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L'antinationalisme et la haine de soi

Ne cherchez pas la cohérence ces jours-ci. Outre les évidentes lacunes en communication du gouvernement péquiste et ses propres contradictions, de nombreuses critiques contre ce même gouvernement sont elles-mêmes intrinsèquement contradictoires. Nombreux sont ceux qui critiquent la visite de Pauline Marois au Congo et en France : pour eux, la francophonie ne sert à rien et un premier ministre devrait rester au Québec pour s'occuper de problèmes plus urgents.
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CP

Ne cherchez pas la cohérence ces jours-ci. Outre les évidentes lacunes en communication du gouvernement péquiste et ses propres contradictions, de nombreuses critiques contre ce même gouvernement sont elles-mêmes intrinsèquement contradictoires. Par exemple : Pauline Marois revient de sa première tournée internationale à titre de première ministre du Québec, comme l'a fait tant de fois Jean Charest avant elle, comme Bernard Landry, Lucien Bouchard, Jacques Parizeau, Robert Bourassa, etc. Bref, tous les premiers ministres depuis Jean Lesage. Pourtant, nombreux sont ceux qui critiquent aujourd'hui la visite de Pauline Marois au Congo et en France : pour eux, la francophonie ne sert à rien et un premier ministre devrait rester au Québec pour s'occuper de problèmes plus urgents. Les mêmes qui accusent fréquemment les souverainistes d'être refermés sur eux-mêmes les accusent aujourd'hui d'aller à la rencontre d'autres chefs d'État!

Éric Caire, député de la CAQ dans La Peltrie, affirmait en onde que Pauline Marois perdait son temps au Congo et que, essentiellement, elle manquait de jugement en sortant du Québec. Comble de la bêtise, Radio X Québec affichait sur son site une photo de Pauline Marois en Adolf Hitler pour illustrer l'entrevue radio avec Éric Caire! On dénonce d'un côté que Pauline Marois s'ouvre sur le monde, puis on l'accuse de l'autre côté d'être une nazie refermée sur elle-même?

Gérard Deltell, de son côté, s'en prenait au PQ puisque Marie Malavoy affirmait récemment que l'anglais était une langue étrangère au Québec. Évidemment, d'un point de vue sociologique, Gérard Deltell a raison d'affirmer que cette langue n'est pas tout à fait étrangère aux Québécois et que la communauté anglophone habite au Québec depuis plus de 250 ans. Par contre, d'un point de vue politique, madame Malavoy avait parfaitement raison : le Québec n'a qu'une seule langue officielle, le français. Pour reprendre la logique de Gérard Deltell, il ne faudrait également pas dire que le chinois et l'italien sont des langues étrangères puisque les communautés chinoise et italienne habitent au Québec depuis plus de cent ans. Hélas, ces deux langues, tout comme l'anglais, ne sont pas des langues officielles au Québec. Les institutions québécoises doivent refléter la réalité de l'unilinguisme français de l'État, nonobstant ce qu'en pense Deltell, défenseur d'un bilinguisme institutionnel.

De plus, Stephen Jarislowsky, le milliardaire partisan de la CAQ, s'en prenait récemment au désir du PQ de protéger la langue française en disant que le Québec est une province « ermite » de plus en plus unilingue française. Pourtant, le Québec est la province où le taux de bilinguisme est le plus élevé au Canada (davantage qu'au Nouveau-Brunswick, pourtant officiellement bilingue) et ne cesse de croître, bien que plus de 80% de la population soit passée par le système scolaire francophone. Ce même Jarislowsky qui accusait le souverainisme (mouvement qui, je le rappelle, souhaite essentiellement que le Québec parle de sa propre voix dans le monde) d'être une forme de fascisme alors que le PLQ refusait de condamner ces propos. Tout est permis lorsque c'est pour frapper les nationalistes!

Il ne faudrait également pas oublier les nombreuses critiques contre le fait que Québec souhaite retirer l'anglais intensif obligatoire du secondaire, une mesure allant tellement loin qu'elle est même contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, elle-même pourtant créée en partie pour contrer la loi 101. On critique le gouvernement de vouloir abolir une mesure jugée irréaliste sur le plan technique (embauche supplémentaire de milliers de professeurs d'anglais) et surtout fortement nuisible pour le fait français. Idem pour l'anglais obligatoire en première année du primaire alors que beaucoup de jeunes ne parlent pas ou peu le français! Les mêmes qui dénoncent le « gouvernemaman », la déresponsabilisation de l'individu et la hausse des dépenses publiques souhaitent que ce même gouvernement se charge complètement de l'enseignement de l'anglais à leurs enfants, quitte à embaucher des milliers de professeurs supplémentaires!

Lors du récent épisode du « scandale » sur l'application de la loi 101 dans les CPE, l'ancienne ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (et donc ancienne responsable de l'application de la loi 101), Christine St-Pierre, trouvait révoltant que le Québec force les jeunes « poupons » à parler français. Pourtant les CPE sont publics et surtout préparent les jeunes à leur entrée à la maternelle (à cet effet, voir l'excellent texte d'une enseignante en francisation sur la difficile transition vers la maternelle de jeunes allophones ne parlants pas français).

Bref, ceux qui veulent protéger la langue française sont fermés sur le monde. Ceux qui veulent accueillir les nouveaux arrivants en les intégrant à la langue française et à la culture québécoise sont fermés sur le monde. Ceux qui vont représenter le Québec à l'étranger manquent de jugement (seulement s'ils sont souverainistes, sinon c'est un signe d'ouverture) et méritent d'être associés à Hitler. Ceux qui veulent que le Québec devienne un pays et parle de sa propre voix sur la scène internationale sont fermés sur eux-mêmes et détestent leurs voisins, dixit Nicolas Sarkozy.

Tant de contradictions! La seule cohérence de ces critiques est l'horreur du nationalisme québécois. Theodor Lessing, philosophe juif allemand assassiné en 1933, dénonçait les Juifs qui encourageaient publiquement l'antisémitisme dans son ouvrage « La haine de soi ou le refus d'être Juif ». On pourrait rééditer ce livre en version québécoise à propos de notre « nouvelle » droite anti-nationaliste : la haine de soi ou le refus d'être Québécois. Tout ce qui est Québécois est mauvais selon ceux-ci alors que le gazon est toujours plus vert chez ses voisins. Mathieu Bock-Côté a plutôt baptisé ce phénomène de détestation de soi par l'expression « ti-counisme ». Plutôt simple d'entrer dans le club des « ti-counes » : vous n'avez qu'à dire que le Québec est mauvais, que le Québec a l'une des pires économies au monde et que vous trouvez ridicule la culture québécoise. Et surtout, « chialez » contre tout ce qui provient des indépendantistes. Pas besoin d'être cohérent : au pire, il y aura toujours une station de radio ou de télévision pour vous accueillir à bras ouverts!

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