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#WikiLeaksÉlysée: bienvenue (de nouveau) dans la réalité!

Après Edward Snowden, la NSA semble avoir une seconde taupe au sein de ses services.
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À croire que l'histoire se répète inlassablement et que personne ne fasse jouer sa mémoire... À moins que tout cela ne soit qu'un simple jeu de posture... À moins que les politiques soient vraiment convaincus par leurs propos et, dans ce cas, la gravité est extrême...

Bref, depuis le 23 juin, la France, ou plutôt les médias, sont tenus en haleine par les dernières «révélations» (je mets les guillemets à bon escient) de WikiLeaks. Qu'apprend-on? Que les États-Unis, à travers la NSA, ont espionné depuis le début des années 2000 des officiels français et, surtout, les trois derniers présidents de la République: Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Les «révélations» contiennent quelques anecdotes (la perception américaine de l'ego d'un président, les bourdes d'un ministre) et des compte-rendus sur des écoutes réalisées afin d'être tenus au courant des détails de négociations diplomatiques et économiques.

En réaction à ces «révélations», le président français a convoqué un conseil de défense pour afficher sa fermeté et, semble-t-il, sa colère, pour au final dénoncer des «méthodes inacceptables». Un consensus se fait jour au sein de la classe politique avec des demandes de fermeté à l'égard des États-Unis de la part de parlementaires de droite comme de gauche, même si quelques voix (bienvenues?) ont dénoncé le cirque médiatique qui se déroule sous nos yeux.

La France fait les gros yeux en convoquant l'ambassadeur américain, et le président Hollande doit appeler son homologue américain. Mais en fin de compte, que va-t-il se passer? Rien, strictement rien! La France, ou plutôt ses représentants politiques, font mine de ne pas savoir que les services américains les espionnent depuis des années, avec l'aide parfois de leurs alliés et partenaires comme l'Allemagne.

Ont-ils oublié les révélations, pourtant récentes, d'Edward Snowden? Ne se souviennent-ils pas du réseau Echelon qui permit aux Américains il y a des années de mener des écoutes pour servir leurs intérêts politiques et économiques? Les récentes révélations (début 2015) en Allemagne sur l'espionnage réalisé par le BND (services secrets allemands) pour le compte des États-Unis contre la France nous rappellent qu'en matière de renseignement, il y a des partenaires qui partagent des intérêts communs, mais il n'y a pas d'ami, d'allié total.

La France qui se sent trahie aujourd'hui n'agit-elle pas de la sorte également? Des politiques, dont le premier ministre, semblent indiquer que ce n'est pas le cas. Soit ce dernier est mal informé, soit la France est mal protégée et c'est très inquiétant. En vérité, la France agit de la même façon que les États-Unis, espionnant ses ennemis comme ses alliés, nouant des partenariats avec des services de renseignement étrangers lorsque cela lui est utile (lutte contre le terrorisme, par exemple). D'où une critique pour le moins mesurée jusqu'à présent du président de la République qui, au mieux, affichera son mécontentement mais ne provoquera pas de bouleversement dans les relations franco-américaines. Cela lui est impossible et, surtout, ne servirait pas les intérêts de la France.

Passés la tempête médiatique et les cris d'orfraie des responsables politiques, la situation va redevenir ce qu'elle était. On peut faire l'hypothèse sans trop prendre de risque que les États-Unis vont nier écouter actuellement le président français, refuser de faire des commentaires, et minimiser la portée de ces révélations en rappelant que ce sont des pratiques courantes.

Ces trois points peuvent donner l'image d'une Amérique toute puissante qui ne se soucie des critiques de ses alliés: c'est en partie vrai. Les États-Unis ont un budget et des moyens techniques pour leur renseignement sans commune mesure avec ceux de leurs alliés ou leurs ennemis. Pourquoi ne pourraient-ils pas en profiter? Penserions-nous de la même façon si la France était la plus puissante en la matière? Les États-Unis ne font que tirer parti d'un avantage compétitif qu'ils mettent au service de leur puissance et de leurs intérêts. Car ce qui est important dans cette affaire, c'est que les États-Unis peuvent aisément avoir des coups d'avance lors des négociations avec leurs partenaires. Qu'il s'agisse du Traité transatlantique, des négociations sur le nucléaire iranien, sur la guerre en Ukraine, grâce à leur toute-puissance numérique, ils savent où agir. En d'autres termes, les dés sont pipés.

Les Européens, la France qui est la cible dans le cas présent, ne pourront jamais s'assurer qu'ils ne sont pas écoutés. Cependant, ils peuvent rendre plus difficile le travail des autres agences de renseignement via une véritable politique en matière de savoir-faire technologique, afin d'avoir enfin des outils efficaces, pratiques et sécurisés, évidemment essentiels pour nos dirigeants. Il ne peut s'agir que d'initiatives nationales, étant donné que chaque État défend ses propres intérêts: cela doit passer par des initiatives stratégiques de grande ampleur afin de développer des pôles technologiques à même de concurrencer les géants américains dont les technologies sont mises à contribution par la NSA.

C'est évidemment compliqué à mettre en place, mais il en va des intérêts vitaux et stratégiques d'une puissance, sans quoi son pouvoir n'est qu'un mirage. Ce serait un message plus pertinent adressé à l'allié américain, plutôt que de feindre de découvrir la réalité d'un monde fait de collectes d'informations à des fins stratégiques. Cela donnerait en outre une crédibilité accrue à nos politiques, dont les éléments de langage répétés en boucle laissent à penser que soit ils ne connaissent pas le sujet, soit ils sont incompétents.

Dans cette histoire, le danger, paradoxalement, est à chercher au sein de la NSA. La toute puissante agence de renseignement semble avoir une seconde taupe au sein de ses services, après Edward Snowden qui avait révélé les techniques (ce qui était bien plus intéressant que les analyses publiées depuis hier) de collectes d'information.

Tel un colosse aux pieds d'argile, la NSA a en elle-même sa propre faiblesse. Un service de renseignement n'est bon tant que ses méthodes et ses actions ne sont pas révélées au grand jour. À chaque révélation, c'est une crise diplomatique d'ampleur diverse qui se crée. La NSA a tout intérêt à repenser son mode de fonctionnement car, malgré son budget, ses employés, ses outils, son incapacité à mettre la main sur cette seconde taupe risque de lui nuire à très court terme.

En attendant sans doute de nouvelles «révélations» qui vont tenir en haleine les médias pour des contenus souvent creux, on peut penser que l'intensité médiatique va décroître rapidement et que les projets d'une remise à plat des activités des services de renseignement entre alliés, l'établissement d'un «code de bonne conduite» (déclaration du premier ministre) ne resteront que des discours vains. Peut-il en être autrement? Non, et les dirigeants doivent systématiquement agir en gardant cette idée en tête, pour ne pas être bercés d'illusions et échouer dans leurs missions.

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Mai 2017

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