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Contestation de la Loi sur la succession royale: Harper renie l'indépendance du Canada

Seul le Canada fait figure de «Tanguy» et de féal serviteur de l'Empire britannique, auquel il continue d'adhérer fantasmagoriquement.
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Voici le premier texte d'une série de trois s'inscrivant dans le contexte de la contestation judiciaire de la Loi fédérale sur la succession royale, qui a débuté cette semaine à Québec en Cour supérieure.

À la suite d'une demande exprimée en 2011 par le gouvernement britannique lors d'un sommet du Commonwealth, le Parlement d'Ottawa a fait sanctionner une loi visant à harmoniser les règles de succession royale canadiennes aux nouvelles règles de succession anglaises. Ces nouvelles règles consistaient, entre autres, à abolir le principe misogyne de la primogéniture conférant au premier héritier mâle d'une dynastie le privilège d'accéder au trône. Ainsi, si la princesse Kate eut accouché d'une fille en 2011, grâce aux modifications aux règles de succession celle-ci serait devenue, de plano première aspirante aux titres royaux parmi sa fratrie.

D'aucuns se demanderont pourquoi le Canada doit nécessairement adopter sa propre loi en cette matière... Or, quoiqu'on puisse penser, le trône canadien et le trône anglais constituent deux trônes distincts, représentant deux États tout aussi distincts et censément indépendants l'un de l'autre. Le fait qu'une même personne occupe ces deux charges, en l'occurrence Élisabeth II, n'y change rien: au Canada, sa Majesté Bebeth règne non pas à titre de reine d'Angleterre, mais en tant que reine du Canada. Elle-même a déjà mentionné qu'elle faisait partie de la «famille royale canadienne» lors de la première séance de la législature du Nunavut...

Théoriquement donc, le Canada pourrait décider de changer de reine ou de famille royale, en désignant comme monarque une personne n'appartenant pas à la dynastie des Windsor. Par exemple, Céline Dion ou Ti-Mé.

Hic

Il y a cependant un hic. Un gros hic. Plusieurs constitutionnalistes estiment qu'au Canada, un tel changement aux règles de succession nécessite de rouvrir la Constitution, voire d'obtenir l'accord unanime de toutes les provinces, ce qui conférerait au Québec rien de moins qu'un droit de veto!

De manière inespérée, le Québec bénéficierait donc d'une position de force vis-à-vis d'Ottawa pour rouvrir une ronde de négociations constitutionnelles. Le statu quo dans lequel se complaisent les politiciens fédéralistes serait ainsi ébranlé, puisqu'on ramènerait fort probablement sur la table le dossier remarquablement épais des revendications traditionnelles du Québec, qui depuis les échecs de Meech et Charlottetown a drôlement accumulé de la poussière.

Ce n'est donc pas pour rien que Stephen Harper, conscient du danger que cela représente pour l'unité canadienne, a plutôt voulu jouer les acrobates en adoptant une Loi sur les règles de succession royale fondée sur une interprétation juridique qui croit possible de contourner unilatéralement la Constitution de 1982 sur cet enjeu, jusqu'à renier l'indépendance du Canada.

En effet, cette loi opère un retour dans le temps et s'appuie sur une situation où les lois du Royaume-Uni concernant la charge de reine s'appliquaient encore au Canada, alors Dominion britannique, sous réserve toutefois que le Parlement du Dominion y donnât son «assentiment».

Le Canada se comporte toujours en colonie britannique

C'est ainsi qu'en 2013, comme si nous avions été en 1933, le Parlement fédéral, sans doute nostalgique de l'époque coloniale, a donné son «assentiment» à la loi britannique de modifications aux règles de succession, lors même que le Royaume-Uni n'a que faire de cet «assentiment» et considère certes son rejeton canadien comme un État indépendant...

Même une constitutionnaliste australienne n'en revient pas, alors que là-bas, comme ailleurs dans le Commonwealth, les États membres ont procédé selon leur constitution respective. Seul le Canada fait figure de «Tanguy» et de féal serviteur de l'Empire britannique, auquel il continue d'adhérer fantasmagoriquement.

Convaincu d'avoir agi de manière constitutionnellement valide, le fédéral doit maintenant composer, depuis lundi, avec une contestation constitutionnelle menée par des constitutionnalistes québécois. Fait notable, même le Procureur général du Québec y intervient en faveur des requérants. On leur souhaite bonne chance dans ce combat qui, malgré les apparences, n'a rien d'insignifiant pour les intérêts du Québec!

Je discuterai plus en détails dans les deux prochains articles des problèmes juridiques, constitutionnels et politiques soulevés par cette fameuse question.

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