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La croisade contre la Charte des valeurs québécoises

Pourquoi la liberté d'expression religieuse devrait-elle avoir prédominance sur la liberté d'expression politique?
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La Charte des valeurs québécoises, nouvellement présentée, fait couler beaucoup d'encre, tant au Québec qu'au Canada-anglais. Le contraire aurait été étonnant. Cette nouvelle charte a le mérite de s'attaquer de front à la question des accommodements raisonnables, notamment en affirmant la primauté de l'égalité homme-femme à même la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Comme nous l'avons récemment vu en Ontario, alors qu'on y considérait l'application de la charia pour résoudre certains conflits familiaux, il arrive fréquemment que des groupes radicaux mettent de la pression sur les gouvernements pour qu'ils appliquent leur vision extrême de la religion. Certains organisateurs de la manifestation contre la Charte des valeurs québécoises ont d'ailleurs tenté d'implanter la charia au Québec avant que le gouvernement ne leur ferme la porte (Si ce n'est pas déjà fait, consultez le billet de blogue de Sophie Durocher pour en apprendre plus sur le sujet).

Le problème des accommodements religieux ne se limite pas au cas de la charia. Par exemple, certains employés de l'État, tels que les enseignants, reçoivent plus ou moins de jours de congé dépendamment de leur confession religieuse, alors qu'encore très récemment, un « scandale » éclatait parce que la sécurité de l'Assemblée nationale avait refusé de laisser entrer quatre membres de la communauté sikhe avec leur kirpan. Ces exemples peuvent sembler anecdotiques pour l'ensemble de la population, mais le problème est bien réel pour ceux qui doivent composer quotidiennement avec toutes sortes de demandes déraisonnables.

Plusieurs se plaignent du fait que le crucifix de l'Assemblée nationale ne sera pas retiré. Tant les arguments pour son retrait que pour son maintien se tiennent et se justifient. Par contre, le raisonnement du ministre Drainville est fort logique, contrairement à ce que soutiennent certains. Le Québec était une société extrêmement religieuse il n'y a pas si longtemps de cela. La religion catholique a façonné le Québec d'aujourd'hui. Elle fait partie de notre histoire et de notre patrimoine. Si nous retirons le Crucifix de l'Assemblée nationale, quelle pourrait être la prochaine étape? Le retrait de la croix du drapeau du Québec? Le drapeau est beaucoup plus visible que le crucifix de l'Assemblée nationale et certains demandent déjà son retrait au nom de la laïcité! Que dire de la croix du Mont-Royal? Faudrait-il la retirer également? Là aussi, certains demandent déjà son retrait. Et les noms de rue et de villes? Le gouvernement canadien a lui-même modifié la version anglaise de l'hymne national canadien à de multiples reprises et certains groupes souhaitent encore de nouvelles modifications afin de retirer les paroles à connotation chrétienne. Faudrait-il changer le nom de l'Hôpital Général Juif de Montréal? Notre État est laïque, notre histoire ne l'est pas. Un révisionnisme au nom de la laïcité serait une grave erreur et le ministre Drainville a donc une bonne raison de souhaiter le maintien du crucifix.

La réponse fédéraliste

La réaction des fédéralistes est plutôt surprenante et étonnamment agressive. L'une des réponses les plus surréalistes est venue de Marc Tanguay, député du PLQ, qui affirmait le plus sérieusement du monde que le PLQ n'a rien fait à propos des accommodements raisonnables lorsqu'il était au pouvoir à cause de l'obstruction péquiste. Le PLQ était majoritaire de 2003 à 2007, puis de 2008 à 2012. Comme nous pouvons le voir au fédéral, l'opposition est impuissante face à un gouvernement majoritaire. Affirmer que le projet de loi 94 est mort au feuilleton à cause du PQ revient à prendre les Québécois pour des tartes. La réaction à Ottawa avait également quelque chose de surréaliste. Denis Lebel, du Parti conservateur, s'est rapidement mis à critiquer le PQ et son projet. Faut-il mentionner que c'est cet homme qui, alors encore ministre des Transports, était introuvable au moment du drame de Lac-Mégantic et s'est finalement contenté de vanter le bilan de son gouvernement en sécurité ferroviaire tout en refusant d'intervenir ? Pourtant, celui-ci réagissait quelques minutes seulement après l'annonce officielle de la Charte des valeurs québécoises!

