intelligence moyenne. Ainsi pourront être exposés, lors d'un référendum, les arguments souverainistes, sans craindre la désinformation, la calomnie et les grossiers mensonges. L'idée est-elle si déraisonnable, de remplacer les hurlements tribaux de « on veut un pays ! » par une humble courbette vers ceux de qui l'on voudrait faire le bonheur ? Il s'agit de tenter de rejoindre tant les électeurs qui désirent « un bon gouvernement », que les souverainistes « étapistes », et même les « caribous », hantés par l'idée de mourir au Canada.

Si le Parti québécois ne prend pas l'initiative de réorienter la stratégie indépendantiste par une forme de militantisme bicéphale, tel que proposé ici, il renoncera définitivement à son rôle historique, sans même devoir abandonner son « article 1 ». Sinon, l'indépendance du Québec demeurant une option défendable, comme celle d'une confédération d'états indépendants, la promotion d'un changement constitutionnel majeur pourrait être reprise par n'importe quel autre parti. Même les pragmatiques libéraux pourraient être tentés d'opérer tranquillement ce changement, car la stabilité économique est la seule chose qui attache les libéraux au fédéralisme. Car ni le sentiment du « beau et grand pays qu'il ne faut pas détruire », ni la création récente de « valeurs canadiennes » par le « Québec power », et certes pas la monarchie britannique, la morale biblique fondamentaliste, le multiculturalisme anglo-saxon ou l'héritage militaire canadien, ne forment une garantie d'allégeance permanente du peuple québécois au fédéralisme canadien.

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