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PQ, PLQ, CAQ: analyse des stratégies électorales

La semaine ne fut pas parfaite pour Pauline Marois et son équipe. L'attaque personnelle de Gilles Duceppe à l'endroit d'Amir Khadir était revancharde et mal avisée, ce que même les adversaires les plus virulents de la « gogauche » ont trouvé déplacé. Sans être directement lié au PQ, ce dérapage pourrait avoir un impact sur les électeurs qui hésitent encore entre le PQ et QS. Même si madame Marois a déclaré qu'elle n'endossait pas les propos de Duceppe, sa réponse manquait de fermeté et surtout de finesse.
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Sans être une semaine décisive, la première semaine de la campagne électorale fut malgré tout parsemée de surprises. La CAQ, que plusieurs croyaient condamnée à présenter des vires-capots et des candidats inconnus, en a surpris plus d'un grâce à deux candidatures importantes : Gaétan Barrette a finalement fait le saut alors que Jacques Duchesneau, sorti de nulle part, ajoute une dose de crédibilité à la Coalition Avenir Québec nonobstant ses déclarations maladroites. Qui a marqué des points et surtout quelles seront les conséquences de cette première semaine pour le reste de la campagne?

Parti Québécois

Le Parti Québécois est probablement le parti qui a le mieux fait durant la précampagne. Si Jean Charest pouvait, grâce à son poste, sillonner le Québec aux frais des contribuables et distribuer des centaines de millions de dollars, le PQ a néanmoins réussi à prendre les devants en présentant un nombre étonnant de candidatures intéressantes telles que Djemila Benhabib, Léo Bureau-Blouin, Pierre Duchesne, Daniel Breton et plusieurs autres. Néanmoins, ces candidatures vedettes ont perdu de leur nouveauté par leur annonce précoce, ce qui a amoindri leur portée comparativement aux annonces des candidatures de Gaétan Barrette et Jacques Duchesneau.

La première semaine de campagne du Parti Québécois, sans être parfaite, a malgré tout bien commencé. Pauline Marois et son équipe ont passé la première journée de la campagne dans le métro de Montréal à prendre un bain de foule, ridiculisant du coup Jean Charest qui accuse constamment Pauline Marois d'être une femme de la rue. S'autodéfinir plutôt que laisser son adversaire le faire pour vous est toujours une bonne chose en politique comme ailleurs et Pauline Marois a bien saisi cette occasion d'assumer la « rue » à son avantage. Le contraste avec Jean Charest, entouré de gardes du corps et craintif des bains de foule, est saisissant et donne certainement des points au Parti Québécois. L'annonce de la candidature de Jean-François Lisée dans Rosemont, un secret de polichinelle, est une autre excellente nouvelle pour le PQ. Lisée est certes brillant et, sans pour autant jouir d'une réputation comme Duchesneau, est un important gain pour le Parti Québécois.

Malgré tout, la semaine ne fut pas parfaite pour Pauline Marois et son équipe. L'attaque personnelle de Gilles Duceppe à l'endroit d'Amir Khadir était revancharde et mal avisée, ce que même les adversaires les plus virulents de la « gogauche » ont trouvé déplacé. Sans être directement lié au PQ, ce dérapage pourrait avoir un impact sur les électeurs qui hésitent encore entre le PQ et QS. Même si madame Marois a déclaré qu'elle n'endossait pas les propos de Duceppe, sa réponse manquait de fermeté et surtout de finesse (dire que tous les autres partis souverainistes divisent le vote ressemble à une admission que le PQ est le « moins pire » choix plutôt que le meilleur). Lisée est venu à la « rescousse » avec une réponse qu'aurait dû avoir la chef péquiste, c'est-à-dire qu'il respecte Khadir et voudra travailler autant avec celui-ci qu'avec Duceppe pour réaliser l'indépendance du Québec.

Un autre ombrage au tableau, quoique modeste, fut la réponse à l'arrivée en scène de Jacques Duchesneau. Pauline Marois a certainement bien fait de ne pas s'attaquer directement à Duchesneau, ce qui aurait fait plus de mal que de bien au PQ. En effet, une telle attaque frontale serait interprétée par une peur de Duchesneau et donnerait l'impression que le PQ a autant de squelettes dans son placard que le PLQ. Malgré tout, comme l'annonce officielle était précédée d'une journée complète de rumeurs, madame Marois et son équipe auraient mieux fait de préparer une réponse à l'inévitable question des journalistes à savoir ce qu'elle pense de l'arrivée de Duchesneau en politique active. Faire une déclaration positive tout en ébranlant la crédibilité de Duchesneau aurait été préférable à éviter les questions comme l'a fait la chef du PQ. Par exemple, elle aurait bien pu souhaiter la bienvenue à Duchesneau tout en disant comprendre que, par son don passé de 2 500 $ au Parti libéral, il est fédéraliste et ne voulait donc pas s'investir dans un parti souverainiste. Une telle attaque "subtile" aurait mieux fait pour ébranler la crédibilité de Duchesneau tout en associant le PLQ à la CAQ que toutes tentatives d'attaques directes.

D'un autre côté, la conférence de presse organisée par St-Arnaud, Drainville et Girard était une bonne chose à faire, même si le dossier sélectionné n'aura peu d'effets sur le reste de la campagne. Le Parti Québécois doit faire usage de ses candidats plutôt que de tomber dans le piège d'une personnification du débat tant souhaitée par Jean Charest. En ce sens, Pauline Marois devrait miser au maximum sur son équipe afin de contourner le handicap que constitue son faible taux de popularité. Bref, il faudra faire mieux du côté du Parti Québécois afin d'espérer former le gouvernement même si la semaine fut, dans l'ensemble, correcte.

