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Une photographie qui questionne notre humanité...

Cette photographie, insoutenable, remet l'humain au centre du débat. Certes, des considérations politiques, économiques et géopolitiques entrent évidemment en compte dans ce débat sur le secours et l'accueil des réfugiés, mais il faut cesser ce cynisme ambiant qui relativise le prix de la vie humaine au nom d'une responsabilité politique qui en vérité devient une irresponsabilité historique.
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Depuis hier circule sur les réseaux sociaux une photographie montrant un enfant syrien mort, échoué sur une plage turque, face contre terre. Cette même photographie est aujourd'hui reprise par de nombreux médias européens qui en font leur Une, à l'exception notable de la France, où les versions numériques des sites de quotidiens privilégient l'actualité nationale, et en particulier la crise que connaît le secteur agricole.

Sans remettre en cause cette dernière, on est en droit de s'interroger sur la manière dont les médias traitent l'actualité et sur la façon dont nous l'intégrons dans notre vie quotidienne. Certes, plusieurs chaînes d'information ont commencé leur journal en montrant la photographie de cet enfant mort, mais le reportage n'a duré qu'une minute, comme si c'était déjà trop et qu'il fallait passer à autre chose... Mais passer à quoi ?

A titre personnel, j'ai découvert par hasard cette image sur Twitter, perdue parmi des milliers de tweets qui apparaissent chaque jour sur mon compte. J'ai été traversé par de multiples émotions, principalement par de la tristesse pour cet enfant mort si jeune dans des conditions infâmes et pour sa famille qui a pris tant de risques pour fuir la guerre et espérer une vie meilleure pour son fils. Mais il y a aussi la colère, car ce drame, qui est loin d'être une exception malheureusement, aurait pu être évité.

On ne peut pas dire que nous ne savions pas : depuis des mois, les médias traitent de ces réfugiés et migrants qui fuient leurs pays en guerre, non pas par plaisir ou pour attaquer nos pays comme ose honteusement le proclamer l'extrême-droite, mais simplement pour survivre, pour vivre dans des conditions humaines.

Jusqu'à présent, nous assistons à une absence de stratégie et de solutions (elles existent pourtant même si elles sont compliquées à mettre en place) avec des dirigeants politiques qui se complaisent dans un discours censé être « ferme », affirmant leur soi-disant humanité tout en se refusant à prendre des mesures exceptionnelles, à même de répondre à la crise humanitaire qui sévit. Les médias sont aussi responsables, car la façon dont ils traitent ce sujet, certes compliqué à entreprendre, ne laisse aucune place à l'humain. On demande aux réfugiés d'où ils viennent, ce qu'ils fuient, où ils vont, mais je n'ai pas entendu jusqu'à présent un journaliste demander à un réfugié comment on pouvait l'aider. Pourtant, il me semble qu'il s'agit de la première et principale question à poser dans une telle situation.

On nous donne des chiffres, toujours plus grands, pour nous sensibiliser, mais en réalité l'effet est contreproductif : l'indignation ne dure qu'un instant et ne reprend que lors d'une autre annonce avec un chiffre plus élevé. Cela me fait penser à la guerre en Irak de 2003 où chaque jour, les journaux télévisés évoquaient en une poignée de secondes tel attentat qui avait coûté la vie à des dizaines de civils de la même façon qu'ils parleraient du cours de la bourse. Seul un nombre « anormal » permettait quelques secondes de plus de reportage ou d'analyse...

Cette photographie, insoutenable, remet l'humain au centre du débat. Certes, des considérations politiques, économiques et géopolitiques entrent évidemment en compte dans ce débat sur le secours et l'accueil des réfugiés, mais il faut cesser ce cynisme ambiant qui relativise le prix de la vie humaine au nom d'une responsabilité politique qui en vérité devient une irresponsabilité historique.

Les murs que construisent des pays européens sont autant de lacérations portées contre nos principes, nos valeurs que nous sommes si prompts à invoquer en général. Les positions attentistes des dirigeants européens font d'eux des complices du drame qui se joue sous nos yeux. Au nom de la complexité du problème, on veut prendre son temps, c'est-à-dire laisser des gens désespérés prendre d'énormes risques pour protéger leurs familles. On laisse des pays comme l'Italie affronter seule une crise humanitaire tout en se permettant de lui faire la leçon alors qu'elle alerte depuis des mois ses « partenaires » de la nécessité d'une action collective.

Ces fameux partenaires préfèrent le repli sur soi, pour satisfaire soi-disant leur opinion qui ne veut pas des réfugiés. Ce discours nauséabond peut-il tenir ? L'inhumanité doit-elle devenir la ligne de conduite de la puissance Europe ? La chancelière Merkel, après de nombreuses contradictions propres à son tempérament, adopte un discours mobilisateur, humain, en annonçant accueillir 800 000 réfugiés syriens. Il faudra évidemment juger sur pièce, mais c'est le seul dirigeant européen à avoir un tel langage et à redonner espoir.

Les dirigeants européens se doivent d' « ouvrir les vannes » : oui, je reprends cette expression affreuse employée par nombre de politiques, mais oui, il faut les accueillir dans les meilleures conditions possibles. Je sais que ce message est à contre-courant de ce qu'on lit partout, mais il répond à un impératif : retrouver notre humanité, celle-là même que nous avons perdue dans un cynisme général, oubliant le passé et laissant l'Autre dans son malheur.

Cela ne peut se faire sans une mobilisation générale des citoyens, qui réaffirmeraient leur attachement à la personne humaine et leur volonté de prendre leur part à l'aide immense qui doit être portée à ces réfugiés. Certes, cela aura un coût et certains esprits chagrins rappelleront que bon nombre de pays européens sont dans une situation économique délicate. Mais on ne nous fera pas croire que l'on ne peut gérer ces milliers de réfugiés, car si c'était le cas, cela signifierait que l'Europe n'a pas d'avenir.

Au lieu d'hésiter à montrer cette photographie, il faut au contraire la brandir devant nos dirigeants pour leur demander des comptes, pour qu'ils agissent. Ils pourraient se rendre sur place ensemble et prendre l'engagement de tout faire dès maintenant pour qu'un tel drame ne se reproduise pas. L'image serait forte, et l'Europe retrouverait de sa splendeur en cessant de renier ses principes.

Et tout en aidant ces réfugiés, les pays européens devraient clairement s'interroger et revoir leurs liens avec les dirigeants des pays pourvoyeurs de migrants et de réfugiés qui sont quasiment tous corrompus, intéressés par leur seul profit personnel, prenant leur population en otage. Au nom de la Realpolitik et des échanges économiques, on enrichit des dictateurs qui au final nous affaiblissent.

Il faut du courage à nos dirigeants pour emprunter ce chemin et c'est malheureusement une vertu qui se perd. Mais laisser la situation telle qu'elle revient à laisser l'Autre mourir et à se laisser mourir.

Retrouvons un peu d'humanité, elle nous fait malheureusement de plus en plus défaut en ces temps où elle est pourtant indispensable.

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