Que dire de Justin Trudeau? Lui qui comparait récemment le Québec au régime d'apartheid sud-africain en ajoutait encore en disant que les Québécois sont « meilleurs que cette charte qui ne représente pas les valeurs, l'ouverture et le positif des Québécois ». Autrement dit, puisqu'environ 70% des Québécois appuient cette charte, ceux-ci seraient donc fermés et auraient des valeurs négatives? En voilà un qui devrait se contenter de sourire et continuer d'éviter de trop parler! Marcel Côté, qui lui devrait plutôt se chercher de nouveaux spécialistes en marketing, affirmait que des femmes seront obligées de quitter leur emploi à cause de cette charte. N'est-ce pas un raisonnement étrange? Environ 20% seulement des femmes musulmanes se voilent. Si celles-ci décident de quitter leur emploi plutôt que de retirer leur voile durant les heures de travail, n'est-ce pas un exemple parfait du problème religieux? Pourquoi, même en Turquie, un pays à 97% musulman, la laïcité des fonctionnaires est acceptée depuis longtemps, mais qu'ici ce serait inacceptable? Que certaines personnes placent la religion avant tout, préférant même quitter le Québec que de retirer un symbole religieux (qui, dans le cas du hijab, ne leur est pourtant même pas imposé par le Coran!), est fort préoccupant et démontre bien que certains sont prisonniers d'une interprétation fermée de la religion.

Une autre réaction excessive nous venait de Jean Lapierre qui comparait en onde le gouvernement Marois au Front national français, rien de moins! Si vous êtes parmi le 70% de Québécois à approuver la Charte, c'est probablement parce que vous êtes un partisan de l'extrême-droite! Mais la Palme d'Or de la mauvaise foi revient malgré tout à Lysiane Gagnon.

Dans sa chronique du 14 septembre, celle-ci accuse Jean-François Lisée d'être une sorte de néo-nazi anti-anglophones cherchant à débarrasser le Québec des immigrants afin de gagner le prochain référendum. Pourquoi Jean-François Lisée, le plus anglophile des péquistes? Aucune véritable raison ; Lysiane Gagnon n'en est pas à ses premières accusations gratuites et a cette fâcheuse tendance à accuser de racisme ceux qui ne pensent pas comme elle. Personnellement, si j'étais Jean-François Lisée, je la poursuivrais pour diffamation tant l'attaque est disproportionnée et infondée.

Lisée, are you listening? André Pratte, le Mr. Smithers de la famille Desmarais, accusait de son côté les Québécois pro-Charte d'être une bande d'ignares et xénophobes banlieusards... dans le Toronto Star! Que l'appui à la Charte soit à un niveau similaire à Montréal comme en régions, indépendamment du niveau de scolarité, ne semble pas peser dans la balance. Une telle attaque contre la majorité du peuple québécois, le tout à un lectorat raffolant de Quebec Bashing, est plutôt consternant et en dit long sur cet individu qui ne rate jamais une occasion pour tenter de discréditer les souverainistes!

Bien entendu, au Canada-anglais, rien de nouveau sous le soleil : nous avons droit au « Quebec bashing » habituel. Le Toronto Sun publiait même un article titré « Quebec can learn from Nazis » alors que les autres chroniqueurs poursuivent leur habituelle hystérie contre la moindre différence québécoise. Le Canada-anglais pense laver plus blanc que blanc, mais le hic dans tout ceci est que le Canada lui-même n'est aucunement neutre et place la religion avant tout, comme l'explique la première phrase de la Charte canadienne des droits et libertés : « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ». Cette Charte qui nous a été imposée par Pierre-Elliott Trudeau est incompatible avec l'objectif québécois de laïcité puisque les caprices religieux ont bien souvent prédominance sur nos lois et nos valeurs, comme l'égalité homme-femme, dépendamment de l'humeur d'une poignée de juges sélectionnée par Ottawa. Faudrait-il pleurer/s'étonner si la laïcité proposée par la Charte des valeurs québécoises ne respecte pas la Charte canadienne des droits et libertés? D'ailleurs, parlant de cette dernière, les fonctionnaires renoncent déjà à leur liberté d'expression puisqu'il leur est interdit d'exprimer leur pensée politique. Si l'opposition à la Charte des valeurs québécoises se fait au nom des libertés individuelles, pourquoi est-ce que ces opposants ne dénoncent pas également, par souci de cohérence, ce silence imposé aux fonctionnaires? Pourquoi la liberté d'expression religieuse devrait-elle avoir prédominance sur la liberté d'expression politique?

Concluons simplement par une petite question aux politiciens fédéralistes : critiqueriez-vous aussi fermement la France, qui va pourtant plus loin que le Québec en matière de laïcité? Auriez-vous le courage d'être cohérents dans vos propos? J'en doute, tout simplement parce qu'il n'y a aucun vote à gagner en tapant sur le gouvernement français!

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