Parti libéral du Québec

Pour Jean Charest, la première semaine de la campagne fut désastreuse. Sa promesse de créer 250 000 emplois fut critiquée comme étant superflue puisque calquée sur les prévisions économiques, indépendantes du politique. Sa proposition de verser 100 $ par élève du primaire fut tout aussi critiquée pour sa contradiction avec la position du PLQ envers les étudiants universitaires. Aucune de ces annonces n'ont eu les effets souhaités par Jean Charest.

La stratégie libérale ne fait pas de doute : préserver autant que possible ses appuis tout en menant une campagne de salissage contre ses adversaires afin de passer pour le choix le « moins pire ». Avec une stratégie aucunement subtile, M. Charest a plutôt versé dans l'excès et s'est du coup tiré dans les pieds. Quand il affirme, le plus sérieusement du monde, que sans le PLQ ce sera le chaos, il verse dans la caricature et se discrédite. Sur les réseaux sociaux, ce type de déclaration a rapidement été tourné en dérision, certains affirmant que le chaos serait une nette évolution par rapport au statu quo. Il a également tenté le même coup avec les médias anglophones, affirmant notamment que si les électeurs anglophones s'abstiennent de voter ceux-ci se retrouveront en campagne référendaire d'ici 4 ans, nonobstant le fait que personne ne croit réellement que le PQ tiendra un référendum, Jean Charest inclusivement. Ce manque de subtilité a été perçu comme une insulte à l'intelligence des anglophones, faisant perdre à M. Charest des appuis dans cette communauté pourtant vitale à sa réélection.

Néanmoins, attaquer Duchesneau était nécessaire pour le PLQ afin de se défendre des allégations de ce dernier. Sur ce point, Jean Charest a fait ce qu'il devait faire, demandant à Duchesneau de rendre publiques ses « preuves » maintenant qu'il est candidat. En effet, utiliser son statut d'ex-enquêteur pour affirmer que le financement du PLQ est à 70 % illégal sans fournir de preuves est d'une grande bassesse. Jean Charest a également visé juste en se moquant de la prétention de Duchesneau à nommer les ministres, blaguant que désormais Legault se chargera du compte Twitter alors que Duchesneau dirigera le Québec. Malgré tout, M. Charest n'a rien de nouveau à offrir aux Québécois et est constamment sur la défensive. Cela dit, il doit aujourd'hui attendre impatiemment la rentrée universitaire tout en espérant qu'elle sera chaotique. Jusqu'à présent, les déclarations de la CLASSE laissent sous-entendre que le plan de Jean Charest est dans la bonne voie et que la rentrée pourrait re-polariser la population autour du conflit étudiant . Ayant totalement perdu le contrôle de l'agenda, il faut s'attendre à voir un Jean Charest sur la défensive jusqu'à la rentrée, pour ensuite espérer un ralliement d'une partie de la population au PLQ tout en divisant au maximum le vote francophone entre la CAQ et le PQ advenant une rentrée dans le désordre.

Coalition Avenir Québec

Beaucoup a déjà été dit sur la CAQ, je vous épargnerai donc d'un réchauffage d'opinions en demeurant aussi bref que possible. L'acquisition de Duchesneau et du Docteur Barrette a permis à François Legault de reprendre une vigueur que l'on croyait longtemps disparue. Sans être une semaine parfaite, je serais tenté de dire comme plusieurs que la CAQ est le parti ayant marqué le plus de points, notamment en contrôlant l'agenda grâce à l'arrivée de Duchesneau. Ces points demeurent fragiles puisque Duchesneau devra maintenant défendre ses allégations. Les déclarations de ce dernier ont également démontré qu'il possède des connaissances limitées du politique et surtout qu'il a une soif de pouvoir qui pourrait bien se retourner contre la CAQ. François Legault aura la difficile tâche de contrôler une équipe maintenant constituée de deux nouvelles têtes fortes afin d'éviter des bourdes qui pourraient faire perdre à son parti une crédibilité nouvellement acquise. Si la CAQ a bien fait au niveau de l'image, l'effet de nouveauté s'estompera rapidement et il faudra bien présenter des projets qui auront un effet durable. Parier démesurément sur l'éducation ne marquera aucun point pour la CAQ alors que miser sur l'éthique, bien que d'actualité, pourrait se retourner contre la Coalition Avenir Québec compte tenu de ses pratiques de financement agressives. De plus, si les « preuves » de Duchesneau s'avèrent être infondées ou inefficaces, la CAQ pourrait bien se retrouver en mauvaise posture. Jusqu'à présent, les politiques proposées par l'Équipe Legault s'apparentent étrangement à celles du PLQ avec comme principale différence un souci pour l'éthique. Il faudrait donc pour la CAQ se démarquer du PLQ en proposant des idées plus ambitieuses que simplement promettre une meilleure gestion. Même si la Coalition Avenir Québec a mieux fait que ses adversaires en cette première semaine, elle est toujours très loin de pouvoir espérer former le gouvernement. Il leur faudra donc proposer des idées simples et capables de rejoindre les électeurs sans que ceux-ci n'aient à lire le programme tout en se distançant davantage du PLQ qu'actuellement.

Pauline Marois en campagne

Jean Charest en campagne

François Legault en campagne

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